vendredi 11 juin 2021

The Horror at Red Hook (1927) + The Call of Cthulhu (1928)

De temps en temps, il est bon de revenir aux sources et de relire des textes fondateurs – soit de la littérature de manière générale, soit de ma petite personne en particulier. Comme ma pile à lire contient fort peu de livres en anglais depuis le début de l'année, je me suis offert le plaisir de relire du Lovecraft...

The Horror at Red Hook (1927)

J'avais déjà lu ce texte il y a plusieurs années, vu qu'il est présent dans un des recueils que j'ai lus, mais je n'en avais aucun souvenir. Je l'ai relu exclusivement pour des raisons politiques, à savoir que la nouvelle la Ballade de Black Tom de Victor Lavalle, publiée par le Bélial' dans la collection Une Heure-lumière, retourne le racisme que Lovecraft exprime ici. (Je n'ai pas lu le texte en question, mais tous les blogueurs qui l'ont chroniqué en ont parlé.) Je voulais voir si c'était vraiment si raciste que ça et si ça justifiait d'en écrire une autre version.

Dans le texte de Lovecraft, on accompagne Thomas F. Malone, un policier new-yorkais qui enquête sur les agissements d'un certain Robert Suydam. Ce dernier n'a pas forcément commis de crime bien identifié, mais il semble toucher à des pratiques occultes fortement douteuses importées d'Europe par des immigrés tout aussi douteux.

The Horror at Red Hook se lit bien et les chapitres mettent en place l'intrigue de manière progressive, avec cette enquête qui touche du bout du doigt des pratiques abominables (enlèvements, messes noires, usage de sang humain...). Hélas, on est un peu dans ce qui fait la limite de Lovecraft: on ne voit pas grand-chose, puisque quiconque VOIT ne veut surtout rien DIRE, donc on reste un peu sur sa faim... Je me suis donc pas étonnée d'avoir complètement oublié ce texte au fil des ans!

Côté racisme, eh bien oui, Lovecraft ne tient pas en haute estime les immigrés du quartier de Red Hook. Quand je disais "des immigrés tout aussi douteux" ci-dessus, ça voulait dire "des gens pas blancs": des noirs, des arabes, des kurdes, des gens de lieux indéfinis en Asie centrale... Ils ont des mines patibulaires et ils adorent le diable. Bon, moi je suis du clan "à l'époque, les trois quarts des gens pensaient ça" (une idée confortée par ma lecture de l'Orda, un bouquin sur l'émigration italienne), donc je ne serais pas allée réécrire le même texte du point de vue d'un noir, mais soit, toutes les raisons sont bonnes pour écrire une lovecrafterie, et je suis maintenant curieuse de voir ce qu'en a fait Victor Lavalle.

The Call of Cthulhu (1928)

Dans la foulée, j'ai relu LE texte le plus célèbre de Lovecraft. J'ai découvert au passage que j'ai dû le lire plus de fois que je ne le pensais, car je retrouvais des souvenirs de lecture assez frais au fur et à mesure, alors que je pensais ne l'avoir lu que deux fois. Bref, pas sûre qu'il y aura une énième relecture à l'avenir.

Cthulhu est super bien construit et c'est, je pense, ce qui fait sa force. On a un narrateur à la première personne, qui nous plonge d'abord dans les papiers de feu son grand-oncle, puis on remonte dans le temps, vingt ans plus tôt, pour découvrir le récit de l'inspecteur Legrasse, puis on lit le récit d'un certain marin qui a "vu des choses"... Ce procédé qui, en soi, a déjà été fait des tas de fois (coucou Maupassant et ton narrateur qui raconte l'histoire d'un autre narrateur qui raconte une histoire!), est super utile ici car il permet de faire deviner les ramifications immenses de ce culte tentaculaire (ah, ah! 🦑🐙), que l'on retrouve aussi bien au cœur du bayou aux États-Unis qu'au Groenland. Plus que les tentacules, c'est la présence insoupçonnée de choses gigantesques pendant des laps de temps complètement différents de l'échelle humaine qui fait tout le sel de Lovecraft. Et de ce point de vue, l'Appel de Cthulhu est juste exemplaire. En plus, il est raconté à la première personne, la première phrase est cultissime et la fin ([divulgâcheur] le narrateur qui annonce qu'il va forcément crever maintenant qu'il A VU [fin du divulgâcheur]) est tout à fait classique chez cet auteur. Bref, si vous devez lire un seul texte de Lovecraft dans votre vie, lisez celui-ci.

Un retour en terres lovecraftiennes fort agréable, en définitive.

8 commentaires:

  1. Je n'ai pas lu la nouvelle originale mais La ballade de Black Tom consiste surtout à retourner complètement le schéma en en faisant un texte qui dénonce le racisme et pas juste raconter l'histoire du point de vue d'un Noir. On peut parler d'ironie, ou de réappropriation (l'auteur étant afro-américain), par exemple, il faudrait lire des interviews de l'auteur pour connaître ses intentions.

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    1. @Tigger Lilly: Je le lirai en tant que lovecrafterie avant tout, mais je suis curieuse de voir cet aspect, tout de même.

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  2. J'ai un pile de Lovecrafteries sen attente, c'est vrai qu'on est rarement déçu avec HPL (même s'il vaut mieux le lire à petites doses pour éviter l'aspect répétitif).
    Pour l'Appel de Cthulhu, la version illustrée par F. Baranger est un must !

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    1. @Xapur: Ouiii je sais! Et elle existe en anglais, tu me l'avais dit quand j'ai commenté ton billet... Il faudrait que je me la fasse offrir!

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  3. Bonjour. Je ne connaissais pas L’Orda,que je vais lire.
    Merci pour la référence.
    Oui les italiens ne doivent pas oublier qu’ils ont été eux mêmes un peuple de migrants à une époque.
    Et ”Gli altri siamo noi”comme le chantait Umberto Tozzi.
    Désolé, ça date un peu comme chanson,mais le message est beau.

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    1. @Anonyme: l'Orda est passionnant! :) Pour ma part, je ne connaissais pas la chanson de Tozzi, je vais l'écouter...

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  4. Je suis plutôt d'accord avec toi pour Lovecraft, il était raciste au possible, mais c'était loin d'être le seul à l'époque ;) Pour ma part j'attends l'intégrale pour relire du Lovecraft !

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    1. @Shaya: Tu parles de la belle édition de Mnémos? Elle est canon!

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