vendredi 25 août 2023

The Amateur Emigrant (1895)

En 1879, environ un an après sa randonnée dans les Cévennes en compagnie de l'ânesse Modestine, dont je vous ai déjà parlé, Robert Louis Stevenson a entrepris de rejoindre la femme qu'il aimait en Californie, où elle s'occupait de divorcer de son premier mari. Pour cela, il a traversé l'Atlantique en bateau, puis les États-Unis en train. Ce sont ces deux récits que Penguin réunit sous le titre The Amateur Emigrant dans cette édition. Apparemment, il existe une troisième partie sur le séjour en Californie, mais je ne sais plus pourquoi elle n'est pas présente ici. Quoi qu'il en soit, le récit complet n'est sorti que bien plus tard, en 1895, après la mort de l'auteur (survenue aux Samoa, soit bien loin de son Écosse natale).

From The Clyde to Sandy Hook

Cette première partie raconte le trajet en paquebot de Glasgow, ville où coule la Clyde, jusqu'à New York. Je ne sais plus pourquoi le titre mentionne Sandy Hook, qui se trouve au New Jersey, en face de New York, car je crois que Stevenson a bel et bien débarqué dans le port de New York. Quoi qu'il en soit, il a voyagé en deuxième classe (la "second cabin"), mais il a passé la plupart de son temps avec les passagers de l'entrepont (le "steerage"), ce qui donne lieu à de multiples descriptions de personnages (d'où ils viennent, qu'est-ce qu'ils attendent des États-Unis) et de situations (comment s'organise leur quotidien, présence de la musique et des jeux, répartitions  des nationalités dans les dortoirs, comment se cachent les clandestins). C'est l'émigration des pauvres qui cherchent une vie meilleure, et ça résonne fort avec cette même thématique dans le monde moderne. Il est évident que Stevenson est du côté des pauvres ères et non des riches et lointains passagers de première classe. Tout ceci rappelle évidemment très fortement Titanic, sauf que le Devonia n'a pas rencontré d'iceberg. 😆

Across the Plains

Après une journée pluvieuse (et bien merdique, si je me souviens bien) à New York, Stevenson a pris place dans un train d'émigrants afin de rejoindre San Francisco. Il était possible depuis peu de traverser l'ensemble du pays, d'une côte à l'autre, en train, car les voies ferrées de l'est et de l'ouest s'étaient rejointes, et des trains étaient affrétés spécialement pour les émigrants.

Commence alors un long trajet d'au moins une semaine, si je me souviens bien, dans des paysages très diversifiés. Les passagers sont répartis par genre ou par nationalité: les hommes dans des wagons dédiés, les femmes et les enfants dans d'autres, et... les Chinois à part. Les services à bord sont très limités et il n'y a pas de lits (il faut déplacer les banquettes pour s'allonger au sol, si j'ai bien compris). Cette partie est encore plus politique que la première, car Stevenson parle ouvertement de discrimination et de racisme. Par exemple, les arrêts permettent aux passagers de sortir manger en gare ou d'acheter de la nourriture aux locaux, mais le train n'annonce pas à l'avance qu'il redémarre! Tant pis si les émigrants restent en route! Ils doivent donc toujours garder un œil dessus et courir s'ils voient que ça y est, il démarre... Et un chapitre entier est consacré aux mépris des Blancs envers les Chinois et les Amérindiens, dont Stevenson prend la défense.

Un passage m'a marquée: tandis que leur train progresse vers l'ouest, l'horizon de l'espoir, il transporte aussi bien des émigrants venus de l'est – à savoir de l'Europe ou de la côte est des États-Unis – que des émigrants venus à l'origine de l'ouest – à savoir de la Chine. Ce sont toutes les misères du monde et tous les rêves qui se réunissent, car il n'y a pas d'El Dorado:

"Hungry Europe and hungry China [...] had come here face to face. The two waves had met; east and west had alike failed; the whole round world had been prospected and condemned; there was no El Dorado anywhere; and till one could emigrate to the moon, it seemed as well to stay patiently at home."

Et tandis qu'il file vers l'ouest, leur train croise des trains tout aussi remplis qui voyagent en sens inverse. Ce sont les émigrants déçus qui ont laissé tomber le rêve américain...

Alors que j'étais bien plus intéressée par Voyage dans les Cévennes avec un âne, vu qu'il y avait un âne, c'est ce récit de voyage-ci que j'ai le plus aimé. Le fait que je l'aie lu entièrement en vacances, et donc de manière plus resserée que son prédécesseur, que j'avais commencé à un rythme d'escargot, a sûrement joué. Il y a aussi, peut-être, mon intérêt pour le voyage en train, mon moyen de transport préféré. Quoi qu'il en soit, il était très intéressant d'en apprendre plus sur l'immigration aux États-Unis vers la fin du XIXe. L'histoire humaine est un éternel recommencement...

Livres de l'auteur déjà chroniqués sur le blog
Travels With a Donkey Through the Cévennes (1879)
Strange Case of Dr Jekyll and Mr Hyde (1886)

16 commentaires:

  1. Voilà qui donne envie de lire ce roman que je ne connaissais pas.Cette histoire de train qui démarre sans crier gare c’est monstrueux.

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    1. @Melvin: J'espère que tu apprécieras si tu le lis!

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  2. Stevenson traite donc mieux les humains que les animaux. ^^
    Ça a l'air vraiment très bien, intelligent, et ça me donne sincèrement envie de le lire alors que Stevenson n'était clairement pas prévu à mon programme de lecture un jour. (😅 ou 🥳, au choix)

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    1. @Baroona: Il ne serait pas le premier, hihi! En espérant que ça te plaise à toi aussi, si tu le lis. (Mais attention, tu risque de vouloir lire toute sa bibliographie après ^^)

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  3. Woa, ça a l'air vraiment super !
    J'ai tout de suite pensé au Titanic en commençant à lire.
    Le jour où je décide de reprendre mon obsession de l'Ouest américain, ce titre là sera dans la liste.

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    1. @Tigger Lilly: Dans ce cas, le dernier récit pourrait te plaire aussi, ça se passe après son arrivée en Californie.
      Hihi le Titanic vient tellement à l'esprit!

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  4. L’édition française est chez Libretto”La route de Silverado ”.
    A voir s’il est disponible.

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  5. Intéressant de voir le traitement des émigrants en tout cas !

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    1. @Shaya: Ça fait relativiser quelques trucs. On croit toujours vivre des trucs inédits alors que tout a déjà eu lieu.

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  6. Ça a l'air très intéressant, il faudra que je me penche sur cet auteur un jour.

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    1. @Vert: J'espère que tu le feras et que tu te mettras à la balade avec des ânes après, ou au voyage intercontinental en train, selon le roman 😊

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  7. Ça a l'air très intéressant ! Est ce que l'anglais du XIXeme est plus difficile à lire que l'anglais moderne ?
    Et alors le comble du récit de voyage pour toi serait un trajet en train avec en compagnie d'un âne 😊

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    1. @Ksidra: Holàlà, tu m'envoies du rêve, je vois déjà l'âne tourner ses grandes oreilles vers la fenêtre et regarder pensivement le paysage défiler 😍
      Non, je ne trouve pas que l'anglais du XIX soit plus difficile à lire que l'anglais moderne, enfin c'est plus précieux (et c'est ce que j'aime), mais dans l'absolu. Stevenson demande de se concentrer un peu, tout de même, mais je ne saurai pas te dire pourquoi.

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    2. 😲 💡 oh mais j'ai ce qu'il te faut !!!! C'est une de mes lectures récentes 😄 Un poney, Richie, prend le train pour aller visiter Paris ^^ le poney qui regarde pensivement par la fenêtre, c'est la première page du livre. Ca s'appelle Un poney à Paris, de Claire Baud 😄😄😄 :
      https://parfumsdelivres.blogspot.com/2021/02/un-poney-paris-de-claire-braud.html

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    3. @Ksidra: Holàlà c'est énoooooorrme! Je l'ai réservé à la médiathèque, du coup. Merci.

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