vendredi 26 février 2021

Le Rêve (1888)

Après un milieu paysan particulièrement toxique dans la Terre, Émile Zola fait le grand écart en nous offrant le Rêve. Le seizième tome des Rougon-Macquart est tout à fait inattendu. Tigger Lilly, Baroona et moi-même avons fait ou refait ce voyage extrêmement contemplatif...

L'intrigue
La petite Angélique est recueillie par les Hubert, un couple de brodeurs installés tout près de la cathédrale d'une ville somnolente de province. Elle a grandi dans une institution pour enfants trouvés, mais est en réalité la fille de Sidonie Rougon, que nous avons rencontrée dans la Curée. Malgré des débuts difficiles dus à sont fort caractère, elle trouve sa place dans cet atelier paisible et console quelque peu le couple, qui n'a pas d'enfant et le regrette. Elle devient une ouvrière adroite de ses doigts et très inspirée par la Légende dorée, un recueil d'histoires des saints qui illumine ses journées.

Le fil au doigt et la tête dans le rêve
Ce n'est pas par hasard si le roman s'appelle le Rêve. Angélique vit littéralement dans un rêve. Elle ne sort de la maison des Hubert qu'une fois par semaine, pour aller à la messe le dimanche. Elle ne reçoit pas d'éducation particulière, sa mère adoptive Hubertine estimant que cela n'est guère nécessaire pour une femme. Toute sa connaissance du monde provient de cet ouvrage religieux présentant les vies des martyres sous un jour exalté, pour prouver in fine la puissance de Dieu triomphant de tous les obstacles. Ainsi, quand l'adolescence frappe à la porte, Angélique est intimement persuadée que sa vie se déroulera comme celle de ses saintes, avec un miracle qui fera son bonheur.

Voir la réalité se plier au rêve
Bien qu'Hubertine se fasse un peu de souci pour sa fille, le monde semble donner raison à Angélique en lui apportant l'amour sur un plateau d'argent: un jeune ouvrier venu réparer les vitraux de la cathédrale aperçoit la jeune fille à sa fenêtre... Elle le voit aussi... L'amour grandit... Ils finissent par discuter lorsqu'Angélique fait sa lessive dans le cours d'eau traversant le jardin de la cathédrale. Tout serait parfait si la condition sociale du jeune homme, qui n'est pas réellement ouvrier, ne devait empêcher le mariage. Pourtant, Angélique reste sereine et continue de croire.

Un roman de second plan
Difficile de dire grand-chose sur le Rêve, qui est certainement l'un des romans les moins percutants de Zola. En venant de la Terre, on est héberluée par la différence de ton radicale. La Terre était épouvantable et désespérant, et là, on passe à un monde feutré et contemplatif où les martyres montent au ciel dans un grand éclat doré. Angélique plane totalement, il n'y a pas d'autre façon de tourner la chose. L'enjeu est relativement modeste (y aura-t-il coup de foudre? Y aura-t-il mariage? Y aura-t-il miracle?) et on est très loin de la grande fresque sociale de Germinal ou de la critique mordante de Pot-Bouille ou la Curée. Zola ne critique même pas réellement l'Église ici, même s'il oppose l'amour (charnel et amoureux) au célibat des prêtres à travers la figure de l'évêque, un homme entré en religion après un veuvage et encore rongé d'amour et de désir pour sa femme décédée. Le roman reste très plaisant à lire parce que c'est du Zola, bien sûr, mais il n'y a pas grand-chose à se mettre sous la dent. Mention spéciale, toutefois, pour le couple Hubert et Hubertine, deux personnes soudées par un amour véritable qui perdure au fil des ans. Hubertine formule un terrible reproche à l'encontre de son mari vers la fin du roman et se fait la défenseuse d'une obéissance et d'une soumission sans failles à toute exigence de l'autorité, qu'elle soit divine ou humaine, mais elle reste un beau personnage très droit moralement.

12 commentaires:

  1. Définitivement, heureusement qu'il y avait Hubert et Hubertine, je ne sais pas ce qu'on aurait fait sans eux. Enfin, il y a aussi un dragon, mais tu n'as pas pris la peine de le souligner... =P

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    1. @Baroona: J'avoue. Je trouve ça très décevant de ma propre part car ça m'a vraiment éclatée, ce dragon. 🙄

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  2. Rien de plus à ajouter. Vivement le suivant, on va en avoir pour notre argent :p

    Heureusement que c'est Zola et qu'en effet on trouve toujours de quoi se mettre quelque chose sous la dent mais il fait un peu faim tout de même quand on a fini la lecture.

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    1. @Tigger Lilly: "on va en avoir pour notre argent" Et encore, l'Argent c'est pour plus tard AHAHAHAHAH 😂

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  3. Peut-être que Zola lui-même ne s'est pas remis de ses précédents titres et qu'il a joué la carte de l'hyper soft pour mieux préparer un retour fracassant.

    Hubert et Hubertine ^^ ils vendaient un peu du rêve, jusqu'à ce que tu dises que la dame joue la carte soumission à fond.
    Bon c'est l'époque qui veut ça, mais quand même :p

    Il passera des lustres avant que je n'arrive à ce titre et d'ici là, j'aurai oublié que Le rêve n'en vend pas forcément.

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    1. @Itenarasa: Ton message est extraordinaire!! 🤩 "mieux préparer un retour fracassant": c'est pas impossible, la Bête humaine c'est du lourd!
      "j'aurai oublié que Le rêve n'en vend pas forcément" --> Uhuhuh.

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    2. :p
      J'ai sorti ça sans savoir que La bête humaine arrivait derrière. Alors oui, ça risque d'être violent en comparaison.

      (bonne future lecture)

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  4. Un rêve qui ne vend pas du rêve donc ce roman xd

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    1. @Shaya: Tout à fait, le jeu de mots s'impose totalement 😅

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  5. C'est rude à porter quand même Hubertine xD

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    1. @Vert: Oui 😁 Heureusement, elle est tellement droite dans ses bottes et digne qu'elle vit ça bien! 😇

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