lundi 21 avril 2025

Les Éclaireurs (2009)

Portée par l'enthousiasme délirant qu'a suscité en moi ma lecture des Falsificateurs d'Antoine Bello, j'ai abordé sa suite avec frénésie et ravissement. Nous avions dans le premier roman un jeune Islandais, Sliv Dartunghuver, embauché par une entreprise de falsification tentaculaire, le Consortium de falsification du réel (CFR). Après diverses péripéties, la question se posait de connaître la finalité de cette entité.

Dans la première partie des Éclaireurs, Sliv apporte son aide à un projet de longue haleine du CFR: l'entrée du Timor-Oriental aux Nations Unies. C'est le dernier coup de collier afin de convaincre les représentants de l'ONU que le pays pourra tenir la route seul, sans plus dépendre de l'Indonésie.  Très inspiré, Sliv sort scénario sur scénario et attribue au pays des tas d'atouts dont celui-ci ne dispose pas réellement, et c'est là que j'ai commencé à m'interroger: même en s'appuyant sur la formidable force de frappe du CFR (dès que Sliv s'invente un rapport économique, par exemple, les équipes de falsificateurs du CFR créent ledit rapport et l'insèrent dans les dossiers de son pseudo-émetteur), comment peut-il si bien mener en bateau des gens qui bossent pour l'ONU et qu'on peut supposer un minimum informés de la situation économique et sociale du pays qu'ils évaluent?

Dans la deuxième partie, on suit les conséquences du 11-Septembre et la préparation de l'invasion de l'Irak par les États-Unis. C'était passionnant, d'autant que j'ai vécu cette époque mais que j'étais trop jeune pour suivre l'actualité de près (et que, de toute manière, j'ai tout oublié depuis). L'ambiance devait être chouette en Irak, avec la première puissance mondiale qui affirmait, en s'appuyant sur des données plus que floues, que votre dirigeant cachait des armes et qu'il fallait intervenir par la force pour les lui retirer. (Par la force chez vous, personne lambda qui n'était pas Saddam Hussein.) Mais ce qui interpelle le plus Sliv dans ce fatras de "preuves" qui ne tient pas la route, c'est 1/ d'apprendre que le CFR a largement contribué à la création d'Al-Qaida et 2/ que certaines des "preuves" brandies par la CIA semblent aussi provenir de dossiers montés par le CFR! Commence donc une course contre la montre pour débusquer le traître qui transmet des faux à la CIA et, peut-être, empêcher la guerre...

La troisième partie, enfin, mène Sliv devant le Comité exécutif, les six grands chefs qui dirigent le CFR, et qui vont lui en révéler les origines et la finalité. Je me contenterai de dire que CFR ne signifie pas du tout "Consortium de falsification du réel"... 🤣🤣🤣

Si j'ai retrouvé ici tout le talent habituel d'Antoine Bello, je dois dire que ce deuxième opus m'a beaucoup moins emballée que le premier, essentiellement parce que la falsification à l'œuvre m'a semblé trop colossale. C'était une chose d'inventer une espèce de poisson ou un film d'art et d'essai allemand; il me semble en être une autre de mener par le bout du nez les experts des Nations Unies en face à face. Quant aux motivations du membre du Comex qui a soutenu le développement d'Al-Qaida ([divulgâcheur]: mettre en garde l'Occident contre l'affrontement Occident-Islam en portant un groupuscule terroriste en particulier afin que l'Occident voie ce qui se passe et réagisse [fin du divulgâcheur]), je les ai trouvées d'une absurdité rare, et il m'a donc semblé imposible qu'une organisation aussi bien rodée et "sérieuse" que le CFR s'engouffre là-dedans...

Je dois aussi dire que j'ai étalé ma lecture sur deux semaines, en lisant parfois à peine un chapitre par jour, ce qui m'a donné l'impression de ne pas avancer et m'a empêchée de bien identifier et cerner les nouveaux personnages. À part les amis de Sliv rencontrés dans le premier roman, je suis absolument incapable de décrire avec certitude les personnages de ce tome-ci. Ça me désespère un peu. Même en vacances, je n'ai pas pu accorder à ce roman le temps qu'il méritait...

Mais enfin, tout ceci ne m'empêchera pas de plonger dans Les Producteurs dans quelques mois, parce que je suis très curieuse de voir comment le CFR va évoluer et que j'ai très envie de retrouver Sliv et ses collègues!!!

mercredi 16 avril 2025

L'Impératrice de Pierre, tome 1 (2019)

En 1727, alors qu'elle agonise dans son lit, Catherine Ire, impératrice de Russie, écoute l'horloge battre les coups. Douze coups, douze heures, douze chapitres durant lesquels elle se remémore son parcours...

Et quel parcours. Née en 1684 en Livonie, une région qui semble correspondre à une partie des États Baltes actuels et qui était à l'époque sous domination suédoise, Catherine perd ses parents très jeune. Elle est recueillie par une tante, qui l'envoie ensuite travailler comme domestique (on pourrait presque dire comme esclave) dans une famille de Marienburg, également suédoise à l'époque. Ça ne se passe pas bien pour Catherine, dans l'ensemble. Puis elle est mariée à un soldat suédois, et, moins d'une semaine après, les Russes prennent la ville et massacrent à peu près tout le monde.

Catherine est emmenée par un officier qui la viole quotidiennemnet. Par la suite, toutefois, elle atterrit entre les bras du prince Alexandre Danilovitch Menchikov. Et grâce à lui, elle rencontre Piotr Alekseïevitch Romanov, le tsar qui veut moderniser et occidentaliser la Russie autant qu'il veut en étendre le territoire et la poser sur l'échiquier international. Le tsar qui préfère se faire appeler Peter, la version allemande de son prénom, et qui est entré dans l'histoire sous le nom de Pierre le Grand, fondateur de Saint-Petersbourg...

Bon, franchement, cette histoire est totalement dingo. La petite noble lituanienne de rien du tout qui traverse les tumultes de la guerre pour finir entre les bras d'un prince russe, puis du tsar en personne, c'est totalement dingo. Mais ce qui est encore plus dingo, c'est que le tsar l'a épousée, cette maîtresse-là, et qu'elle lui a succédé lorsqu'il est mort!!!!! 🤯🤯🤯

Kristina Sabaliauskaitė, autrice lituanienne, donne la parole à Catherine pour raconter ce parcours hors du commun et un caractère qui l'est tout autant. Tout cela est forcément pas mal romancé pour ce qui est des détails (par exemple, je doute que les archives nous apprennent que Catherine a découvert le plaisir sexuel avec Mechikov), mais les grandes lignes correspondent bien à la réalité (ou en tout cas à ce que Wikipédia m'en apprend). J'ai adoré découvrir cette époque turbulente, cette guerre de vingt ans entre la Suède et la Russie, durant laquelle la Pologne tient un rôle important, et où l'Empire Ottoman pointe aussi le bout de son nez. J'ai fait toute ma scolarité en France et on ne m'a pratiquement jamais parlé de l'Est, mais il y a autant de périodes palpitantes à découvrir, autant de familles royales et d'alliances éphémères, autant de palais somptueux, autant de familles aux ramifications impossibles à retenir (d'autant plus que, en bons Russes, les trois quarts des personnages de ce roman ont quatre diminutifs, lol!). Il y avait un monde entier qui n'avait, en fait, rien à envier à l'Europe occidentale pour ce qui est du pognon des riches. Sous d'autres aspects, en revanche, la Russie des années 1700-1710 semble effectivement très éloignée des standards européens, plutôt comme certains pays mulsulmans aujourd'hui. Par exemple, les femmes vivaient très confinées, et l'une des innombrables raisons pour lesquelles Pierre était appelé l'Antéchrist était qu'il faisait asseoir les femmes aux mêmes tables que les hommes...

Le roman se termine à huit heures du matin, alors que Catherine vient de se remémorer son mariage officiel avec Pierre, après un premier mariage organisé en secret. Nous sommes donc en 1712. Mais son histoire ne s'arrête pas là!!! Deux ans après avoir publié ce premier tome, Kristina Sabaliauskaitė a publié le deuxième, que j'ai déjà en ma possession et que je me réjouis immensément de lire bientôt. Franchement, le seul défaut que j'y ai trouvé, c'est le rôle prépondérant du sexe dans la vie de Catherine, d'abord par le viol puis comme outil de survie. Mais bon, j'imagine que ce n'est pas invraisemblable: une femme de rien du tout qui n'avait aucune alliance, elle devait sécuriser sa place comme elle le pouvait, quand elle en avait l'occasion.

Pour finir, un mot sur cette édition de la Table Ronde: le grand format est absolument superbe, avec titre doré en couverture et marque-page assorti. Un régal. C'est juste un peu dommage qu'il soit fragile: le simple fait de retirer l'étiquette du prix a laissé une marque sur la quatrième de couverture.

Pourquoi ce livre, me demandez-vous?
Mais parce qu'il est traduit du lituanien par Marielle Vitureau, bien sûr!!! Je vous ai déjà parlé d'elle parce qu'elle a écrit le Dictionnaire insolite des pays baltes et parce que c'est grâce à elle que j'ai lu La Saga de Youza de  Youozas Baltouchis. Je ne peux, bien sûr, pas évaluer sa traduction en tant que telle, vu que je ne lis pas le lituanien, mais la version française est un régal et se lit toute seule!!! 375 pages au grand format et je l'ai lu en cinq jours, dont deux où je n'ai pas lu, en fait, donc en trois jours de lecture réelle!!! Une rareté!!!

vendredi 11 avril 2025

Imperial Earth (1975) 🪐🌎

Arthur C. Clarke fait partie de mes auteurs valeurs sûres. Il ne m'a jamais déçue, et avec ce roman sur lequel je suis tombée par hasard, dans une librairie anglophone des Pays-Bas, il m'a encore emmenée immensément loin sur tous les plans: géographique, mental, humain.

Imperial Earth s'ouvre sur Titan, une lune de Saturne, qui doit sa richesse et son influence au sein du Système solaire à l'exploitation de l'hydrogène, que l'on y trouve en abondance. Le protagoniste est Duncan Makenzie, le troisième membre de la famille – presque de la dynastie – qui dirige ce petit monde. Nous sommes en 2776, et la Terre invite Duncan à donner un discours lors de la commémoration du cinq centième anniversaire de la Déclaration d'Indépendance des États-Unis. Pour lui et sa famille, c'est une occasion importante de tisser des liens politiques et commerciaux, surtout à une époque où un nouveau système de propulsion risque de remplacer l'hydrogène à moyenne échéance, mettant ainsi en péril le modèle commercial de Titan. Mais c'est aussi l'occasion de procéder au clonage de Duncan. Car les Makenzie sont en réalité des clones depuis trois générations, le grand-père de Duncan n'ayant pas pu avoir d'enfant viable par la reproduction conventionnelle.

Dans la première partie du roman, on rencontre Duncan dans son quotidien sur Titan, et on découvre les enjeux de sa visite sur Terre et quelques bribes importantes de son passé, notamment ses relations avec un homme de Titan et une femme de la Terre, plusieurs années plus tôt. La deuxième partie raconte son voyage vers la Terre. Enfin, la troisième partie décrit son séjour sur Terre, jusqu'au fameux discours à l'occasion des cinq cents ans de la Déclaration d'indépendance.

Trois choses ressortent tout particulièrement de ce roman. Aucune des trois n'est surprenante quand on connaît l'auteur, mais je tiens à les noter pour bien m'en souvenir.

Premièrement, tout est très tranquille. Lorsque Duncan découvre le vaisseau à bord duquel il voyage, puis la Terre, je me suis dit que c'était quasiment de la cozy science fiction. Comme il ne connaît rien, tout l'intéresse et est sujet à émerveillement, y compris un cheval (Duncan ne croyait pas qu'ils étaient si grands!) ou le goût du miel. C'est absolument merveilleux de se lover là-dedans sans raison de flipper, en toute confiance.

Deuxièmement, l'auteur nous donne à voir une humanité qui a évolué en bien. Le progrès n'a pas été facile, et tout n'est pas parfait dans ce monde-là non plus, mais il n'y a plus d'États tels que nous les entendons et plus de guerres, et la technique a été utilisée à bon escient, pour faciliter le quotidien tout en redonnnant vie à un environnement très malmené. Duncan ressent un certain choc culturel en revenant sur Terre – la planète où il est né, puisque c'est là qu'il a été cloné –, mais il l'exprime toujours avec beaucoup de tact et de diplomatie. J'ai souri lorsqu'il se demande avec horreur si ses hôtes vont lui proposer "de la vraie viande"... (Réponse: non! Ouf! Duncan n'a jamais mangé de viande sur Titan et l'idée lui répugne!)

Troisièmement, j'ai retrouvé ici l'émerveillement pur face à l'exploration spatiale et les échelles de temps et de distance ahurissantes d'un système solaire et de l'espace en général. La première partie raconte comment, à l'occasion d'une eclipse, la planète Saturne passe devant le Soleil et permet ainsi à Duncan de distinguer, dans la relative obscurité qui s'ensuit, une autre étoile. Une autre étoile qui, en fait, n'est pas une étoile, mais la planète Terre, si distante de Titan qu'elle n'est qu'un point lumineux, visible uniquement lorsque le Soleil est caché!!

"He could not take his gaze off that faint little star, during the few seconds before Saturn wiped it from the sky. He continued to stare long after it was gone, with all its promise of warmth and wonder, and the storied centuries of its civilisations.
For the first time in his life, Duncan Makenzie had seen the planet Earth with its own unaided eyes."
Ce ne sont que deux paragraphes, mais purée, quelle émotion, quel renversement de paradigme!!!

Deux dernières choses que je veux noter. Un chapitre s'intitule "The Ghost from the Grand Banks" (comme un certain roman, tiens tiens tiens) et met, bien sûr, en scène mon paquebot naufragé préféré. Quelle merveille, ça aussi. Si James Cameron a lu ce livre, il a dû adorer. Enfin, le dernier tiers du roman prend un ton plus dur, car il y a un décès et Duncan doit affronter avec douleur ses amours passés. Cela ne rend pas le roman sombre en soi, mais c'est nettement moins cozy que ce qui précède. Et je suis admirative de la manière fine dont il a traité ses personnages.

À noter également: cette édition Gollancz contient une introduction de Stephen Baxter. Quant aux remerciements de l'auteur, ils évoquent Carl Sagan. Que du beau monde!

Bref: Clarke était un génie, lisez Clarke.

dimanche 6 avril 2025

Les BD du premier trimestre 2025 😺😺😺

Comme d'habitude, retour sur les lectures graphiques du trimestre écoulé!

Plus que jamais, ce trimestre a été dédié aux chats. J'ai d'abord lu un manga avec un chat que j'ai reçu à Noël. Puis j'ai réorganisé une partie de ma bibliothèque et redécouvert pas mal de BD ou d'albums sur les chats, que je me suis empressée de relire.

Le Chat mène l'enquête de Noho (scénario et dessin), traduit du japonais par Pascale Simon (2023)

Un joli manga sur un gros chat blanc qui se balade à Los Angeles et y rencontre des gens – et parfois des chats. Une fois de plus pour une œuvre japonaise, on est sur le segment "tranches de vie". C'est fou. À la fin, il aide aussi deux détectives à résoudre une affaire, ce qui justifie le titre français; mais le titre d'origine, The Walking Cat (un titre anglais, oui), est plus proche de la vérité. Le chat est très dodu, il a souvent un petit air dédaigneux trop drôle et l'ensemble est plein de douceur, donc j'ai, bien entendu, beaucoup aimé.
Éditeur: Doki Doki

Crapule 1 et 2 de Jean-Luc Deglin (2017 et 2018)


Une BD adorable sur un petit chaton noir et l'humaine qui partage sa vie, entre incompréhensions, coups de griffes, coups de folie et amour. J'adore, mais parfois, quand Crapule a l'air triste, ça me donne pas mal envie de pleurer. J'avais déjà lu ces deux tomes, mais j'en avais oublié jusqu'à l'existence. La série s'arrête ici, il n'y a pas eu de nouveautés depuis.
Éditeur: Dupuis

Madame 1 à 4 de Nancy Peña (2015 à 2022)

Ici aussi, j'avais oublié jusqu'à l'existence de cette série, dont j'avais lu les deux premiers tomes: L'année du chat et Un temps de chien. Enchantée par ma relecture, je me suis procurée les deux qui sont sortis depuis: Grand reporter et Bébé à bord. Grand reporter est essentiellement un recueil de planches parues dans Le Monde, ce qui m'a fait revivre l'actualité de 2017 et 2018 (qui était bien pourrie, à tel point que ça m'a fait relativiser l'actualité actuelle) (eh ouais, Donald Trump était déjà là). Bébé à bord m'a moins emballée, vu qu'il y a un bébé (humain) qui entre en scène (si seulement ç'avait été un bébé chat!!), mais je me marre bien avec les mimiques de Madame, cette petite chatte si mignonne et déterminée. À noter que, dans cette série, Madame communique sans difficulté avec son humaine par la parole, ce qui n'est pas le cas dans les autres ouvrages du mois.
Éditeur: La Boîte à Bulles

Chat-Bouboule de Nathalie Jomard (2015 à 2021) 

Cette série-là, je ne l'avais pas oubliée! De tous les chats que j'ai rencontrés en images, Bouboule est probablement celui qui me fait le plus pisser de rire avec Garfield. Son ventre proéminent et ses mimiques m'éclatent démesurément. Dans le tome 3, son emploi du temps, qui contient pratiquement chaque jour le combo "miauler pour sortir" et "miauler pour rentrer", me plie en deux; les planches "et si l'histoire avait eu un chat sur les genoux", genre Jeanne d'Arc qui ne peut pas se lever pour aller bouter les Anglais hors de France, sont excellentes. J'avais déjà lu les tomes 1 à 4 (Chroniques d'un prédateur de salon, La nuit tous les chats sont gros, Intermittent de la sieste et Fat and furious) (ces titres 🤣🤣🤣) et je me suis procurée le tome 5 (À gras raccourci) (putain j'en peux plus 🤣🤣🤣🤣). Le seul truc qui me laisse perplexe dans cette série, c'est le nombre de blagues sur la litière et les crottes puantes. Peut-être que mes chats ont une activité intestinale moins intense que Bouboule. 👀
Éditeur: Michel Lafon

Et ce qui est beau avec cette réorganisation de bibliothèques, c'est que j'ai pu faire un petit coin 100% chats. Il y a d'autres chats ailleurs, bien sûr, mais, ici, il n'y a qu'eux! 💪💪

mardi 1 avril 2025

La gamelle de mars 2025

Comme toujours, retour sur les activités culturelles du mois écoulé, hors lectures! En ce qui concerne le cinéma, c'est un deuxième mois d'affilée avec quatre séances, ce qui est devenu suffisamment rare pour que je le marque d'une pierre blanche...

Sur petit écran

Pas de film.

Sur grand écran

Creation of the Gods 2 – Demon Force de Wuershan (2025)


Ji Fa ❤️❤️❤️

Je me suis empressée de retourner voir Creation of the Gods avant que mon cinéma ne le retire de l'affiche, et là, j'ai été tellement encore plus hystériquement emballée que j'ai envisagé de me traîner à Paris pour le voir une troisième fois, puis j'ai retourné Internet à la recherche d'interviews et DE LA CHANSON, PUTAIN, LA CHANSON, puis je me suis abonnée au compte Instagram de Yu Shi, le seul acteur que j'ai trouvé sur ce réseau social. Je n'en reviens tout simplement pas, je suis toujours à Xiqi, je veux trop être la générale, je suis amoureuse de la moitié des personnages masculins, je rêve de l'opulence du palais, je me dis même que ce serait cool de me mettre au chinois (ou plus précisément au mandarin, si je suis bien informée) si seulement j'avais suffisamment sécurisé ma connaissance du russe pour me pencher sur une autre langue, putain putain putain vivement le troisième film, et bénis soient les gens qui font la programmation de mon cinéma et qui ont passé le premier film l'année dernière, me permettant ainsi de découvrir son existence.
Plus prosaïquement: il y a quelques problèmes dans les sous-titres français, notamment une faute d'orthographe sur le participe passé du verbe "sauver" et des majuscules erronées au début d'un sous-titre faisant, ou non, partie de la même phrase que le précédent. Mais rien de grave. Et, structurellement, le film a presque trop de méchants, ce qui fait que l'intrigue de l'un d'eux (le roi) n'évolue pas et qu'un autre (le sorcier) est pratiquement absent. Mais le troisième film devrait régler ça.
(Enfin, sauf que la deuxième scène intra-générique de fin (car ce film contient pas moins de TROIS scènes intra-générique de fin!!!!! Quel bonheur!!!!! C'est comme s'il ne se terminait jamais!!!!!) annonce l'arrivée d'un nouveau méchant, encore plus patator, huhu.)

The Last Showgirl de Gia Coppola (2024)

La forme de ce film – caméras qui bouge beaucoup, très gros plans – m'a plutôt rebutée, mais le fond est très riche et je suis donc ravie de l'avoir vu. Pamela Anderson joue avec brio une femme simple, un peu "white trash", qui se révèle être bel et bien une artiste dans ce qu'elle fait. Jamie Lee Curtis a un rôle excellent et apparaît en string sous un collant gainant, donnant ainsi à voir ce qu'on ne voit pratiquement jamais: le corps d'une sexagénaire (coucou Emma Thompson dans Mes rendez-vous avec Léo). Dave Bautista joue tout en naturel un mec tout simplement gentil et un peu fragile, aux antipodes de son physique costaud de catcheur. On parle de filiation, d'un monde qui disparaît, de la difficulté spécifique d'être une femme, de l'absence de sécurité sociale aux États-Unis. Comme dans Nomadland de Chloé Zhao, je me suis dit à un moment donné que le rêve américain, à supposer qu'il ait jamais existé, est bel et bien mort, enterré et dans un état de décomposition avancé. Et que l'expérience humaine est décidément bien vaine et triste. Mais il y a quelque chose à en tirer malgré tout.

Magic Mike de Steven Soderbergh (2012)

Difficile de voir ce film de strip tease sans gigoter sur sa chaise et sans avoir envie de vider son compte en banque pour couvrir Channing Tatum de billets. Les numéros sont assez différents et bien montés pour que ce soit dynamique, et la souplesse des danseurs est ahurissante... Un peu comme The Last Showgirl, ce film montre un monde qui a une fibre artistique réelle, même si le plaisir consiste surtout, ici, à mater des fesses ahurissantes!! Et il y a aussi des relations humaines qui évoluent, et les difficultés de gagner sa vie aux États-Unis en toile de fond. La seule critique que j'ai à lui faire, c'est le grain inondé de soleil qui noie les couleurs...
//Bien entendu, je me suis ruée regarder la scène mythique de la station-essence dans Magic Mike 2, et je me disais que ces deux films ont un côté très rassurant, car les femmes sont les clientes. On mime sans cesse les relations sexuelles, mais aucune femme n'est jamais en danger ou dans une situation inconfortable.//

Mickey 17 de Bong Joon Ho (2025)

Un film très sympathique, qui brasse des tas de sujets, malgré quelques longueurs et quelques éléments qui m'ont laissée perplexe (c'est quoi, cet écosystème avec une seule et unique espèce? Comment se nourrissent ces gros machins? Je conçois bien que tout le monde n'est pas James Cameron pour créer un écosystème ultracomplet, mais bon...). Le chef du vaisseau est un tel condensé de Trump et de Musk que je suis étonnée que le film puisse être diffusé aux États-Unis. 😅 Bon, sinon, on n'a pas ici la finesse de Parasite, mais Parasite est hors-classe, et puis ce côté excessif est totalement assumé.

Du côté des séries

Toujours rien.

Et le reste


Gloups! J'ai complètement manqué mon engagement de lire une revue ou un magazine en plus de Cheval Magazine. J'ai bien le Mad Movies sur les adaptations de Lovecraft qui attend, mais il était trop épais pour le temps disponible ce mois. Du coup, j'ai uniquement lu mon fidèle Cheval Magazine [mise à jour du 3 avril: le numéro de mars, que je n'avais pas pu lire lors de son arrivée, et le numéro d'avril]. Exploit en ce numéro d'avril: aucune mention des animalistes!!

jeudi 27 mars 2025

Non ho tempo per andare al mare (2024)

Chronique express!

Matilde est guide touristique à Palerme, en Sicile. Pendant la belle saison, elle passe une dizaine ou une quinzaine de jours avec un groupe de touristes: elle les guide durant la journée et loge dans le même hôtel qu'eux. Quand un groupe repart, elle recommence avec le groupe suivant. Collectivement, ils s'appellent les Audacieux, d'après la com de l'entreprise qui organise leur séjour. Individuellement, Matilde les surnomme par un trait saillant de leur personnalité, qu'elle identifie en deux temps trois mouvements grâce à son expérience: le Râleur, l'Éponge (celui ou celle qui boit 🍸🍸😂😂), le Dévot, le Cultivé, etc. En parallèle, elle essaye tant bien que mal de gérer ses relations avec sa famille dysfonctionnelle: son père qui vit pratiquement à temps plein dans son Audi garée dans la cour de la maison, sa mère qui l'appelle systématiquement par un autre prénom, sa grand-mère qui ne jure que par sa badante roumaine (la dame qui vit chez eux pour l'assister). Et puis un jour, la badante roumaine rentre au pays pour une semaine, mais ne donne plus de nouvelles une fois la semaine écoulée. Et là, c'est le drame...

J'ai beaucoup rigolé en lisant ce roman de Mari Accardi. Bien que l'histoire se déroule en Sicile, j'y ai retrouvé plein de petites choses que j'ai connues en Toscane (la Simmenthal!!!), à tel point que je me suis presque sentie légitimisée dans mon italianité. Le ton est cynique et complètement résigné à la fois, ce qui participe grandement à la comicité; on sent la narratrice complètement au bout du rouleau et dépassée par les événements, mais désireuse de bien faire malgré tout. Et, mine de rien, l'autrice y parle de pas mal de choses: cette ville, Palerme, qui a l'air ultrabordélique, le tourisme de masse qui ne peut qu'effleurer ce qu'il étudie, les relations humaines toujours difficiles mais précieuses de par leur simple existence, la précarité absolue des jeunes en Italie. Bon, je suis aussi passée à côté de beaucoup de références siciliennes en particulier ou italiennes en général, mais j'ai vraiment bien rigolé. C'est un bon exemple de littérature populaire et générale qui frappe pas mal juste.

samedi 22 mars 2025

Ceci est notre post-partum (2021)

🥁🥁Roulement de tambours 🥁🥁

Est-ce que ce blog se tournerait vers la parentalité?

🥁🥁 Roulement de tambours 🥁🥁

Non. J'ai lu ce bouquin parce que Shaya me l'a prêté et que le sujet est d'intérêt général pour les femmes. Pas pour me préparer aux suites d'un accouchement. J'étais largement hermétique à l'idée avant et je le suis toujours autant. (Mais pas plus, ce qui est dire combien j'étais déjà hermétique avant... 😅)

Illana Weizman a écrit cet ouvrage dans la suite du lancement du hashtag #MonPostPartum sur les réseaux sociaux. Il est structuré en cinq chapitres bien échelonnés: définition du post-partum, traitement de la douleur des femmes, rejet du corps post-partum, contexte de domination masculine, pistes politiques pour une meilleure prise en charge.

Déjà, la première partie m'a été bien utile pour relativiser l'emploi du terme "post-partum". À la base, quand j'ai découvert ce terme, c'était au sein d'un autre terme: "dépression post-partum". Du coup, je me suis souvent dit, en entendant des gens évoquer le post-partum, que ces gens collaient un terme grave, lié à la dépression, sur un état qui n'était pas si grave que ça. Même ma Clotilde adorée de Change ma vie, quand elle a fait son épisode "Mon post-partum", je me suis dit "mais ce n'est pas du tout une dépression, ce qu'elle décrit"... 🤨 Cela ne m'a pas empêchée d'ouvrir grand les oreilles pour écouter cet épisode, hein, parce que Clotilde est l'amie ou la grande sœur que je n'ai pas dans la vraie vie et que je prends tout ce qu'elle dit très au sérieux. Mais bon, perplexité de ma part sur l'usage du terme médical. Donc, désormais, je saurai: le post-partum, c'est la période après l'accouchement et tout ce qu'elle implique. Elle peut parfois impliquer une dépression post-partum, mais pas forcément. Le terme "post-partum" est bien plus large que le terme "dépression post-partum".

La suite est très intéressante. L'autrice retrace les différentes raisons pour lesquelles on fait collectivement semblant que la douleur s'arrête avec l'expulsion de l'enfant et pour lesquelles les femmes n'osent pas trop évoquer leurs difficultés, ainsi que les critiques qu'on leur adresse quand elles le font – critiques qui viennent souvent d'autres femmes, ce qui n'est pas une surprise mais est néanmoins désespérant. Elle décrit les différents problèmes rencontrés, comme les saignements qui peuvent continuer durant des jours, voire des semaines, et toutes sortes de joyeusetés bien dégueulasses. Les corps biologiques sont décidément des choses affreuses. Le plus frustrant et révoltant, pour moi, c'est toutefois le manque d'accompagnement médical, tous ces gens qui sont censés nous soigner et qui s'en foutent éperdument...

Évidemment, tout ceci est très politique, avec une vraie charge contre la domination masculine et l'héritage judéo-chrétien. C'est là que je ne rejoins pas tout à fait l'autrice, dans le sens que je ne pense pas qu'il y ait une sorte de complot anti-femmes au sein de la société et que, même si j'ai été élevée par des catholiques bien gratinés qui m'ont inculqué plusieurs horreurs, la judéo-chrétienté a bon dos pour porter tout le machisme de la société. L'islam, en revanche, est à peine nommé, ce que je trouve singulier. En revanche, j'ai apprécié qu'elle évoque le machisme invétéré de certains penseurs de la Grèce antique! Là aussi, je trouve assez facile de faire porter la responsabilité du machisme du XXIe siècle sur des gars morts depuis deux millénaires et demi, mais ça met de la nuance au sein d'une civilisation qu'on considère généralement comme éclairée, et "positive" et "enviable" de manière générale.

Voilà voilà. Avant, j'avais envie de cramer pas mal de gens et je trouvais l'accouchement un truc absolument épouvantable qu'il faut vraiment être tarée pour affronter volontairement, et je sors de cette lecture inchangée. J'ai peut-être un peu plus envie de cramer les gynécos, mais même pas tant que ça, lol. Bref, pas de trauma majeur pour moi (contrairement à ce que prétendent craindre tous les gens qui ont reproché à l'autrice d'évoquer le sujet, qui soutiennent que les femmes ne vont plus vouloir avoir d'enfants si on leur dit que c'est dur!) (ah, eux j'ai pas mal envie de les cramer 😅), mais plus de connaissances sur une période qu'ont traversée, que traversent ou que traverseront pas mal d'amies. Et des questionnements personnels, bien sûr: et ma mère? Et mes grands-mères? Qu'ont-elles éprouvé? Qu'ont-elles pensé? Je ne le saurai jamais, et, en fin de compte, c'est ça qui me laissera longtemps en goût amer en bouche.

lundi 17 mars 2025

La Mare au diable (1846)

Pour ouvrir ce billet, une perplexité: je ne sais plus où je suis tombée sur ce bouquin. Une boîte à livres, je crois. Les livres d'occasion sont tellement omniprésents, maintenant, que je confonds totalement leurs lieux d'origine.

Bon. La Mare au diable de George Sand. J'adore ce titre, que je trouve très évocateur, et j'ai un vague intérêt pour cette autrice au nom d'homme, que j'ai, justement, prise pour un homme pendant des années, si ce n'est des décennies. Il y a deux ans, la visite de l'exposition Héroïnes romantiques du Musée de la vie romantique l'a aussi vaguement placée sur mon radar, car l'exposition permanente présente des objets lui ayant appartenu.

(Quand je dis "vaguement", c'est que je me suis dit "tiens, ce serait bien que je la lise", comme je me le dis tous les jours à propos de tas de gens différents, en sachant d'avance que je n'y arriverai jamais.)

La Mare au Diable est un court roman champêtre. Le titre évoque quelque chose de ténébreux, mais ce n'est pas du tout le cas. L'histoire est celle de Germain, un laboureur du Berry, qui va à la ville voisine pour rencontrer une veuve. Lui-même est veuf depuis deux ans, et son beau-père, chez qui il vit, lui a expliqué qu'il serait temps qu'il se remarie. Et, justement, il y a cette veuve plutôt fortunée et de bonne réputation dans la ville d'à côté. D'ailleurs, le beau-père a déjà discuté avec le père de la veuve, et Germain a toutes ses chances. Alors, Germain, un brave garçon sérieux, décide d'aller la rencontrer, même s'il n'est pas vraiment remis de la mort de sa femme, qu'il adorait.

Pour ce petit voyage, il emmène aussi Marie, une jeune fille du village, qui va aller travailler dans un autre village. Et, sur la route, ils sont rejoints par Petit-Pierre, le fils aîné de Germain, qui est très curieux de rencontrer sa peut-être future maman. Malheureusement, ils se perdent dans la forêt et sont contraints de passer la nuit à la bonne étoile, ce qui permet à Germain de mieux connaître Marie. Et, bien sûr, il se rend compte que Marie est non seulement charmante et jolie, mais aussi très sérieuse et travailleuse, et pleine de bon sens.

À part une scène durant laquelle j'ai cru que Germain allait purement et simplement sauter sur Marie et la violer (mais ouf, non!), j'ai beaucoup apprécié ce roman pour une raison simple: les personnages sont gentils. Germain est gentil. Il est gentil avec tout le monde. Il est droit dans ses bottes; il travaille dur sans se plaindre; il fait son devoir. Marie est gentille. Elle est gentille avec tout le monde. Elle est droite dans ses bottes; elle travaille dur sans se plaindre; elle fait son devoir; et elle est très perspicace pour son jeune âge. Petit-Pierre est gentil. Il est aussi espiègle, mais il a sept ans, donc ça peut passer, et ça ne change rien au fait qu'il est gentil. Et il s'occupe déjà un peu d'aiguillonner les bœufs pendant que son père laboure, donc on peut presque dire qu'il est travailleur.

Moi, j'aime bien les gens gentils et travailleurs dans la vraie vie, alors ça m'a fait grand-plaisir de passer quelques heures de lecture avec ces personnages. Le roman est bien daté dans son contexte et sa vision du monde – à commencer par le chapitre durant lequel le beau-père de Germain lui parle de la veuve pouvant faire une épouse intéressante: c'est un mariage arrangé de A à Z entre gens qui ne se connaissent même pas –, mais c'est champêtre et désuet de manière positive. Ça donnerait presque envie de vivre dans ce Berry agricole où tout le monde est content de son lot, franchement. Les annexes décrivent avec force détails les festivités entourant une noce, ce qui en fait presque un document anthropologique sur les mœurs du peuple berrichon au XIXe siècle... ^^ Et puis le climat n'était pas encore flingué à l'époque, ce qui semble fortement enviable.

Bon, il y a aussi un enfant de sept ans qui commence à travailler aux champs, et une fille de seize ans qui finit avec un homme de vingt-huit, ce qui provoque un léger frémissement de la part du lecteur moderne. Mais je vous assure que ça semble parfaitement naturel et charmant, dans son contexte.

Voilà. Ce n'est pas non plus une lecture ultramarquante, et George Sand n'est pas non plus devenue ma nouvelle prosatrice préférée, mais ce roman est sans aucun doute original et plaisant. C'est un peu La Terre de Zola, mais sans le point de vue zolien, quoi. 🤣🤣🤣

Et le titre, alors? Eh bien, il y a vraiment une mare au diable dans l'histoire, comme le révèle une vieille femme rencontrée dans la forêt. Je ne suis pas sûre que cela justifie de nommer le roman ainsi ("Le Laboureur" aurait été plus juste), mais elle est bien là.

mercredi 12 mars 2025

La Touche étoile (2006)

En 2021, j'ai découvert Benoîte Groult avec un immense plaisir. Après une trouvaille dans une étagère de livres à donner en 2023, j'ai cette fois-ci trouvé un roman d'elle en bouquinerie, et je n'ai pas hésité.

La Touche étoile est paru en 2006, et il m'a pas mal rappelé La Part des choses, qui est paru bien plus tôt, en 1972. On y retrouve des éléments communs: des points de vue multiples, la Bretagne, la mer et la navigation, les relations entre hommes et femmes, l'insatisfaction, l'adultère et le vieillissement. Et le franc-parler formidable de cette autrice, bien sûr.

Le premier chapitre donne la parole à Moïra, le destin en grec. Les autres chapitres alternent entre le point de vue d'Alice, âgée de quatre-vingt ans et plus, et celui de sa fille Marion. J'ai parfois eu un peu de mal à me repérer, chacune ayant un mari et plusieurs enfants, mais leurs trajectoires sont assez différentes.

Alice est une féministe "historique", qui voit les portes se fermer progressivement à cause de son âge, et qui observe avec consternation les jeunes générations. Son arrière-petit-fils est tellement gâté qu'elle l'appelle "l'énergumène" ou quelque chose de ce genre, ce qui m'a bien fait marrer. Je pense qu'elle est l'avatar de l'autrice, car c'est là que j'ai le plus retrouvé la verve que j'avais déjà lue.

L'intrigue de Marion tourne essentiellement autour de sa relation adultère avec un Irlandais, Brian, qu'elle a fréquenté par intermittence durant des années et dont elle a eu un enfant. Moi, cet élément d'adultère me laisse assez perplexe. Je considère la fidélité comme une des bases du couple, donc je vois l'adultère comme quelque chose de malhonnête – et ce même si, dans ce cas précis, le mari de Marion la trompe allègrement, à répétition et y compris avec ses amies à elle! (Enfin, des "amies"... Le terme ne me semble pas terriblement adapté... 🙃) Mais j'ai tout de même apprécié son histoire aussi.

Les deux femmes parlent toutes deux du vieillissement, de la santé qui s'amenuise, des expériences vécues qui s'accumulent, et c'est drôle par moments et poignants par d'autres.

"Une des tristesses de l'âge, c'est de s'apercevoir que les pires traditions, les préjugés les plus révoltants, les comportements les plus condamnables et qui ont été brillamment condamnés depuis trente ans par des sociologues et des psys de toutes obédiences, survivent à tout imperturbablement."
Halàlà, quelle déprime.

Surprise: la fin du roman se termine par un plaidoyer en faveur de l'euthanasie humaine. J'avais totalement oublié que Benoîte Groult militait pour l'Association pour le droit de mourir dans la dignité, et même que, selon sa page Wikipédia, elle a elle-même été euthanasiée. J'ai trouvé ça vibrant, quoi qu'un peu flippant. J'aimerais bien soutenir cette association, mais l'environnement reste ma priorité – accompagné en 2025, si mes moyens me le permettent, de journaux indépendants –, donc je doute d'y venir. Mais j'écris ça ici dans l'espoir de m'aider à me souvenir de franchir le pas un jour.

Autres livres de l'autrice déjà chroniqués sur ce blog
La Part des choses (1972)
Ainsi soit-elle (1975)
Mon évasion (2008)

vendredi 7 mars 2025

Recherche d'une Église (1934)

Taratata, taratata, c'est le retour de Jules Romains!!

Après un sixième tome qui se terminait avec la prise de conscience de Jerphanion qu'il lui fallait quelque chose de plus grand que lui – une Église, en d'autres termes – et sa prise de contact avec Clanricard, le septième tome de la Saga des Hommes de bonne volonté s'articule en grande partie autour de cette recherche. Ce qui n'a rien d'étonnant, au vu du titre.

Pour Jerphanion, et Laulerque qu'il rencontre grâce à Clanricard, la piste à suivre est assez marrante: ce ne sera pas le Parti Socialiste ou une autre entité du même genre, mais... des sociétés secrètes. Jerphanion se tourne vers la Franc-maçonnerie; Laulerque, vers une société tellement secrète que le lecteur n'apprendra rien à son sujet. Par ailleurs, Jerphanion discute beaucoup avec Jallez, son camarade de Normale, et on en apprend plus sur Juliette, l'amante de celui-ci. J'adore Jerphanion et Jallez, alors je me suis régalée. Et le mari trompé entre aussi en scène.

Du côté de la bonne société, on a un dîner autour d'une actrice, Germaine Baader, et quelques rendez-vous rapides. Et Gurau, devenu ministre je ne sais plus quand, plante sa démission!! Mais on le voit très peu, et je n'ai pas du tout saisi les tenants et les aboutissants de son mandat.

Bref, l'intrigue avance tranquillement, et l'apparition des sociétés secrètes est sans doute très importante pour la suite, mais il n'y a pas de changement majeur. J'ai passé un excellent moment, et j'ai retrouvé avec grand plaisir tous les personnages, et je me réjouis de lire la suite.

Du point de vue du support, ce septième tome est le dernier du premier tome de la collection Bouquins!! C'est fou. Je l'aurai lu en moins d'un an, ce sur quoi je n'aurais jamais misé quand je l'ai commencé. Avant de le ranger dans la bibliothèque, j'ai resurvolé l'introduction – qui est beaucoup trop pointue pour moi mais fournit tout de même des informations intéressantes –, la biographie de l'auteur et surtout sa préface, qui éclaire son projet de manière très intéressante. Le premier paragraphe est d'ailleurs très drôle:

"Je publie aujourd’hui les deux premiers volumes de l’œuvre qui sera probablement la principale de ma vie. Par les dimensions d'abord. Ces deux volumes doivent être suivis, à des intervalles que je tacherai de rapprocher autant que possible, d'un certain nombre d'autres. (Je m'abstiens d'indiquer un chiffre précis pour n'effrayer personne.) Par le contenu aussi, je l'espère."
"Je m'abstiens d'indiquer un chiffre précis pour n'effrayer personne." C'est beau. Je crois que, à l'époque, il ne misait que sur dix ou douze romans. Au final, il y en aura eu vingt-sept!!! Vingt-sept!!! Pour sept cent soixante-dix-neuf chapitres!!! 779!!! Le gars était un malade. 😅 Et il ne voyait pas ça comme une saga en plusieurs volumes, mais comme un seul et unique roman très long!! Le fou.

mardi 4 mars 2025

La gamelle de février 2025

Comme toujours, retour sur les activités culturelles du mois écoulé, hors lecture!

Sur petit écran


Pas de film.

Sur grand écran

Babygirl de Halina Reijn (2024)

Ouch! Nicole Kidman joue une PDG très maîtresse d'elle qui initie une liaison avec son stagiaire bien plus jeune. Leur relation est nettement moins sordide et dominatrice que la bande annonce ne le laisse présumer, mais il y quand même pas mal de tension. Malgré cela, je me suis ennuyée ferme. Je n'ai absolument pas compris ce que le personnage de Nicole Kidman peut bien trouver au jeune homme. La moitié des dialogues sont hachés, interrompus, chuchotés et marmonnés, ce qui m'a exaspérée. La caméra bouge beacoup, ce qui m'a exaspérée aussi. Je ne suis pas sure d'avoir compris la fin. Et pour un film qui tourne autour de la jouissance de NICOLE KIDMAN, une actrice avec un potentiel de dingo, c'était bien peu excitant. Mais en bien, je dirai que Nicole Kidman a un charisme fou et joue un rôle difficile, qu'Antonio Banderas est merveilleux même en père de famille ennuyeux, et que le film parle de sexualité féminine, y compris de masturbation, ce qui est toujours bien.

Better Man de Michael Gracey (2024)

Holàlà qu'est-ce que j'ai aimé!!!! J'ai chanté (tout bas 😂😂), j'ai gigoté sur mon siège, j'ai pleuré!!! Les chansons de Robbie Williams – dont j'ai découvert que j'en connaissais vaguement quelques-unes, outre "Rock DJ" que j'adore et "Angels" que j'ai redécouverte grâce à la bande-annonce – ne seront plus jamais les mêmes pour moi. La fin, son message de rédemption et cette autre chanson que je ne divulgalcherai pas m'ont électrisée et m'ont donné de l'espoir. Holàlà!!!!

Moulin Rouge! de Baz Luhrmann (2001)

Holàlàlà mais quelle merveille, ce film!! Je l'aime teeelllleeeeement!! Je l'avais déjà (re)vu au cinéma en 2021 et en 2022 et non seulement je ne m'en lasse pas, mais je l'ai trouvé encore meilleur!!

Creation of the Gods 2 – Demon Force de Wuershan (2025)

Holàlàlà mais quel bonheur!!! Cette fantasy chinoise me dépayse totalement et m'enthousiasme démesurément en dépit de certains côtés ridicules!! Je suis tellement heureuse que mon cinéma l'ait passé!!! Vivement le troisième film!!!! Aaaaaaaah!!!
Mon avis sur le premier film (ohlàlàlà!!!).

Du côté des séries

Toujours rien.

Et le reste

J'ai lu le Manière de voir de décembre 2023-janvier 2024 sur les femmes et le féminisme. Cette revue regroupe des articles passés du Monde Diplomatique. À quelques rares exceptions près, tous les articles réunis ici sont très récents – post Me-Too, dirais-je –, ce qui m'a laissée assez songeuse. Le Monde Diplomatique n'écrivait-il pas sur les luttes des femmes, avant? Enfin, d'un autre côté, l'article de Gisèle Halimi de 1993 m'a plutôt déprimée, vu qu'elle décrit des réactions identiques à celles d'aujourd'hui. Rien ne change et c'est assez désespérant.

Cheval Magazine est arrivé un peu tard et le mois de février est un mois court, alors il a basculé sur le mois de mars. ^^

jeudi 27 février 2025

The Sittaford Mystery (1931)

Chronique express!

Photo souvenir d'une des meilleures matinées de l'année:
j'avais passé un super week-end, j'avais du temps avant mon train, j'avais de quoi payer, je savais que ce serait délicieux... 💖

Un petit Agatha Christie, ça ne se refuse jamais, et encore moins quand on trouve un exemplaire abandonné sur son chemin. Cela faisait bien trop longtemps que je n'avais rien lu de la reine du crime (six ans depuis The Hollow!), et je l'ai retrouvée avec une jubilation totale.

Au menu de ce roman: une séance de spiritisme qui annonce un meurtre, un homme tué chez lui, un suspect tout trouvé, un policier précis et perspicace, une tonne de personnages secondaires qui pourraient bien être suspects à leur tour, une multitude de fausses pistes et surtout Emily Trefusis, la petite amie délicieusement charmante du principal suspect, qui est bien déterminée à prouver son innocence. Comme souvent, l'intrigue se passe dans le genre de coin paumé d'Angleterre qui me fait rêver, où tout le monde connaît tout le monde, où les trains roulent sans difficulté, où le chômage et la criminalité n'existent pas (enfin, sauf qu'il y a un meurtre, HAHAHAHAHA), et où les saisons sont de vraies saisons, ma petite dame. Et les personnages vivent au sein d'une société pas très huppée, mais néanmoins très policée et propre sur elle. J'A-DO-RE. Et puis Christie avait beaucoup d'humour et fait ici pas mal de références à Arthur Conan Doyle, que j'aime d'amour aussi. Et puis comme j'ai bien compris qu'il faut soupçonner TOUT LE MONDE dans ses romans, j'ai soupçonné le meurtrier!!! Bonheur et fierté.

samedi 22 février 2025

The Kaiju Preservation Society (2022)

Chronique express!

Après Redshirts et ses membres d'équipage bien décidés à survivre, place à un nouveau John Scalzi! Dans The Kaiju Preservation Society, on suit les aventures de Jamie Gray, un New-Yorkais qui a perdu son emploi à la veille du confinement de 2020 et est devenu livreur pour une société type UberEats (son ancien employeur, soit dit en passant). Il retrouve ainsi par hasard une vieille connaissance, qui lui propose un emploi bien plus rémunérateur sans lui donner trop de détails.

Le personnage qui débarque dans un environnement qu'il ne connaît pas, c'est évidemment un procédé bien connu pour poser un décor, et cela marche ici très bien pour nous mener jusque sur une Terre parallèle à la nôtre, où la vie a évolué de manière très différente, prenant parfois des proportions... titanesques. Tout est dans le titre. Mais les kaijus ne sont pas seulement super cools parce qu'ils sont des kaijus: ils ont aussi un fonctionnement assez intéressant, qui implique des tas de parasites. Comme le dit un personnage, il faut plutôt les concevoir comme des écosystèmes que comme des animaux...

Si j'ai été incapable de retenir qui faisait quoi dans l'équipe du personnage principal et si j'ai été exaspérée par la structure "ligne de dialogue - description d'un geste - ligne de dialogue - description d'un geste" absolument INCESSANTE de ce roman, j'ai tout de même passé un super moment avec notre brave Société. C'est truffé de références à la pop culture (heureusement que j'écoute Godzilla Final Podcast, sinon je n'aurais pas compris pourquoi le vaisseau s'appelle le Shobijin 😂😂), c'est truffé de vannes et de blagues, ça se lit tout seul, c'est parfait. J'ai aussi beaucoup apprécié la postface dans laquelle Scalzi explique avec honnêteté comment il a galéré à écrire en 2020 et début 2021. Quelque chose me dit qu'il doit de nouveau avoir du mal à écrire depuis novembre dernier...

Allez donc voir ailleurs si ces kaijus y sont!
L'avis du Chien critique
L'avis d'Ombrebones

lundi 17 février 2025

Les Falsificateurs (2007)

Après avoir lu trois romans d'Antoine Bello (Ada, Roman américain et Du Rififi à Wall Street), j'étais ultra motivée pour continuer le voyage aux côtés de cet écrivain billant, qui sait aborder des sujets complexes avec une plume limpide et brouiller les frontières entre réalité et fiction.


Dans Les Falsificateurs, il met en scène Sliv Dartunghuver, un Islandais embauché dans un cabinet d'expertise. Après sa première mission, qui se déroule au Groenland, son patron lui révèle que l'entreprise sert en réalité de façade au CFR. Personne ne sait avec certitude ce que signifie ce sigle, mais tout le monde s'accorde à penser qu'il s'agit du "Consortium de falfication du réel". En tout cas, c'est une organisation tentaculaire, présente dans le monde entier, qui modifie la réalité via la falsification grâce à des moyens humains, techniques et économiques ahurissants.

"Je vous invite à lire ce dossier. Il a été monté il y a trois ans par une jeune recrue dont c'était la première affaire. Il est loin d'être parfait mais il vous donnera un bon aperçu de notre travail au quotidien. [...] Un conseil: si cette lecture ne suscite chez vous aucune forme de jubilation intellectuelle, arêtez les frais immédiatement. Si, dès le deuxième paragraphe, vous vous prenez à vous demander s'il était possible de faire mieux et comment vous auriez procédé à la place de l'auteur, c'est que vous êtes ferré."
Le premier dossier de Sliv consiste à inventer une histoire d'expropriation des peuples premiers au Bostwana. Insertion d'un chapitre inventé de toutes pièces dans le projet de publication de l'autobiographie bien réelle d'un célèbre anthropologue, invention de divers personnages ayant révélé l'affaire, modification de sources réelles: après avoir écrit un scénario, il faut concevoir la falsification dans ses moindres détails afin que l'affaire tienne debout et trompe le monde entier.

Ce concept même – l'histoire d'un falsificateur qui modifie le monde aux yeux de ses contemporains – est belloesque par essence, et je me suis ré-ga-lée. Déjà, le style limpide de l'auteur est bien présent, et avec une bonne dose d'humour.
"Vers la fin de l'année 1994, je commençai à préparer mon voyage en Patagonie. Lena Thorsen avait anéanti mes espoirs de prendre un mois entier de congé en m'accordant royalement quinze jours "pendant la période creuse" (elle était bien la seule à s'être penchée sur la saisonnalité du business de la falsification)."

Les personnages sont tous bien croqués: Sliv, son patron, ses amis falsificateurs. Les histoires dans l'histoire (les divers scénarios que Sliv étudie ou rédige) sont prenantes et passionnantes. Et bien sûr, l'étendue de la falsification et la minutie nécessaire pour qu'elle tienne l'épreuve du réel sont absolument immenses, jubilatoires, passionnnantes, renversantes. Et, bien sûr, on s'interroge sans cesse, en toile de fond, sur l'identité exacte du CFR et ses motivations réelles. Pourquoi monter autant de projets dans tous les domaines? Et comment diable sont-ils financés?

Je n'ai que deux bémols à cette lecture. Premièrement, l'étendue de la falsification à l'œuvre ici m'a fait sérieusement relativiser la falsification d'une page Wikipédia qui m'avait pas mal retourné le cerveau dans Roman américain; pour Antoine Bello, c'était probablement un petit exercice de routine. 🤣🤣🤣 Deuxièmement, le roman se termine sur deux mots terribles, deux mots qui hantent les nuits des lecteurs confrontés à un certain espace-temps: "à suivre". Car l'histoire n'est pas finie!!! Heureusement pour moi, j'arrive mille ans après la guerre et j'ai donc déjà la suite, Les Éclaireurs. Je l'avais même achetée la première, avant de découvrir qu'il valait mieux la lire à la suite des Falsificateurs. Je suis joie, je suis bonheur, je suis jubilation, je lirai ça bientôt. Antoine Bello est un génie!

mercredi 12 février 2025

La Saga de Youza (1979)

En Lituanie, le lendemain d'un mariage, un homme qui n'a pas dormi de la nuit annonce à son frère et à sa sœur qu'il va quitter la ferme familiale et s'installer sur leur parcelle du marais du Kaïrabalé, une terre jusque-là exploitée seulement une partie de l'année. Pour sa famille, c'est la stupéfaction. Mais Youza ne s'embarrasse guère d'explications: c'est un homme taciturne, qui a pris sa décision et ne reviendra pas dessus.

Durant 370 pages, ce roman de Youozas Baltouchis décrit ainsi le quotidien de Youza, tout seul dans son marais. Son frère passe quelques fois. Les habitants viennent faire les foins une fois par an. Mais dans l'ensemble, il est seul avec ses animaux – une vache, un cheval et quelques poules – et son terrain. Tout est à constuire et à installer: une maison, une étable, un puits, des champs, des ruches. Les saisons passent, la nourriture évolue en conséquence.

J'ai moi-même du mal à croire que ce roman comporte si peu d'action, mais c'est vrai. C'est vraiment, essentiellement, l'histoire d'un mec seul dans son marais, avec une simplicité que je ne sais pas vraiment comment qualifier si ce n'est d'"ancestrale".

Plusieurs fois, néanmoins, le monde extérieur fait irruption: les autorités réclament des impôts ou des hommes demandent un abri. Je ne sais pas en quelle année commence l'intrigue exactement, mais on traverse à peu près les années vingt à quarante (voire dix à cinquante) de l'histoire de la Lituanie, et j'ai bien sûr trouvé cela passionnant, étant donné que je ne sais à peu près rien sur la Lituanie en particulier et sur les États Baltes en général. Mais c'est une histoire mouvementée et tragique qui serre le cœur, notamment pour la communauté juive, et laisse songeur quant à la succession des régimes qui apportent tous leurs problèmes (même si certains sont bien plus crades que d'autres, il va sans dire).

Entre les descriptions de la vie à la ferme et les rencontres riches, l'ensemble dégage une humanité précieuse. Et surtout, la version française, traduite du lituanien et du russe par Denise Yuccoz-Neugnot, est sublime de richesse. Pour je ne sais quelle raison, j'ai trouvé le premier paragraphe  ardu lorsque je l'ai lu peu après mon achat, et j'ai donc laissé le roman de côté plusieurs mois; mais quand je l'ai repris, j'ai été charmée tout de suite. C'est élégant et fin, et ça donne parfaitement vie à ce monde empli de plantes acquatiques et d'oiseaux. Je ne peux pas juger le texte en tant que traduction, vu que je ne peux pas comparer avec l'original, mais le produit final publié en France est un vrai régal. Chapeau.

Cherchant des infos sur le processus de traduction pour m'expliquer pourquoi le roman était traduit "du russe et du lituanien" (et non du lituanien uniquement), je suis tombée sur un article passionnant de Marielle Vitureau sur le processus de traduction et l'histoire du livre en France (attention, le lien télécharge directement le fichier PDF). Je suis éblouie de voir que ce roman a trouvé son chemin ici, car l'Europe de l'Ouest est fort peu tournée vers l'Europe de l'Est... Et donc, le roman est traduit du lituanien et du russe car la traductrice a traduit à partir de la traduction russe, mais avec une Lituanienne, dans un processus à quatre mains assez fascinant. Le résultat est tellement merveilleux que ça me peinerait de revenir dessus, mais, bien sûr, l'idéal serait de faire un jour traduire ce roman par quelqu'un qui travaille directement à partir du lituanien...

Pourquoi ce livre?

C'est sans doute la question que tout le monde se pose! Parce que c'est bien la première fois que je touche à la littérature lituanienne ou balte. Eh bien: parce que, en mai dernier, Marielle Vitureau est intervenue sur France Culture pour parler de Vilnius (la capitale lituanienne, préciserai-je) et qu'elle a évoqué ce roman. J'ai noté le nom et je l'ai acheté. J'ai tellement bien fait. Merci, Marielle. Pour info, je vous ai déjà parlé d'elle sur ce blog, car elle a écrit le Dictionnaire insolite des pays baltes que j'ai lu il y a deux ans.

vendredi 7 février 2025

Song of the Huntress (2024)

En 2023, j'ai lu avec grand plaisir Sistersong, un roman de Lucy Holland se déroulant dans l'ouest de l'Angleterre au Ve siècle. Il y était question de trois sœurs, de conquête saxonne et de changement religieux. Je me suis donc procurée le nouveau roman de l'autrice avec enthousiasme, d'autant plus que j'ai le (très vague) projet de contacter des maisons d'édition françaises pour attirer leur attention sur elle (et pour les convaincre de me confier la traduction de ses romans, bien sûr). Hélas, ça n'a pas pris aussi bien, et de loin.

L'histoire
Song of the Huntress se déroule au VIIIe siècle. La conquête saxonne de l'Angleterre, mise en scène dans Sistersong, est finie depuis longtemps. Le royaume saxon du Wessex est dirigé par deux des personnages principaux: le roi Ine et la reine Æthelburg. Æthelburg est le bras armé d'Ine; c'est elle qui parcourt le royaume pour combattre, tandis qu'il s'occupe plutôt de la cour et du corpus juridique. Le roman commence lorsque Æthelburg brûle Taunton. Cet événement historique réel nous permet de situer l'action en 722. On comprend rapidement qu'il y a une certaine mésentente au sein du couple, avec beaucoup de souffrance et de non-dits, mais aussi que le petit frère du roi est antipathique, voire suspect, voire carrément un sale traître. En parallèle, le chemin d'Æthelburg croise celui d'Herla, une guerrière icène qui, des siècles plus tôt, a recherché l'aide du monde magique pour aider Boudica à remporter la victoire face aux Romains, mais a été prise au piège et condamnée à mener la Chasse sauvage. Quant à Ine, il se retrouve bien malgré lui aux prises avec la magie de la Domnonée, le royaume à l'ouest du sien, que les Saxons n'ont pas conquis et qui n'a pas été christianisé (et dans lequel se déroulait Sistersong).

En soi, Song of the Huntress avait pas mal de choses pour me plaire. Déjà, l'histoire de l'Angleterre est toujours passionnante, et les siècles relativement mal documentés de la fin de l'Antiquité et du début du Moyen Âge ouvrent la porte à toutes les interprétations et inventions possibles. Les changements de civilisation, comme l'antagonisme entre les royaumes saxons christianisés et la Domnonée païenne, sont riches de possibilités, et la magie celtico-mystique me plaît beaucoup; j'adore imaginer que Glastonbury est une porte pour le monde des fées, que la terre a son propre pouvoir, que des guerrières d'un autre âge, maudites par le roi du monde magique, tuent tous les humains sur leur passage en fonction du cycle de la lune.

(En vrai, je ne sais pas si ce roman aurait été possible sans Marion Zimmer Bradley, qui a fait la même chose, mais en beaucoup plus fin, il y a quarante ans. Mais bon. Tout le monde ne peut pas inventer un nouveau truc.)

Malgré cela, j'ai, hélas, plutôt agonisé sur ce bouquin. Déjà, il est rédigé au présent, ce que je trouve insupportable; mais ça aurait encore pu passer si le contenu avait été bon. Mais les personnages passent leur temps à se morfondre sur leur sort, à regretter les erreurs passées et à répéter les mêmes erreurs dans la foulée, comme si de rien n'était. La non-communication au sein du couple Ine-Æthelburg est vraiment une pépite de non-évolution scénaristique. La moitié de leurs problèmes auraient été évités s'ils avaient dit ce qu'ils avaient en tête ou ce qui leur était arrivé. Mais non, ils gardent la bouche fermée, de chapitre en chapitre... 😅 En outre, Æthelburg est très impulsive et donc agaçante. Ine est, au contraire, très mou, ce qui est agaçant aussi, mais il a au moins le sens des responsabilités. Enfin, Herla ne m'a pas passionnée non plus. Certes, c'est une guerrière formidable: elle était déjà très forte du temps des Icènes, et, au moment du roman, cela fait trois siècles qu'elle mène la Chasse sauvage et elle est donc devenue un être surnaturel, plus grand que nature. Mais bon, elle prend pas mal de mauvaises décisions aussi...

Et puis le style, purée, le style. Au moins 20% du bouquin pourrait être amputé sans aucun problème: ce ne sont que gestes sur gestes, les persos qui mettent la main sur la garde de leur épée, qui tournent la tête, qui relèvent les yeux, qui lissent le tissu de leur habit. Putain. Je comprends que ça permet de rythmer les dialogues, dans une certaine mesure. Mais c'est exaspérant. Et entre deux dialogues, tout le monde se morfond. Je n'en pouvais plus.

Bilan: je ne peux pas nier que le contexte historique est fascinant, et que Lucy Holland a sans doute mené des études poussées pour donner corps à des personnages historiques et aux villes saxonnes de l'époque. Et je trouve intéressant de mettre en scène des personnages qu'on a longtemps peu vus, comme des bisexuels, des homosexuels et des asexuels. Mais bon. Ça ne suffit pas à faire un bon roman. 🤷‍♀️

dimanche 2 février 2025

La gamelle de janvier 2025

Comme d'habitude, retour sur les activités culturelles du mois écoulé!

Sur grand écran

Le Déluge de Gianluca Jodice (2024)

J'ai adoré! Mon cerveau a tellement carburé durant la séance que j'ai envisagé de consacrer à ce film un billet dédié – mais, le temps de rentrer chez moi, j'ai oublié la majorité de mes réflexions, bien entendu. Sur la forme, c'est un film superbe, extrêmement bien mis en scène et cadré. La moindre scène est un tableau. Et Guillaume Canet et Mélanie Laurent jouent extraordinairement bien. Sur le fond, qu'est-ce que j'aime qu'on fasse de Louis XVI et de Marie-Antoinette des GENS, de simples humains sous les perruques, effrayés par l'avenir et dépassés par les évènements, et qu'on nous montre une Marie-Antoinette lucide et gravée dans le granit, bien loin du cliché de la femme écervelée, frivole et dépensière (sérieux, vous le voyez, le cliché mysogyne? Quand je pense que j'ai appris ça à l'école... 😅). J'ai aussi apprécié qu'on nous montre la place du catholicisme dans leurs vies. Mais j'ai aussi badé et angoissé, car il y a plusieurs scènes très dures ([divulgâcheur] il y a notamment une scène à contenu sexuel qui, bien qu'on ne VOIE rien, est extrêmement angoissante [fin du divulgâcheur]) et, bien sûr, on sait comment ça se termine, tout cela. J'ai pensé à une scène du Guépard, dans laquelle le narrateur, en gros, se dit que la nouvelle Italie, étant sure de sa victoire, n'avait pas besoin de truquer les premières élections lui donnant sa légitimité; elle allait gagner de toute façon, alors elle aurait pu gagner en jouant pour de vrai, au lieu de salir sa naissance par la tricherie. Eh bien, là, c'est pareil; on se dit que la République aurait pu se faire sans maltraiter ces gens-là, et que ça n'a sauvé personne de la pauvreté d'antan de leur couper la tête.
Une critique, toutefois: autant les prisonniers sont humanisés et complexes, autant les geôliers républicains sont assez uniforméments désagréables, voire cruels, bornés et... sales. Oui. Visiblement, un républicain, ça ne connaît pas l'hygiène, voire ça vit carrément dans la boue. Ce qui est fort dommage pour un film qui met en avant la nuance.

La Chambre d'à côté de Pedro Almodóvar (2024)

Tilda Swinton et Juliane Moore, ce sont déjà deux arguments forts en faveur d'un film. John Turturro en rôle secondaire, c'est aussi un argument. Mais alors Tilda Swinton qui récite la fin de la nouvelle The Dead de James Joyce, c'est plus qu'un argument: il fallait que je voie ce film juste pour ça. C'est un beau film qui touche très juste sur les thématiques de la maladie et de la déchéance qu'elle entraîne. Pour moi qui regarde du côté de l'euthanasie en Suisse, ça tombait à point nommé. Les deux personnages féminins, en outre, sont tout ce que je rêvais d'être: libres, intellectuelles, cultivées, élégantes sans effort, riches financièrement mais aussi d'une personnalité qui ressort du moindre geste. Et on les voit regarder la fin du film de John Huston qui adapte le texte de Joyce, qui m'a tant marquée. Néanmoins, j'ai trouvé le film un peu figé dans sa mise en scène, à tel point que certaines choses semblent fausses (les fruits, la version jeune de Tilda Swinton) (mais est-ce assumé, peut-être?). Espérons toutefois qu'il fasse réfléchir quelques personnes...

Du côté des séries

Toujours rien! Je parviens à peu près à regarder trois ou quatre vidéos YouTube par semaine en dînant (ça m'aide à manger plus lentement et en ayant conscience que je suis en train de manger) et c'est déjà pas mal.

Et le reste

J'ai lu Translittérature, la fabuleuse revue de l'Association des traducteurs littéraires de France. Pour une rare fois, je me suis ennuyée sur le dossier, qui évoquait la voix: j'ai trouvé les articles très creux. Cumuler les synonymes, ça fait peut-être intello pour certains, mais ça ne fait pas tellement avancer la réflexion, à mon humble avis...

En fin de mois, j'ai lu mon Cheval Magazine, comme d'habitude. Ce mois-ci, il y a eu une seule et unique référence aux animalistes: dans une interview au nouveau président de la Fédération française d'équitation, la journaliste a évoqué le sujet du bien-être animal et a demandé "comment protéger notre pratique et notre sport?". Pas "comment protéger les chevaux?" mais "Comment protéger notre pratique et notre sport?" Putain, la route est longue...