J'ai profité de ma semaine de vacances de début d'année pour me pencher enfin sur un livre prêté par ma prof de yoga il y a deux ou trois mois: Le pouvoir du moment présent d'Eckhart Tolle. Je voulais vraiment me concentrer sur cette lecture et craignais de ne pas la lire dans de bonnes conditions si je la lisais comme je je le fais d'habitude, à savoir de manière un peu trop hachée pour mes goûts.
Un mot sur l'auteur: Eckhart Tolle a eu une sorte d'illumination quand il avait une trentaine d'années. Il serait passé d'une dépression intense et durable à un état de grande sérénité tout aussi durable. Depuis, il coache les gens pour atteindre plus de sérénité. Je ne sais pas trop quoi penser de lui. Je pense qu'on y verra une personne réellement bienveillante ou quelqu'un de plus ou moins intéressé et stratège selon la vision du monde que l'on a au préalable. Je vous renvoie vers sa page Wikipédia pour en savoir plus.
Globalement, son livre insiste sur une vérité vraie terriblement difficile à prendre en compte: l'instant présent est le seul qui existe et qui compte. Le passé est fini, l'avenir n'existe pas encore. Quand le passé existait, il n'était que présent; quand le futur existera, il ne sera lui aussi que présent. C'est d'une grande évidence mais c'est extrêmement difficile à garder à l'esprit. Tolle explique cela par une sorte de dédoublement du moi. Il y a le vrai moi, qui vit, qui est, et le mental hyperactif qui ne peut exister que dans le passé et le futur et qui passe son entière existence à se faire des films positifs (par exemple l'attente d'un évènement qui changera les choses et apportera le bonheur, comme "quand j'aurai atteint ce poste à responsabilités, on me respectera") ou négatifs (par exemple en angoissant à l'avance sur des scénarios catastrophe créés de toutes pièces).
L'individu s'identifie à son mental (que Tolle appelle aussi ego, mais j'ai oublié quelle nuance il pose exactement entre ego et mental et je ne retrouve pas ce passage au moment de la rédaction de ce billet) plutôt qu'à sa vie, son existence, son MAINTENANT, et passe donc son temps à ignorer qu'il EST.
Par ailleurs, Tolle parle aussi du fait qu'on est parfois tellement identifié à son propre mental et à toute la souffrance qui va avec qu'on ne fait absolument rien pour se débarrasser de cette souffrance. On a beau dire qu'on aimerait être heureux, en fait on cultive son malheur, on se définit par son malheur! Cette remarque m'a vraiment fait réfléchir car je suis une grande experte de l'autodestruction de choses formidables par des choses insignifiantes (exemple: je pleurniche souvent face au "manque de succès" de ce blog auprès de certains amis proches et ça me "prouve" que je n'ai rien fait de ma vie, peu importe si la veille ou une heure avant j'étais sereine voire contente de moi, et j'ai consacré au moins deux ans de ma vie, au cours des dix dernières années, à l'espionnage sur Facebook pour me torturer face à tous les trucs géniaux que les autres font ou ont et que je ne fais ou n'ai pas. Bref, je suis constamment à la recherche de preuves de ma propre nullité) (voilà pour la séance d'épanchement). Je me suis demandé dans quelle mesure je fais exprès de souffrir, probablement dans l'espoir de me faire consoler (mais par qui, je me le demande!) ou de ne pas prendre la responsabilité du bonheur (oui, je vous promets, je crois que j'ai peur d'être quelqu'un d'épanoui dès que je me retrouve seule!).
Revenons-en à Eckhart Tolle. Tout son bouquin consiste à souligner ce dédoublement et à revenir sur l'instant présent, le maintenant. Bien sûr, il ne s'agit pas de ne pas préparer le lendemain, hein. Mais de se concentrer sur le maintenant et de ne pas s'éparpiller. C'est précisément ce que ma prof de yoga nous fait faire en cours: la pratique respiratoire et posturale détend le corps mais ralentit aussi le mental. Les idées viennent mais on devient progressivement capable de les laisser filer, de ne pas s'y accrocher pour récriminer/geindre/angoisser.
Tolle appelle ça la présence ou pleine conscience et c'est, encore une fois, exactement l'objectif du yoga et de la méditation. (Précisons toutefois qu'il y a un lâcher-prise dans l'un comme dans l'autre; il faut supprimer le mot objectif de la pratique et être dans la pratique en toute simplicité...) Ensuite, cette notion de pleine conscience tend un peu vers des considérations mystiques ou spirituelles puisqu'il est question de lien avec la source, au sens de "vie pure que je partage avec tous les êtres vivants et qui me transcende". Rien de sectaire non plus toutefois. Disons aussi que ça m'intéresse moins.
En bref, une lecture vraiment intéressante, même si elle a quelque chose de répétitif (on pourrait résumer le livre en dix pages et tout y serait) et que j'ai repéré quelques raccourcis ou tricheries de raisonnement, comme des "donc" qui à mon avis ne résumaient pas du tout un lien de cause-conséquence. J'en retiendrai surtout les éléments suivants:
- la prise de conscience de l'identification au corps de souffrance;
- la belle question "quel est mon problème maintenant?", à se poser quand on angoisse ou stresse (et à accompagner de la volonté de résoudre ce problème si cela est possible);
- ma volonté de moins récriminer cette année, de ne pas gâcher mon bonheur, aussi modeste puisse-t-il être aux yeux de certains, parce que telle personne a plus d'argent que moi ou voyage plus ou a atteint une reconnaissance qui m'échappe. C'est mon axe de progression pour 2018 disons.
Une parenthèse "tout change" pour finir
Il y a quatre ou cinq ans, la première fois que mon ostéo m'a dit qu'il travaillait sur mes chakras, j'ai pensé en même temps, et avec la même intensité, "mais de quoi il parle?!?" et "ho putain l'ostéo est un illuminé!!". Hier, je suis allée à un atelier de yoga sur les chakras, c'est-à-dire que j'ai pris le temps et l'argent de travailler sur mes chakras. Bon, je reste sceptique sur la notion traditionnelle de chakra, je pense qu'il s'agit plutôt de points musculaires stratégiques que de roues d'énergie vitale, mais vous voyez l'évolution! 😀😀 Peut-être que dans quatre ou cinq ans, j'aurai tellement évolué par rapport à maintenant que ce billet me semblera terriblement simpliste ou drôle...
Titre original: The Power of Now
Traduit de l'anglais par Annie J. Ollivier