Je crois que Christopher Paolini et ses livres souffrent du même problème que Titanic et d'autres grands succès: face au succès démesuré qu'ils rencontrent, les personnes qui ne les aiment pas (ou pas trop) sont dégoûtées et s'acharnent à les critiquer, à tel point qu'après un certain temps, et auprès d'une certaine population, il devient à la mode de ne pas aimer tel ou tel truc. C'est en tout cas ce que j'ai pensé en lisant L'Héritage qui, s'il n'est certes pas un chef d'oeuvre, n'en est pas moins un livre valable qui ne mérite pas les critiques virulentes que j'avais lues sur Paolini à une certaine époque. Certes, on sent l'influence de la Guerre des étoiles et de Tolkien et ce n'est pas de la grande littérature... Mais ça marche!
La semaine dernière, entre mon travail en freelance qui m'a emmenée dans l'espace et mon travail salarié à base de meubles suédois, j'ai surtout pensé à Eragon et ses amis en me demandant comment ils allaient enfin affronter l'horrible Galbatorix. Comment Nasuada, un de mes personnages préférés, allait [spoiler] résister à la torture. Est-ce que j'avais bien deviné pour qui allait éclore le dernier œuf de dragon. Si Thorn et Murtagh allaient survivre. Si on allait savoir qui est vraiment Angela... Bref, vous voyez, cette espèce de primauté que prend le monde du livre sur le monde réel, et qui n'est jamais aussi forte que lorsqu'on lit de la littérature de l'imaginaire.
La principale force de Paolini, à mon avis, consiste à créer des personnages et des situations amusants. Je pense surtout à Angela, qui m'a fait éclater de rire, et aux chats-garou qui demandent un poulet, une dinde ou tout autre oiseau par jour et par chat-garou en échange de leur alliance avec l'armée des Varden. Mais aussi aux réflexions de Saphira ("Do you want me to eat him?"). Cela ne fait pas de L'Héritage un livre comique, loin de là, mais ça donne au tout un ton léger et sympathique, sans prétentions.
J'ai aussi beaucoup aimé le personnage de Roran Stronghammer, qui m'a un peu rappelé Druss la Légende (mais en moins bien parce que Druss c'est le meilleur guerrier EVER), et le roi des nains. Je suis moins fan de Arya et Eragon, mais Arya a au moins le mérite d'être un personnage féminin rationnel et une très bonne guerrière, tandis qu'Eragon évolue en bien. Il reste un peu idéaliste pour mes goûts, mais il est plus à la hauteur de sa tâche.
Enfin, j'ai apprécié la fin, [spoiler] la destruction finale de Galbatorix, qui est certes vaincu par Eragon mais surtout par les dragons, et la mort de Shruikan. Murtagh méritait quant à lui un traitement moins archétypal: ce jeune homme geignard aurait pu être un personnage ambigu et flippant super intéressant. Je l'aime quand même beaucoup parce qu'il semble relativement sombre par rapport à Eragon, et puis parce que j'aime toujours les gens torturés.
Je dirai aussi, malheureusement, que L'Héritage sent le remplissage par moments, avec des péripéties qui s'ajoutent aux péripéties quand on voudrait surtout avancer, et, inversement, qu'il pêche par sa rapidité sur la fin, qui semble du coup bâclée. Et le fait qu'Eragon soit transi d'amour pour Arya m'a arraché quelque soupirs excédés. Mais, si on garde à l'esprit qu'il s'agit de littérature jeunesse, ce livre et le cycle qu'il conclut ont vraiment du bon. J'aurais adoré les lire quand j'étais au collège, juste après avoir vu Coeur de dragon au cinéma... Vu comment j'ai aimé Eragon à 19 ans, je crois que ma vie en aurait été bouleversée si je l'avais lu à 13 ou 14...
Dix ans plus tard, maintenant que j'en ai 28, ce n'est, évidemment, pas pareil, mais on peut rajeunir dans sa tête le temps d'une lecture et apprécier un livre jeunesse si seulement on le veut bien. Je ne recommande pas la lecture du cycle de l'Héritage avec ferveur et ce n'est pas une lecture indispensable comme peut l'être Le Seigneur des Anneaux; mais si vous pensez qu'il fait pour vous, n'hésitez pas!
(Et si vous le lisez en anglais, vous verrez que Knopf fait du bon travail: beau papier épais, belle couverture rigide, belle illustration... On en a pour ses 20€ le tome!)
(Et si vous le lisez en anglais, vous verrez que Knopf fait du bon travail: beau papier épais, belle couverture rigide, belle illustration... On en a pour ses 20€ le tome!)