Comme beaucoup de passionné(e)s d'équitation, j'ai dévoré la série de L'Étalon noir quand j'étais une jeune pré-adolescente pleine de rêves de chevaux. Je sais qu'il me manquait un livre ou deux et que je trouvais cela très frustrant, mais j'en garde le souvenir de longues heures de lecture émerveillée. À l'époque mes lectures m'accompagnaient de manière beaucoup plus permanente et insistante que maintenant et je rêvais de Black bien après avoir refermé les livres...
À l'âge adulte, en revanche, la relecture du premier tome m'avait beaucoup refroidie: je l'avais trouvé terriblement simpliste dans son propos et cliché dans son écriture.
Il est étonnant de voir à quel point le ressenti face à un livre ou un film dépend du contexte: car cette fois-ci, cinq ans plus tard, j'ai très sincèrement aimé L'Étalon noir. Alors, évidemment, le fait que je l'aie lu il y a cinq ans alors que je faisais crise d'angoisse sur crise d'angoisse et que ma vie équestre était dans une terrible impasse, tandis que je profite aujourd'hui d'une réelle activité de cavalière (modeste sous tous les aspects mais néanmoins existante et sensiblement saine), a certainement eu une influence: si je continue de rêver les yeux ouverts devant les photos et les vidéos des autres (qui montent mieux que moi, sortent en concours, ont leur cheval....), je ne me sens plus coupée et bannie de ce monde. Donc, je ne ressens plus une terrible frustration qui empoisonne le moindre contact et me donne envie d'aller me terrer sous la couette pendant une éternité ou deux...
Le fait d'avoir lu Walter Farley en VO a certainement aussi joué: un texte relativement simple, destiné à une jeune public, me semble encore plus simplet en français qu'en anglais, langue qui arrive plus facilement à dire plein de choses en peu de mots. Mais surtout cette édition de Random House est juste trop jolie: grand format à couverture rigide et illustrations d'origine lui donnent un petit air rétro absolument délicieux et nous plongent dans l'atmosphère de l'époque, quand Alec rentrait à New York depuis l'Inde par bateau et qu'il fallait attendre pendant des mois la réponse à une lettre envoyée au Jockey Club!
Alors, bien sûr, le fantasme de l'amitié jeune garçon-cheval indomptable est justement un fantasme, et le récit est truffé de coïncidences fortuites vite agaçantes (la palme revenant à la présence sur l'île déserte de cette algue comestible dont le professeur de biologie d'Alec avait justement parlé en cours! Quelle chance dis donc!) Mais le fond reste fascinant. Parce qu'on rêve tous de tomber sur un cheval plus exceptionnel que les autres et de construire avec lui cette relation unique. Et que les galopades à bride abattue à couper le souffle vous donnent des frissons rien qu'à les lire...
Un retour en arrière très bienvenu, donc, et la sensation d'avoir retrouvé un peu de ce que j'étais. Comme quoi même la cinquième ou sixième lecture d'un livre que je connaissais par cœur peut encore m'apprendre quelque chose sur moi-même! \o/
"Y'know, Alec, horses are kind of like the sea, you'll find out--once you get used to 'em and start to love 'em, you can't ever give them up." (Henry Dailey)
"Y'know, Alec, horses are kind of like the sea, you'll find out--once you get used to 'em and start to love 'em, you can't ever give them up." (Henry Dailey)