jeudi 26 mars 2020

Les Dieux verts (1961)

Après Les Centaures d'André Lichtenberger, j'ai fait l'acquisition du seul autre livre francophone des éditions Callidor, Les Dieux verts de Nathalie Henneberg.


L'ouvrage s'ouvre sur une introduction de Thierry Fraysse, l'éditeur, qui présente le parcours de l'autrice. Sachez que Nathalie Henneberg a publié ses écrits sous le nom de son mari pendant des années car elle n'arrivait pas à les placer si elle se présentait comme une femme. 😠 Ce n'est qu'après sa mort qu'elle en a progressivement revendiqué la maternité...

Les Dieux verts propose une rédaction très particulière. Le style est riche et flamboyant, mais aussi mystérieux et parfois hermétique. Je n'ai pas toujours tout compris. Parfois, des parenthèses viennent fournir des précisions d'une manière que j'ai tendance à considérer comme peu élégante. C'est particulier et je ne pense pas que cela puisse plaire à tout le monde. Pour ma part, j'ai plutôt adhéré.
"La vie avait vaincu.
Sur la Terre c'était l'an 2000 de l'ère cosmique – et la nuit émeraude. Le grand cataclysme qui l'avait ravagée se perdait dans le passé immémorial. Quelques livres sacrés, gravés dans le jade et l'onyx et fixés aux autels par des chaînes d'orichalque, disaient que la mort était venue des étoiles."
L'histoire est celle de la reine Atléna et du suffète Argo, derniers représentants des Solaires, qui, si j'ai bien compris, sont des humains "purs", sans mutation génétique. Après une hécatombe nucléaire qui a bouleversé la face de la planète, les humains ne sont plus l'espèce dominante et sombrent vers l'apathie et l'animalité. Ce sont les plantes qui ont pris le dessus. Capables de penser et de se mouvoir, elles représentent déjà les deux tiers des membres du conseil de l'empire d'A-atlan, notre Mexique, et sapent lentement mais sûrement les restes de la civilisation humaine.

Les descriptions des végétaux sont saisissantes et exercent une espèce de fascination morbide. L'éditeur cite Clark Ashton Smith dans son introduction et je dois dire que ces plantes vivantes m'ont rappelé une nouvelle de cet auteur, dans laquelle un roi fait greffer les parties du corps de ses concubines qu'il aime le plus à des plantes – et possède ainsi un jardin empli de plantes dotées d'yeux, de seins, de mains, de cheveux...
"Sur un trône qui faisait face à celui de la reine, une énorme masse d'excroissances, un navet monstrueux bougea. Une sève verte afflua à ses tumescences. Une voix inattendue, en cristal félé, s'écria:
— Mes frères...."
Les Dieux verts ne manque pas d'ambition. Dans le contexte que je viens de décrire, on découvre ou devine des coutumes ancestrales rappelant le monde antique, comme la momification des reines, ou primitif, comme le vol nuptial de la reine, qui doit tuer son amant au lendemain de leur union. Dans les cieux au-dessus de cette Terre ravagée, les astronautes du futur essayent de regagner leur planète d'origine, inaccessible depuis des millénaires. Un univers riche et maîtrisé qui correspond parfaitement au style de l'autrice. Il s'agit presque d'un livre-concept, ce qui était déjà le cas des Centaures, où style et histoire s'imbriquaient de très près.

Si je ne peux pas dire avoir totalement apprécié ce roman, c'est parce que j'ai constaté un manque d'attention abyssal durant ma lecture dans les transports en commun et que je lis trop vite, je crois, pour apprécier des exercices de style à leur juste valeur. Arrivée à mi-chemin, j'ai même relu la première moitié en diagonale, car je me rendais compte que je ne savais pas qui étaient certains personnages et pourquoi Argo agissait comme il le faisait. J'ai malheureusement tendance à entrer dans la course à la lecture pour lire beaucoup. Or, il s'agit plutôt ici d'un roman à lire bien...

Malgré ce problème qui ne tient qu'à moi, et que j'ai résolu en ralentissant délibérément ma lecture durant la deuxième moitié du roman, je vous recommande cet ouvrage si vous voulez découvrir une œuvre à part et, disons-le, assez visionnaire. Merci Callidor de l'avoir tirée de l'oubli!

10 commentaires:

  1. Il est joli. J'aime bien lire ce genre de livre à l'occasion, mais c'est clair qu'il faut avoir le cerveau disponible. Le parlement des fées était un peu comme ça. J'avais adoré XD

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    1. @Tigger Lilly: "Avoir le cerveau disponible", c'est tout à fait ça. ^^

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  2. Ça a l'air en effet particulier - enfin, je crois, parce que je ne suis même pas sûr d'avoir bien saisi tous les enjeux. ^^' Est-ce qu'on peut y voir une certaine composante "écologique" ?

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    1. @Baroona: Je ne pense pas. Au contraire, la nature sauvage est primitive et dangereuse... Je ne suis pas convaincue que tu aimerais. À emprunter, peut-être.

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  3. Pour ma part j'aime beaucoup l'idée de ce monde végétal qui prend le pouvoir petit à petit. Le style risque de me rebuter par contre, donc, à voir.

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    1. @Shaya: C'est très particulier, en effet. À essayer. Si le premier chapitre ne passe pas, le reste ne passera pas non plus.

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  4. Merci pour ton retour. Je vais déjà m'occuper du Serpent Ouroboros et on verra pour les autres livres de cet éditeur ^^

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    1. @Vert: D'ailleurs, si tu veux profiter du confinement pour lire Ourobouros, tu dis :D

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  5. Ca a l'air original comme monde... La nouvelle de Clark Ashton Smith que tu mentionnes a l'air originale aussi ^^' et je me disais bien que ce nom me disait quelque chose : je ne savais pas qu'il était un ami de Lovecraft, et je viens de lire L'Appel de Cthulhu, dans lequel il est mentionné...

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    1. @Ksidra: Oui tout à fait! J'avais adoré y trouver son nom ! :)

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