mardi 1 avril 2014

En finir avec Eddy Bellegueule (2014)

Premier roman d'Édouard Louis, En finir avec Eddy Bellegueule est le récit autobiographique de l'enfance de l'auteur. Né dans une famille particulièrement pauvre dans un village picard défavorisé et coupé du monde, Eddy a très vite senti qu'il n'était pas un garçon "satisfaisant" dans ce milieu fortement machiste. Il avait la voix trop aiguë, ne jouait pas au football et n'était tout simplement pas assez "dur". Il s'est donc retrouvé exposé aux moqueries et aux violences psychologiques et physiques des membres de sa famille et de ses camarades de classe, avant même de prendre conscience que son intérêt sexuel était tourné vers les hommes plutôt que les femmes.


Constater la cruauté et la bêtise profonde de cette homophobie assumée est tout à fait révoltant, mais, plus encore que cela, c'est le milieu dans son ensemble qui m'a sidérée. Ce livre est une vraie plongée dans un monde que l'on voudrait croire disparu, anéanti par l'école obligatoire et le progrès, tellement il aurait sa place dans Germinal (livre qui a tout de même, rappelons-le, presque cent trente ans)... Le langage et l'attitude des habitants du village sont juste à des années-lumières de ce que la plupart des gens vivent au quotidien et je me suis soudain sentie terriblement privilégiée. Dans ce livre, "faire des études" signifie "passer le bac" et le seul avenir possible consiste à perdre la santé à l'usine du coin ou à faire enfant sur enfant dans un logement miteux...

Comme je le disais dans mon dernier billet à propos du Corps humain, ce livre est une lecture édifiante à réserver à certains lecteurs – ou plutôt, si cela était possible, à rendre obligatoire, car ceux qui ont justement le plus besoin de le lire sont précisément ceux qui ne le liront jamais, soit parce qu'ils en ont rien à cirer de ces histoires de pédé, soit peut-être parce qu'ils ne savent pas lire. Édouard Louis a réussi un coup de maître avec ce premier roman, qui est très bien écrit en ce qui concerne le récit lui-même et tout à fait déroutant lorsqu'il reproduit les déclarations des personnages, et qui m'a rappelé furieusement Un héros de Félicité Herzog tant il s'en dégage la même souffrance. À lire.

Allez donc voir ailleurs si ce livre y est!
L'avis de Sophie, la médiathécaire animant le comité de lecture dont je fais partie, sur le blog de la médiathèque
L'avis de Corinne, membre du comité, sur le blog de la médiathèque
L'avis de Séverine, autre membre du comité (qui m'a super gentiment prêté son exemplaire! merci!!!), sur son propre blog

Édouard Louis, En finir avec Eddy Bellegueule
Éditions Seuil, 219 pages, 17€

2 commentaires:

  1. TRES réservé à la média mais je ne désespère pas de le lire un jour! Très bientôt et même si toi tu as bien aimé alors je suis optimiste! (hein non parce que les effets "c'est trop bien", moi ça me fait un peu peur!)

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    1. Ca ne m'étonne pas qu'il soit super réservé!! Faudrait mettre en place un système d'alerte pour être prévenu quand le livre est prêt à être réservé hahaha. Ensuite c'est difficile de dire qu'on **aime** ce livre, mais c'est une lecture carrément édifiante.

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