samedi 13 novembre 2021

The Stars are Legion (2017)

Quand Zan se réveille, elle n’a qu’une certitude: elle a jeté un enfant. Ça, elle s’en souvient. Tout le reste, à commencer par son prénom, lui a été dit par les femmes qui l’entourent. Elle a commandé une grande armée. Elle devait détruire un monde qui n’existe pas. Son armée a été anéantie…

À ses côtés, Jayd, une femme qui prétend être sa sœur, mais que Zan ne croit pas. Autour d’elle, un vaisseau-monde dont on comprend rapidement qu’il est vivant. Il a des artères, on y recycle les personnes, les vaisseaux ronronnent et ont des yeux… Il fait partie de la Légion. Mais la Légion est en danger, car les mondes pourrissent et meurent les uns après les autres.

Les chapitres de The Stars are Legion de Kameron Hurley, plutôt courts, sont racontés à la première personne, soit par Zan soit, plus rarement, par Jayd. Au début, il est très difficile de saisir les enjeux, vu que Zan n’a aucune information en main. On comprend toutefois que la guerre fait rage entre leur vaisseau-monde, le Katarzyna, et un autre, le Bhajava, et que Zan et Jayd ont un rôle essentiel à jouer et sont prêtes à sacrifier beaucoup pour parvenir à leurs fins.

Les trois premiers chapitres ont été difficiles pour moi à cause de cette opacité et de mes conditions de lecture, qui n’étaient pas du tout favorables. Puis, à partir du quatrième, j’ai pu enchaîner et je me suis surprise à adorer ce roman. Les chapitres sont courts, ce qui met facilement le lecteur en mode "allez, j’en lis encore juste un"... Et l’univers est assez spectaculaire. Kameron Hurley a eu une idée très intéressante avec ses vaisseaux-mondes organiques et elle l’a poussée jusqu’au bout. [Divulgâcheur] Imaginez, c’est le vaisseau qui contrôle la procréation: ses habitantes tombent enceintes sans savoir de quoi. Elles peuvent accoucher aussi bien d’une créature mutante que d’un truc difforme qui évoque vaguement un outil… [Fin du divulgâcheur]

C’est extrêmement dépaysant, même si on ne comprend pas tout – et d’ailleurs, les personnages ne comprennent pas tout non plus, les communications étant rares entre les différents niveaux du vaisseau.

Avec cet univers unique et une intrigue riche, qui prend rapidement la forme d’un parcours initiatique à la recherche de l’identité de Zan, j’ai vraiment adoré ce roman. Si je ne crie pas au chef d’œuvre, c’est à cause du style, que j’ai trouvé assez pauvre. Je pense que l’autrice a choisi un style simple et direct délibérément, pour en faire un roman de space opera et d’action au ton vif, qui ne perd pas de temps. Mais la narration est au présent et moi, le présent dans un roman d’aventure, ça me tombe des mains. J’ai l’impression d’être de retour en primaire. Par ailleurs, les phrases sont courtes, avec bien peu de conjonctions (il y a "but", quoi…) et de subordonnées; c’est sujet-verbe-complément pratiquement ad eternam. Et Kameron Hurley n’emploie pratiquement qu’un verbe pour décrire les prises de parole des personnages: "to say". Il y a aussi des "to ask", mais c’est surtout "to say". C’était tellement répété que je pensais au pauvre traducteur qui s’est coltiné ça – pour info, il s’agit de Gilles Goullet pour la version française.

Rasida takes Aditva by the shoulder. I tense.
"Tell me chat you planned," Rasida says to Aditva.
Aditva begins to cry.
"Please, Rasida," Nashatra says. "I know you are displeased, but–…"
"You know what we do to traitors, Mother," Rasida says.
"I know," Nashatra says again.
"The Legion is my sister," Rasida says. "We are all sisters. That means nothing when survival is at stake."

Je vous assure que ce genre de truc peut rendre un traducteur zinzin. J’ai testé.

Bon, je vous fais tout un paragraphe sur ça, mais en soi le roman se lit super facilement; c’est un bon page turner! C’est juste qu’il me semble manquer cet aspect stylistique pour en faire un Grand Roman.

Et sinon les vaisseaux-mondes ne sont habités que par des femmes, ce qui est tout à fait délibéré de la part de Kameron Hurley.

"When I first came up with the idea for this novel in 2012, I knew it was going to be a hard sell. What, you want to write an all-women space opera? Like, science fiction without men in it? Not even a mention of men?"

🤣🤣🤣

Allez donc voir ailleurs si ces étoiles y sont!
L'avis d'Itenarasa
L'avis de Tigger Lilly

17 commentaires:

  1. Je le sentais pas trop ce bouquin quand il est paru en VF, du coup j'ai fait l'impasse. Pas sûr qu'il soit pour moi.

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    1. @Xapur: Eh bien figure-toi que je pensais la même chose. J'irai même plus loin: j'étais *sûre* qu'il ne faisait pas pour moi. 😊 Quand on me l'a offert, je n'ai pas reconnu le titre et je pense que ça a été une chance, car il aurait risqué de végéter dans la PAL pendant une bonne année. Et au final, regarde, j'ai adoré. Je suis la première étonnée.

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  2. Je relisais les comm de mon billet pour me rappeler ta réaction et "je vais passer mon tour" :D

    Je serais curieuse de comparer le passage que tu cites avec la version française ^^

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    1. @Tigger Lilly: Ouais c'est marrant ce truc, hein. Parfois, on ne ressent pas du tout ce qu'on prévoyait...
      C'est tiré du chapitre 20, si tu veux vérifier 😜

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    2. Je te retranscris du coup:
      -Dis-moi ce que tu projetais, dis Rasida à sa sœur, qui se met à pleurer.
      -S'il te plaît, Rasida, plaide Nashatra. Je sais que tu n'es pas contente, mais…
      -Tu sais ce qu'on fais aux traitresses, Mère.
      -Je sais
      -La légion est ma sœur. Nous sommes toutes sœurs. Ce qui ne veut rien dire quand la survie est en jeu.

      Alors pour le coup, le fait d'avoir fait sauter les says de partout en français, je trouve le dialogue moins clair, on finit par ne plus savoir qui parle, enfin moi ça me confuse les dialogues où on ne répète jamais qui parle Xd
      Et le tout premier "dis", celui qui vient du "tell" en anglais, est-ce qu'une autre solution pour éviter la répétition, même si un dis est intradiégétique et le second extra, ne serait-elle pas de dire "explique-moi ton plan" ou quelque chose comme ça ?

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    3. @Tigger Lilly: Merciiiiiiii!
      Oui, comme je disais à Baroona, ça se complique quand tu as plus deux personnages. J'ai d'ailleurs eu ça ce matin, j'ai remis des disdascalies après coup car je n'étais pas 100% sûre qu'on comprenne. Je manquais de synonyme, j'en pouvais plus. 😜
      En tout cas, là, j'aurais intégré "qui se met à pleurer" aussi, comme ça a été fait, pour supprimer un retour à la ligne, et je dois me noter le verbe "plaider" car je ne l'utilise pas mais qu'il serait bien utile pour chager de "supplier". Ici, je pense que le traducteur s'est passé de repréciser que c'est Nashatra qui parle au quatrième tiret car c'est une réponse directe au troisième, avec le même verbe, et qu'elles ne sont que deux à parler.
      Ah, ah, bien vu les deux "dis" dans le premier tiret. À mon avis, c'est juste passé inapperçu. Je sais que je suis tout à fait capable de rater ce genre d'occurrence car je suis concentrée sur les verbes extradiégétiques (merci pour ces deux mots formidables). Il ne faut jamais se relire en fait, on a ce genre de surprise et le bouquin est imprimé et tu te dis "et merde" 😅 J'espère d'ailleurs que Gilles Goulet ne lira jamais cet échange...

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    4. Très intéressantes remarques, merci ^^

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  3. C'est marrant, ta chronique donne au roman un ton beaucoup plus soft que l'image un peu "crade" que j'en avais après lecture d'autres billets.

    *va vérifier dans sa lecture en cours si les verbes de prise de parole sont variés*

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    1. @Baroona: Moi aussi, j'en avais une image plus crade. Dans les commentaires sur le Dragon galactique, l'éditeur évoque une colègue qui a associé cette lecture aux jours où tu as envie de t'arracher l'utérus, ça m'avait un peu terrifiée. 🙃🙃 Peut-être aussi que, étant préparée, j'ai été moins marquée que les gens qui l'ont lu à l'époque. Parce que si tu sais pas, en effet, c'est spécial...
      Tu lis quoi? 😃

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    2. Les fameuses attentes qui impactent, parfois positivement parfois négativement, les lectures. ^^
      Je lis "Et qu'advienne le chaos" d'Hadrien Klent. Verdict : les verbes de prise de parole sont simples mais variés. Enfin, ils sont même le plus souvent absent, c'est encore la meilleure manière pour éviter les répétitions. ^^

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    3. @Baroona "Les fameuses attentes" --> Tout à fait!
      "c'est encore la meilleure manière pour éviter les répétitions" --> Tout à fait aussi, et souvent, les dialogues à deux se suffisent à eux-mêmes, il n'y a besoin de dire que un tel "réplique" ou "s'exclame". Évidemment, c'est plus compliqué quand il y a plusieurs personnes.

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  4. Cool, j'ai aussi beaucoup aimé ce roman ! Le style ne m'avait pas posé, mais visiblement ça a été un peu modifié avec la traduction :)

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    1. @Shaya: Tu l'as lu aussi! Je ne trouve pas de billet sur ton blog: tu ne l'avais pas chroniqué?

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  5. Un peu comme Baroona j'en avais une image un peu différente, du coup je suis un peu plus tentée qu'initialement.
    J'adore les problématiques de traduction, je crois que j'aurais adoré faire ce métier :-D

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    1. @Ksidraconis: C'est un métier super intéressant, même si ça rend zinzin. Cela dit, y a-t-il des métiers qui ne rendent pas zinzin à un moment ou à un autre?

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  6. C'est un roman qui m'intrigue toujours, peut-être bien que je finirais par le lire un jour s'il croise ma route...

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    1. @Vert: Je recommande, comme tu l'as compris. Je ne suis pas sûre qu'il t'emballe, en fait, mais çavaudrait la peine d'essayer.

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