lundi 3 décembre 2012

Amour, Prozac et autres curiosités (1997)


Amor, curiosidad, prozac y dudas: un titre improbable et une couverture orangée qui ont accroché mon regard dans le rayon livres en espagnol de ma médiathèque (rayon où j'erre régulièrement dans la solitude la plus marquée). Il s'agit du premier roman de Lucia Etxebarria, qui a apparemment immédiatement trouvé le succès en Espagne.

En fait, à la base, ce bouquin n'a rien de particulièrement original. Nous sommes face à trois sœurs que tout oppose: Ana est la parfaite épouse et femme au foyer, qui n'a jamais travaillé de sa vie et se consacre entièrement à son intérieur, à son mari et à son jeune enfant; Rosa est la femme d'affaires aguerrie qui se consacre entièrement à son travail au détriment de toute vie sociale et/ou sentimentale; et Cristina est la toxicomane paumée qui couche à droite et à gauche et qui a planté un emploi de bureau pour servir à boire dans un bar branché. Un trio de ce que l'on pourrait qualifier des archétypes, donc; mais je me suis retrouvée dans chacun des trois personnages, et ce bouquin que j'ai emprunté en pensant avoir affaire à une version madrilène de Sex and the city s'est révélé grinçant et triste.

Certes, ça démarre comme une comédie, avec Cristina qui décrit une nuit d'amour pas très réussie et son expérience d'employée dans une multinationale, une parenthèse professionnelle qui amusera ceux qui ont enchaîné les stages "parce qu'ils n'avaient pas assez d'expérience" ou ont fourni dix fois plus de travail que leur patron pour un dixième de son salaire. Mais on se rend vite compte que ces trois jeunes femmes traînent des blessures profondes, liées à leur enfance --marquée par le départ soudain de leur père-- et à leur adolescence. Elles ont grandi dans une famille où règnent les non-dits, Cristina a enchaîné les tentatives de suicide dès l'âge de seize ans, chacune a dû affronter le regard des autres et les premières expériences sexuelles et amoureuses sans savoir de quoi il s'agissait, vu que leur éducation catholique traditionnelle et le silence résolu de leur mère leur avaient appris précisément rien sur le sexe. Et, de blessure en blessure, chacune devient une sorte de forteresse de solitude. Capable de constater qu'elle n'aime pas trop ce qu'elle est devenue, même si elle ne sait pas trop quand est-ce qu'elle devenue ainsi, et cependant incapable d'agir pour se changer (et d'ailleurs incapable de dire précisément ce qu'elle voudrait changer).

Bref, trois femmes paumées, chacune à sa manière, avec le constat régulier que tout aurait été plus simple si elles avaient été des hommes.

Une petite particularité sur la forme du bouquin: chaque chapitre correspond à une lettre de l'alphabet (je me demande d'ailleurs comment les différentes traductions ont géré le problème des deux lettres propres à l'alphabet espagnol, ll et ñ). Tout le récit est à la première personne, mais chacune des trois sœurs prend la parole (même si c'est surtout Cristina qui raconte).



En bref: une lecture mélancolique et grinçante (je ne vois pas d'autre mot) sur la solitude et "la recherche de soi", si je puis dire, qui met l'accent sur la difficulté que certaines situations (le travail et le sexe surtout) posent uniquement aux femmes. À lire si l'on est capable de voir que le verre, parfois, est bien plus qu'à moitié vide.

Disponible en France chez 10/18 pour 8,10€. Traduction de Marianne Millon.

2 commentaires:

  1. Je connais !!! Il est possible que je l'aie encore en français quelque part...

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