samedi 8 novembre 2014

Il est de retour (2012)

Il est de retour!! Croyez-y!! On ne sait pas comment, mais il est de retour et il est bien décidé à reprendre son œuvre là où il l'a laissée.

Mais de qui s'agit-il?

De personne d'autre que d'Hitler.

Et oui. Imaginez Adolf se réveillant en 2011 dans un terrain vague de Berlin. Après avoir constaté que la ville n'est plus en ruines, et que les habitants ne semblent pas du tout prêts à partir au front défendre la pure race aryenne de l'envahisseur bolchevique, Hitler, que tout le monde prend pour un comique très bien préparé, reprend son rôle de Führer, mais cette fois-ci à la télévision et sur YouTube. De quiproquo en quiproquo, il atteint la notoriété malgré les critiques de ceux qui pensent que ses interventions ne sont pas du tout drôles. Tout le monde est un peu étonné qu'il ne retire jamais le masque et "joue" le rôle d'Hitler vraiment tout le temps, mais ses collaborateurs y voient surtout une façon inédite de faire de l'audimat. Et puis Hitler est mort depuis 66 ans, il s'agit forcément de quelqu'un qui imite sa façon de parler et ses idées...


Timur Vermes a réussi un très beau coup avec ce livre au pitch étonnant. Parce que ce roman est vraiment (cyniquement et horriblement) drôle. Le choc culturel entre le Hitler de 1945 et l'Allemagne de 2011 donne des passages vraiment croustillants. Imaginez ses réflexions la première fois qu'il regarde la télévision: entre les émissions culinaires avec des présentatrices nunuches s'extasiant sur les conseils du chef et une émission sur une mère qui ne s'entend pas avec sa fille, puis les coupures pub permanentes et les résumés qui s'ensuivent pour tout réexpliquer au spectateur, Hitler se fait sérieusement du souci pour la santé mentale de son bien-aimé peuple allemand. Il m'a un peu fait penser à la tête de Mercredi au camp de vacances dans Les Valeurs de la famille Addams.

En plus, Hitler ne mâche pas ses pensées et, dans sa tête, ça vanne dur. J'ai éclaté de rire pas mal de fois. Je n'ai pas noté tous ces passages mais franchement, certaines répliques valent leur pesant d'or.

"L'hiver 1946 avait dû être peu réjouissant dans l'ensemble. En y regardant de près, je n'y vois rien de déprimant : selon le vieil idéal d'éducation des Spartiates, une impitoyable dureté produit des enfants et des peuples forts et endurcis. Le souvenir d'un hiver de disette restant gravé en lettres de feu dans la mémoire d'une nation, celle-ci y réfléchira à deux fois avant de perdre une autre guerre mondiale."

"- Mais je ne vois pas ce qu'on pourrait nous reprocher : n'a-t-on pas dit que Hitler était responsable de la mort de six millions de juifs ? Qui d'autre sinon lui ?
- N'allez pas dire ça à Himmler, lançai-je avec un petit sourire gourmand."

Au final, Il est de retour n'est pas non plus un livre-coup de poing, d'autant plus qu'il ne s'y passe pas des masses de choses et qu'il semble donc un tantinet long. Mais nous mettre dans la tête de ce Hitler bien plus lucide que ses nouveaux contemporains et intimement convaincu du bien-fondé de sa mission, c'est nous faire adopter un point de vue nouveau. Cette tactique très réussie  nous amène discrètement jusqu'à la toute fin, et là le sourire se fige un peu.

Une satire à découvrir, donc. (Pensez bien à utiliser le glossaire de fin, sinon vous risquez de ne pas comprendre les nombreuses références à des personnages de l'histoire allemande.) À mon humble avis tout ceci n'est pas du tout une "banalisation du mal" comme cela a été dit ailleurs et on ne risque pas de se convertir au nazisme; il s'agit bien d'une satire, c'est-à-dire d'un discours qui attaque en se moquant. Satire de la société moderne avant tout, mais aussi description du potentiel de séduction d'un personnage complètement hors du commun; et si on est pris au piège d'un personnage de papier, que ferions-nous donc dans la vraie vie?

Allez donc voir ailleurs si ce Führer y est!

Timur Vermes, Il est de retour
(traduction française de Pierre Deshusses)
Éditions Belfond, 410 pages, 19,33€

PS: Quelques heures après avoir rédigé cet avis, je suis allée voir Fury au cinéma. C'est un film très réussi, saisissant et dur, qui montre avec une lucidité terrible les combats dans l'Allemagne agonisante d'avril 1945. Soudain, je me suis dit que tout ceci n'était pas drôle du tout et je me suis sentie coupable et un peu honteuse d'avoir bien rigolé sur ce livre. À méditer...

8 commentaires:

  1. Je le lirai un jour, et je ne trouve pas ça grave ou honteux de rire sur des sujets aussi terribles.

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    1. Et bien moi non plus, en fait, mais pendant le film j'étais mal à l'aise... J'espère que tu apprécieras cette lecture autant que moi ! :)

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  2. Bigre ! Je reconnait bien là le genre de bouquins zarbi que tu déniches régulièrement (je ne sais comment d'ailleurs). C'est une sorte d'uchronie à l'envers, trop spéc'.

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    1. Haha et bien c'est encore une victoire d'Oukoulou, tout le mérite lui revient!! :)

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  3. Ahhhh, je suis contente que tu l'aies aimé !!!
    Je lui reproche aussi ses longueurs et sa non action, mais l'idée de base est tellement bonne (et le personnage d'Hitler est tellement bien fait) qu'on le lui pardonne !!
    D'autant plus que ce livre fait tout de même bien réfléchir : que ferions-nous face à un tel personnage à la place de ce peuple ?

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    1. Héhé c'est toute la question. Bonne découverte, merci encore ! :)

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  4. Je l'avais repéré celui-ci, au détour de quelques chroniques sur différents blogs. Et le sujet est intéressant et l'approche originale.
    Donc je le note dans un coin. Merci pour cette critique ! ;)

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    1. De rien Lorhkan. Je pense que cette lecture devrait t'intéresser.

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