jeudi 4 février 2016

Un roman russe (2007)

Comme je l’ai déjà écrit par ici, j’adore Emmanuel Carrère. J’adore son style enlevé et dynamique et sa manière de parler de lui à travers les autres, et je me reconnais souvent dans ses doutes et ses peines.


Un roman russe ne fait pas exception. Carrère parle encore plus de lui, c'est vraiment un roman-thérapie. Il raconte comment il a tourné un documentaire sur une ville paumée au fin fond de la Russie et essayé en parallèle d’enquêter sur son grand-père maternel, une figure importante mais secrète de sa famille, mais surtout comment son couple de l’époque a implosé pendant cette période. C’est enlevé, c’est drôle, c’est triste, ça se lit super facilement tout en étant très soigné.

"Le Viatka, en tout cas, est un de ces hôtels que connaissent bien les voyageurs en Russie, où non seulement rien ne marche, ni le chauffage, ni le téléphone, ni l'ascenseur, mais où on devine que rien n'a jamais marché, même le jour de son inauguration."

Mais je dois dire que, pour la première fois, j’ai été un peu excédée par l'auteur. Figurez-vous que je l’ai trouvé très égoïste et méchant avec sa compagne de l’époque, une certaine Sophie (personnage réel, de fiction ou à mi-chemin, je ne sais pas…). C’est un peu l’image de l’artiste égocentrique qui ne pense qu’à son malheur et écrase les autres avec sa personnalité démesurée.

L’autre point qui m’a gênée, c’est le malheur héréditaire associé à la figure du grand-père. Foncièrement, je suis la première à penser que les parents peuvent faire de sacrés dégâts et que leur comportement a une influence indélébile sur le destin de leurs enfants, surtout en mal malheureusement. Je suis très sensible aux histoires de gens blessés par leurs parents. Mais pousser cela jusqu’aux grands-parents, n’est-ce pas "trop"? Carrère explique ici qu’il a été malheureux toute sa vie à cause de sa mère, qui était elle-même malheureuse à cause de son père (et pour de bonnes raisons d’ailleurs, l’homme ayant disparu après avoir été arrêté par des Résistants à la fin de la Deuxième Guerre mondiale) et qui a refusé toute sa vie d'en parler. Du coup, silence, tensions, maman ne dit rien, maman est malheureuse, et pam, notre auteur ressent le besoin impérieux d’écrire un livre pour exorciser sa souffrance et parler de son grand-père.

Parfois, je me suis dit qu’on ne vivait pas vraiment dans le même monde. J’avais l’impression d’avoir affaire aux riches New-Yorkais de Woody Allen ou Siri Hustvedt, qui se font psychanalyser à vie alors qu’ils ont tout pour eux.

Donc, en bref, je ne conseillerais pas de commencer l’œuvre de Carrère ici, mieux vaut lire Limonov à mon avis…

….Sauf que Un roman russe contient un passage assez exceptionnel, une lettre érotique écrite par Carrère à sa compagne et publiée dans Le Monde en 2002. Oui oui, vous avez bien lu. Une lettre érotique publiée à 600 000 exemplaires. Un vrai "truc de control freak caractérisé", comme dit l’auteur lui-même, carrément flippant quand on y pense, mais néanmoins jubilatoire à lire: j’ai vraiment bien rigolé sur ce passage qui laisse imaginer une situation complètement farfelue et terriblement excitante et j’ai même songé à écrire à Carrère pour le lui dire. Car oui, Carrère avait laissé son adresse mail à la fin de ce texte tiré à 600 000 exemplaires. Lol.


Donc voilà. Le livre est intéressant et agréable à lire, mais pousse l'égocentrisme un peu loin pour être aussi fort que D'autres vies que la mienne par exemple; par contre, il y a une lettre érotique dedans, et "les chances que ces jeteurs-de-coup-d’œil-pour-voir lisent ceci jusqu'au bout avoisinent selon moi les 100%, pour la simple raison que lorsqu'il y a du cul on lit jusqu'au bout, c'est comme ça".

Livres de l'auteur déjà chroniqués sur ce blog

4 commentaires:

  1. Il a écrit un essai sur Philip K. Dick ce monsieur. Je vois toujours le bouquin quand je passe au rayon sf de la Fnouc. Je me dis toujours que quand j'aurai lu Dick un peu je l'achèterai.

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    1. Voui voui tout à fait! J'adore le titre, "Je suis vivant et vous êtes morts". C'est certainement le prochain livre de Carrère que je lirai, même si je connais très peu Dick.

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    2. En fait c'est une phrase de Philip K. Dick. C'est un vers :
      "Sautez dans l'urinoir pour y chercher de l'or.
      Je suis vivants et vous êtes morts"

      Cela vient de son roman Ubik, un chef d'oeuvre. Je n'ai pas lu le bouquin de Carrère mais peut-être que tu devrais te renseigner pour savoir s'il n'est pas préférable d'avoir lu Ubik avant de lire le Carrère.

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    3. Ha merci pour l'info! En effet le fait que je n'aie pas tout capté au titre peut laisser planer des doutes sur la pertinence de lire le livre sans trop connaître le biographé... ^^

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