Tigger Lilly et moi poursuivons notre bonhomme de chemin en compagnie de la célèbre famille de malades mentaux d'Émile Zola, les Rougon-Macquart. En ce début d'année, nous avons découvert Paris avec un nouveau point de vue: après avoir plongé dans la vie de la classe ouvrière et travailleuse avec L'Assommoir, Zola passe dans un coquet salon bourgeois en banlieue, à Passy. Un endroit d'où l'on voit toute la ville...
L'intrigue
Hélène Grandjean, fille d'Ursula Macquart et de Mouret (et donc sœur de Silvère, inoubliable personnage de La Fortune des Rougon, et de François, protagoniste de La Conquête de Plassans), est montée à Paris avec son mari Grandjean. Depuis la mort de celui-ci, elle se consacre presque exclusivement aux soins de sa fille Jeanne, dont la santé est très fragile. Puis elle fait connaissance avec ses voisins, Juliette et Henri Deberle. S'ensuivra (je ne divulgâche rien ^^) une page d'amour qui bouleversera ses habitudes bien huilées.
Une page étonnante dans une saga qui est tout sauf figée
Ce roman porte très bien son nom. Il n'a rien à voir avec ceux qui le précèdent et le suivent. C'est un petit huis-clos. On n'y parcourt que quelques rues et on n'y découvre que deux intérieurs. Il ne contient pas de critique sociale liée à la pauvreté ou à l'exploitation, principal héritage de Zola. C'est une histoire d'amour courte et intense, qui bouleverse des personnages pourtant plutôt stables. Car Hélène est un exemple de bonne santé d'esprit dans notre famille dysfonctionnelle préférée: elle ne s'emporte pas, n'est pas dominée par ses émotions, ne tombe pas dans le mysticisme, ne concentre pas tous ses efforts sur une manie... Sa vie tourne autour de sa fille, certes, mais avec une certaine retenue. Autant dire qu'après L'Assommoir, c'est extrêmement calme...
Jeanne, petite fille tragique et cruelle
Le personnage le plus "typé" de ce roman est Jeanne, petite fille de douze ans à la santé extrêmement fragile. Jeanne a quelque chose d'innocent, mais elle est aussi une petite chose tyrannique à la cruauté incroyable. J'avais eu fortement envie de l'étrangler lors de ma première lecture et ça n'a pas manqué, cette fois-ci non plus. Elle observe le monde autour d'elle et réagit démesurément si les choses ne se passent pas comme elle le veut, à savoir si son désir de possession est contrarié, même de peu. En parallèle, elle s'éveille au monde des adultes en devinant qu'il existe des choses qu'on ne dit pas aux enfants (l'amour, le sexe) et ne voit pas tout ça d'un très bon œil.
Deux parallèles avec La Conquête de Plassans et La Faute de l'abbé Mouret
Jeanne, petite fille tragique et cruelle
Le personnage le plus "typé" de ce roman est Jeanne, petite fille de douze ans à la santé extrêmement fragile. Jeanne a quelque chose d'innocent, mais elle est aussi une petite chose tyrannique à la cruauté incroyable. J'avais eu fortement envie de l'étrangler lors de ma première lecture et ça n'a pas manqué, cette fois-ci non plus. Elle observe le monde autour d'elle et réagit démesurément si les choses ne se passent pas comme elle le veut, à savoir si son désir de possession est contrarié, même de peu. En parallèle, elle s'éveille au monde des adultes en devinant qu'il existe des choses qu'on ne dit pas aux enfants (l'amour, le sexe) et ne voit pas tout ça d'un très bon œil.
Deux parallèles avec La Conquête de Plassans et La Faute de l'abbé Mouret
Deux éléments m'ont rappelé ces romans. D'une part, Hélène et Henri passent une nuit ensemble dans un état vestimentaire peu convenant (Hélène a son peignoir qui glisse, Henri a remonté ses manches, quelque chose de ce genre), mais n'en ont pas conscience tant qu'ils sont concentrés sur leur tâche, soigner Jeanne. Ce n'est qu'une fois le danger passé qu'ils se rendent compte, en se regardant, de leur état et qu'ils ressentent de la gêne. Il y a la même chose dans La Faute de l'abbé Mouret, quand Albine et Serge ressentent de la honte face à leur corps après l'acte sexuel, mais pas tant qu'ils vivent leur amour innocemment. (Et oui, il y a la même chose dans la Bible: Adam et Ève n'ont pas honte d'être nus tant qu'ils ne savent pas qu'ils sont nus.)
D'autre part, Une page d'amour contient une crise de ferveur religieuse qui cache en réalité un amour bien humain: en mai, quand la bonne société s'installe à l'église pour fêter le mois de Marie, Hélène participe aux rituels pour avoir un temps de réflexion tranquille et penser à l'homme qu'elle aime. Ça rappelle la crise mystique de Marthe dans La Conquête de Plassans (elle se passionne pour la prière parce qu'elle est amoureuse du prêtre) et la dévotion de Serge pour Marie dans La Faute de l'abbé Mouret (Serge n'aime pas réellement Marie, la mère de Jésus, mais l'idée même de la féminité).
D'autre part, Une page d'amour contient une crise de ferveur religieuse qui cache en réalité un amour bien humain: en mai, quand la bonne société s'installe à l'église pour fêter le mois de Marie, Hélène participe aux rituels pour avoir un temps de réflexion tranquille et penser à l'homme qu'elle aime. Ça rappelle la crise mystique de Marthe dans La Conquête de Plassans (elle se passionne pour la prière parce qu'elle est amoureuse du prêtre) et la dévotion de Serge pour Marie dans La Faute de l'abbé Mouret (Serge n'aime pas réellement Marie, la mère de Jésus, mais l'idée même de la féminité).
La vertu de façade de la bourgeoisie
On le sait, Zola aime bien remuer la vase. Dans Une page d'amour, il s'attaque à l'apparence vertueuse de la bourgeoisie au moyen du ménage Deberle. Juliette tient un salon très "comme il faut", mais quand on se penche un peu plus près sur la chose, il s'avère que ses invités ne sont pas en odeur de sainteté: l'adultère, connu de tous, est toléré avec un sourire fin. Zola ne va pas aussi loin que dans La Curée ou (si mon souvenir est bon) Pot-Bouille, mais il montre néanmoins comment sont les choses, à l'image du logement miteux, mais recouvert d'un "vernis" de décoration, que loue Malignon, un personnage assez minable, en vue de retrouver sa maîtresse. Tout cela est en outre lié à l'ennui de cette classe riche et oisive, comme dans La Curée.
À l'horizon, Paris
Une page d'amour est divisé en cinq parties de cinq chapitres chacune, qui se terminent systématiquement par une description de Paris correspondant à l'état d'esprit d'Hélène ou de Jeanne. Ainsi, la capitale est extrêmement présente dans le roman, alors même que les personnages n'y vont jamais! À retenir: l'éclairage au gaz qui s'allume à la tombée de la nuit, une scène superbe. 💖
J'ai beaucoup apprécié cette lecture, bien que cela ne se ressente pas forcément pas énormément dans cette chronique du fait que j'ai laissé passer bien trop de temps entre ma lecture et la rédaction de ce billet. Certes, Une page d'amour n'est pas le plus grand des Zola, mais c'est néanmoins une bien belle page...
Allez donc voir si cette page y est!
L'avis de Karine
L'avis de Tigger Lilly
On le sait, Zola aime bien remuer la vase. Dans Une page d'amour, il s'attaque à l'apparence vertueuse de la bourgeoisie au moyen du ménage Deberle. Juliette tient un salon très "comme il faut", mais quand on se penche un peu plus près sur la chose, il s'avère que ses invités ne sont pas en odeur de sainteté: l'adultère, connu de tous, est toléré avec un sourire fin. Zola ne va pas aussi loin que dans La Curée ou (si mon souvenir est bon) Pot-Bouille, mais il montre néanmoins comment sont les choses, à l'image du logement miteux, mais recouvert d'un "vernis" de décoration, que loue Malignon, un personnage assez minable, en vue de retrouver sa maîtresse. Tout cela est en outre lié à l'ennui de cette classe riche et oisive, comme dans La Curée.
À l'horizon, Paris
Une page d'amour est divisé en cinq parties de cinq chapitres chacune, qui se terminent systématiquement par une description de Paris correspondant à l'état d'esprit d'Hélène ou de Jeanne. Ainsi, la capitale est extrêmement présente dans le roman, alors même que les personnages n'y vont jamais! À retenir: l'éclairage au gaz qui s'allume à la tombée de la nuit, une scène superbe. 💖
J'ai beaucoup apprécié cette lecture, bien que cela ne se ressente pas forcément pas énormément dans cette chronique du fait que j'ai laissé passer bien trop de temps entre ma lecture et la rédaction de ce billet. Certes, Une page d'amour n'est pas le plus grand des Zola, mais c'est néanmoins une bien belle page...
Allez donc voir si cette page y est!
L'avis de Karine
L'avis de Tigger Lilly
Il me semble que je l'avais un peu moins apprécié celui-là, mais ça fait trop longtemps pour que je puisse dire pourquoi!
RépondreSupprimer@Grominou: Il est clairement moins marquant que les autres tomes de la série, il faut le dire.
SupprimerJe l'avais laissé de côté celui-ci, j'avoue. ( j'adore ta phrase d'introduction :-D )
RépondreSupprimer@Marilyne: Ha mince :/ Tu avais commencé et ça ne t'avait pas plu?
SupprimerNon, je n'ai pas tout lu. Celui-ci fait partie de ceux qui n'ont pas été prioritaire. Et tu me fais réviser cette idée.
SupprimerOk. Bon, c'est assez vrai, toutefois, qu'il n'est pas prioritaire, c'est typiquement le tome qu'on ne lit que quand on les lit tous... Mais je pense que tu aimerais. :)
SupprimerBon comme je disais du côté du Dragon galactique, merci de me permettre de découvrir tout Zola par procuration^^.
RépondreSupprimer@Vert: De rien ^^ En espérant que tu le redécouvres un jour :)
RépondreSupprimerC'est marrant, on a toutes les 2 resitué où se trouve Hélène dans l'arbre généalogique mais en la comparant avec des personnages différents :p
RépondreSupprimerMa scène parisienne préférée c'est celle sous la neige <3
@Tigger Lilly: Oui :D D'ailleurs quand j'ai vu qui tu citais, j'ai voulu revérifier que je ne m'étais pas trompée, mais j'ai oublié ^^
SupprimerOui, Paris sous la neige était très beau aussi...
Quoi ? Du calme et de la modération ? Vous êtes sûres que c'est bien Zola qui a écrit ça ? Et j'espère que ça ne finit pas bien quand même, il ne faudrait pas pousser ! =P
RépondreSupprimer@Baroona: Non, ne t'inquiètes pas, on ne peut quand même pas dire que ça se termine bien :D
SupprimerCe dont je me souviens, ce sont les descriptions de Paris... c'était magnifique. Et Jeanne... oh boy...
RépondreSupprimer@Karine: Les descriptions de Paris font tout le sel de ce tome <3
SupprimerAhhhh mais je suis dégoûtée : je t'avais laissé un long commentaire il y a quelques jours et tu ne l'as visiblement jamais reçu. En vrai, j'avais un doute vu la page qui s'était affichée après l'envoi et le voilà confirmé.
RépondreSupprimerBon, je t'y disais en gros que comme toi, j'avais trouvé que ce n'était pas le meilleur de la série mais je l'avais malgré tout trouvé plutôt touchant. Et, comme le dit Karine, les descriptions de Paris sont décidément sublimes - sur ce point-là, Zola est quand même le meilleur !
@Lili: En effet, pas de trace d'un commentaire précédent :( Et ouiii Zola est tellement fort sur ce point, c'est fou!! :D
SupprimerC'est quand même marrant cet aspect de "je me suis pas rendu compte que j'étais nu et maintenant c'est gênant" ^^
RépondreSupprimer@Shaya: Oui :D Mais en même temps j'apprécie cette différence entre la nudité et la sexualité, le fait que la nudité, en elle-même, n'a aucune espèce d'importance tant qu'on ne lui en prête pas.
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