mardi 15 août 2023

Zahhâk, le roi serpent (2017)

Au début des années 1990, au lendemain de la chute de l'URSS, le Tadjikistan sombre dans la guerre civile. Andreï, jeune garçon de père tadjike et de mère russe, apprend que son père a été assassiné. Toute la famille étant en danger, sa mère décide de se réfugier dans les montagnes du Pamir, auprès de la famille de feu son mari. Pour elle, qui est russe et a toujours vécu en ville, c'est un changement radical, d'autant qu'elle ne parle pas le tadjik. Pour Andreï et sa sœur jumelle Zarina, ce n'est guère plus facile...

Jusque-là épargné par le conflit, le massif du Pamir, chaîne de montagne qui s'étend dans le Tadjikistan, l'Afghanistan, la Chine et le Kirghistan, ne va pas tarder à en sentir les répercussions à son tour. Zouhourcho, ancien cadre du Parti communiste devenu apprenti chef de guerre, débarque dans la région afin de convertir les paysans à la culture du pavot. Il est accompagné de Davron, qui lui sert de bras armé, et d'un énorme python qu'il aime porter autour du cou, à la manière du roi Zahhâk dans le Livre des Rois.

Dans ce roman de Vladimir Medvedev, chaque chapitre adopte le point de vue de l'un personnage: Davron, les deux jumeaux, leur oncle Djoroub, un journaliste, un jeune garçon timide amoureux de Zarina, un echon (un saint homme)... L'intrigue qui se dessine ainsi donne à voir un milieu rural, pauvre et traditionnaliste (imaginez l'Afghanistan, exception faite de l'islam intégriste) confronté à une violence à laquelle il ne peut faire face et à des changements qu'il ne comprend pas. Les paysans sont très attachés à la parole des anciens et à une politesse ritualisée; alors, Zohourcho qui exécute un des leurs en public, c'est compliqué à gérer. Les habitants du village réagiront de manières diverses, entre ceux qui souffrent du changement, comme Djoroub, et ceux qui en profiteront éhontement pour en tirer un pouvoir personnel, comme l'odieux Pois Cassé.

J'ai eu du mal avec ce roman, et ce pour plusieurs raisons. Déjà, je ne connais rien au Tadjikistan, et je suis bien incapable de le situer avec précision sur une carte (même après avoir passé un certain temps sur Wikipédia pour tenter de combler mes lacunes, hihi). Je connais tout aussi mal le délitement des ex-républiques soviétiques après la chute de l'URSS. Du coup, le contexte et les références politiques m'ont souvent semblé obscures.

Par ailleurs, le ton n'est pas facile à suivre: chaque personnage réfléchit à sa façon, parfois de manière étrange (ainsi, l'echon commence par parler de lui à la troisième personne...), et il y a parfois des changements de temps de narration qui m'ont laissée perplexe. Par exemple, un même personnage utilise le passé simple et le passé composé dans le même paragraphe, au sujet du même récit. Un procédé qui me déstabilise énorménent. (Et je me demande à quoi ça correspondait en russe, mais mes notions de grammaire étant rudimentaires, je ne peux pas formuler de théorie.)

Enfin, l'intrigue m'a vite lassée, car tout ceci n'avance pas beaucoup. Cinq cent soixante-dix pages au grand format, ça demande un bel investissement en temps (et en attention, vu le sujet et les innombrables ramifications entre les différents récits), mais il n'y a pas tellememnt de récompense à la fin. Le seul personnage que j'en retiens, c'est Davron, le chef de la milice de Zouhourcho, qui est un bon guerrier relativement droit dans ses bottes malgré son travail difficile. Une machine à tuer attachante, en quelque sorte.

Je dois toutefois dire que l'intrigue, malgré sa grande longueur, repose sur des détails plutôt modestes, les personnages s'influençant sans le savoir, et est bien solide sur ce point. Et cette lecture me permet de participer au challenge Pavés de l'été de Sibylline, ce qui est cool.


Pourquoi ce livre, vous demandez-vous?

Parce que la traductrice française, Emma Lavigne, a obtenu le prix Jean-François Caillé de la traduction en 2020. J'ai assisté à la remise dudit prix l'année suivante (en 2020, il n'y avait pas eu de cérémonie à cause de la situation sanitaire) et je l'ai trouvée convaincante. En plus, l'auteur est russe et écrit en russe, et moi je suis une dingo du russe, donc voilà.

10 commentaires:

  1. Très contente de te voir entrer dans la danse des Pavés de l'été avec ce serpent (ou est-ce avec ce roi? :-) ) J'avais déjà vu ce titre sur un blog, il m'avait frappée, merci de prévenir des réserves qu'on pourrait avoir.

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    1. @La petite liste: Ce sont des réserves bonnes à savoir quand le bouquin est un pavé pareil ^^

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  2. Au titre je m'attendais à un vieux livre de fantasy, type Callidor. C'est... différent, quoique je suis sûr qu'on pourrait faire une intrigue proche en version fantasy.
    C'est dommage que ça ne soit pas emballant parce que l'aspect Tadjikistan était intéressant, ça change et c'est toujours bon de parcourir le monde.

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    1. @Baroona: Ah mais grave, je le vois bien transposé en fantasy avec une composante spéciste, genre la guerre civile entre factions d'elfes et de nains en plus qu'entre rivaux politiques ^^
      Oui, je suis quand même assez contente de l'avoir lu. Ça m'a fait découvrir un pays, en somme.

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  3. En tout cas ça n'a pas dû être simple à traduire, le prix semble mérité ^^

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    1. @Tigger Lilly: Oui tout à fait, traduire du russe avec plein de mots tadjiks dedans, c'est une entreprise massive!

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  4. Bravo d'avoir achevé ce pavé ! Ce doit être bien dépaysant comme lecture (je ne saurai pas non plus placer ce pays sur une carte...)
    Je me demande toujours si je me rendrais même compte de ces changements de temps qui te font bondir 😅

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    1. @Ksidra: Un mois plus tard, suis-je encore capable de situer le Tadjiksitan sur une carte? La réponse n'est quand même pas un franc "oui"! 😄
      Oh, je pense que oui, c'est assez bizarre de lire "Il a oublié quelque chose, alors il repartit le chercher dans la voiture" (je caricature, ce n'était quand même pas si tranché ^^).

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  5. Je ne connais pas du tout mais clairement le sujet est intéressant, tout comme toi le délitement de l'URSS, c'est pas vraiment quelque chose que je maîtrise !

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    1. @Shaya: C'est une question de génération, je pense: on était trop jeunes pour "voir" ça en direct, mais c'était beaucoup trop récent pour qu'on l'étudie à l'école. C'est quand même ballot pour un événement si important. 🙃

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