Diane Ducret, auteure remarquée de Femmes de dictateur, décrit dans Corpus Equi sa relation avec le cheval de son enfance, Zascandyl. C'était apparemment un très bon cheval. Mais surtout, ils ont vécu le genre de relation fusionnelle dont la plupart des cavaliers ne peut que rêver. Puis la catastrophe s'est abattue: la cavalière s'est blessée durant un concours et le cheval est mort (suite à des coliques me semble-t-il) peu de temps après.
Corpus Equi avait tout pour me plaire. C'est l'histoire d'un retour à la vie après la désolation, quelque chose dont je suis très friande parce que j'ai longtemps désespéré de sortir de la désolation. Et en plus la chute (au sens symbolique; la déchéance si vous préférez, la cause de la désolation) est provoquée par le cheval, en l'occurrence par sa mort, ce qui me parle d'autant plus.
Mais.... Mais Corpus Equi est aussi, malheureusement, un livre de littérature contemporaine qui se veut lettrée et émouvante mais n'est à mes yeux que pompeuse et agaçante. Tout le livre fait le parallèle entre des grandes figures équestres de la mythologie et le parcours de l'auteure, mais cela ne m'a pas fait ressentir de souffle épique comme je suppose que c'en était l'objectif: juste de l'ennui, car j'avais l'impression qu'on essayait de m'impressionner. Et le style m'a vraiment déplu. Il se voudrait lyrique et emporté, mais est surtout maladroit et lourd, et parfois même confus. Par exemple, je n'ai pas compris si Zascandyl est mort le jour même de la blessure de la cavalière ou plus tard...
"Devant l'axe marin des abscisses, mon esprit, libéré des ordonnées, se délectait de cette immensité sans restrictions et mon âme semblait, voile après voile, se dénuder pour y plonger. [...] Cette plénitude insupportable, cette géométrie parfaitement plane criaient l'absence de celui dont le souffle donnait forme au vent."
J'ai trouvé tout ceci bien lourd et un peu immature, quelque part, alors même que je prends le problème de l'auteur absolument au sérieux. Loin de moi de lui dire: "Ce n'était qu'un cheval..." Mais vraiment j'ai eu du mal à ressentir de l'empathie. Parfois, j'ai même douté un peu, comme quand elle cite les changements de pied au galop auxquels elle a dressé Zascandyl quand elle avait onze ou douze ans. Cela m'a semblé bien avancé pour une si jeune cavalière.
Ceci étant, plusieurs passages m'ont touchée vers la fin du livre et j'y ai trouvé quand même un peu ce que j'y cherchais. Cette impression que se relever après être tombé a une valeur intrinsèque et précieuse que ne connaissent pas ceux qui ont la chance de n'être jamais tombés (même si, bien sûr, on prendrait leur parcours sans obstacles si on avait le choix)...
"Quelques tintements et peu de mots annoncent la triste nouvelle, l'autre ne rentrera pas dîner. Et l'on contemple un jour le fond de son assiette avec minutie, pour ne surtout jamais poser le regard sur la chaise vide en face de nous."
Là, voyez-vous, j'ai senti que Diane Ducret savait de quoi elle parlait...
Diace Ducret, Corpus Equi
Éditions Pocket, 115 pages, 5,80€
Mince c'est dommage. Quand j'ai commencé à lire ta chronique j'étais emballée, en me disant que tu nous avais encore dégoté une petite merveille de la littérature équestre. Visiblement c'est surtout une petit merveille du gargarisme verbal.
RépondreSupprimerC'est trop d'honneur Lilly. Merci.
SupprimerCe qui est dommage, c'est que l'auteure a été reçue par Livrés à domicile, la belle émission belge, mais que la vidéo n'est plus dispo en ligne; du coup, je n'ai pas pu regarder l'interview à nouveau pour voir si elle pouvait éclairer le livre après coup. Parce que le temps passant j'ai vraiment l'impression que c'était nullissime alors qu'il y avait peut-être quelque chose à en tirer.