En voiture! Le dix-septième tome des Rougon-Macquart est prêt pour le départ! Embarquez à bord de la Bête humaine et découvrez les pires pulsions meurtrières de l'humanité...
L'intrigue
Roubaud, sous-chef de gare au Havre, pète complètement les plombs en apprenant que sa femme Séverine a été abusée depuis ses quinze ans par un riche bourgeois très influent au sein de la société ferroviaire de l'Ouest, le président Grandmorin. Après avoir roué Séverine de coups, Roubaud l'oblige à écrire à Grandmorin afin d'appâter celui-ci dans le train au bord duquel ils comptent quitter Paris pour rentrer au Havre. Ce même soir, Jacques Lantier erre comme une âme en peine le long de la voie ferrée allant de Paris au Havre, désespéré par les pulsions meurtrières qui s'éveillent en lui dès qu'il approche d'une femme. Et quand un train passe en coup de vent, il aperçoit, un bref instant, un homme qui en égorge un autre.
Meurtre à destination du Havre
Après avoir lu les deux premiers chapitres du roman, le lecteur n'a pas besoin de beaucoup réfléchir pour comprendre que c'est Roubaud qui a égorgé Grandmorin. Ce qui est intéressant, c'est comment la vérité va éclater (ou pas) et comment les personnages vont interagir entre eux. L'enquête est confiée au juge d'instruction Denizet, qui y voit l'opportunité tant attendue de faire évoluer sa carrière. Dès le début, toutefois, Zola nous laisse douter de l'efficacité de ses recherches: le président Grandmorin ayant été un monsieur très influent et ayant eu pas mal d'histoires douteuses avec des mineures, Denizet est prié de trouver le coupable mais surtout de le faire valider par les autorités parisiennes avant de l'arrêter, de peur d'éclabousser toute la bonne société. 🤣
Fatalement, les Roubaud rencontrent Jacques au cours de l'enquête et, même si celui-ci se déclare incapable de donner une description nette du meurtrier, ils ont extrêmement peur qu'il les dénonce. Pour l'amadouer, Roubaud n'hésite pas à envoyer sa femme en émissaire.
Adultère sur toute la ligne
Évidemment, Séverine prend son rôle très à cœur et finit par tomber dans les bras de Jacques, celui-ci étant tombé amoureux en deux temps trois mouvements, bien plus vite qu'elle. Par chance, en effet, il peut la toucher sans avoir envie de la tuer, elle! Ça colle donc parfaitement bien entre eux, d'autant que le ménage Roudaud part totalement en vrille après le meurtre; Roubaud passe son temps à jouer, laissant Séverine libre de vivre sa vie. En plus de celle-ci, il y a deux autres histoires d'adultère dans le roman: Pecqueux, le chauffeur de Jacques à bord de la Lison, a une femme à Paris et une au Havre, que son frère assomme de coups à chaque fois qu'il lui surprend un amant; et une des femmes habitant la gare du Havre espionne une voisine pour découvrir sa liaison. (En vain, héhéhé.)
Nous sommes tous des meurtriers
Mais beaucoup plus que d'adultère, ce roman parle de meurtre. Zola propose une densité de meurtriers assez déroutante. Je pense qu'on a tous plus ou moins envie de tuer quelqu'un à un moment donné dans sa vie, mais là, tout le monde passe à l'acte. Roubaud tue dès le début sous le coup de la colère. Au chapitre 2, Phasie, la tante de Jacques, annonce à son neveu que son mari l'empoisonne à petit feu. Plus loin, on verra d'autres personnes passer à l'acte, mais je ne dis rien pour ne pas vous gâcher votre plaisir... Il y a tout un délire sur la pulsion de meurtre, transmise de génération en génération depuis des temps immémoriaux; c'est cela, la bête humaine que Jacques sent enfler en lui. Il est aussi très intéressant de voir combien les personnages qui veulent tuer se trouvent des excuses pour le faire et s'arrangent exactement comme ils le veulent avec leur conscience. 👀
La Lison
La Bête humaine est très connu en raison des passages ferroviaires et de la Lison, la locomotive que conduisent Jacques et Pecqueux. Il faut attendre un peu, la Lison ne faisant son apparition qu'au chapitre 5, mais ça en vaut la peine! Tous les passages sur les trains et les gares sont très beaux et, évidemment, bien documentés. Il faut aussi citer toute la personnification de la Lison, qui, loin d'être une simple machine, a une véritable âme et est sans cesse comparée à une femme ou bien à un cheval, à tel point qu'elle a droit à une scène d'agonie pratiquement émouvante lors d'un accident ferroviaire spectaculaire.
Une ironie mordante
Comme d'habitude, Zola ne fait pas dans le monochrome et ne se contente pas de causer meurtre et trains; il glisse aussi beaucoup d'ironie dans ses pages, notamment grâce au chapitre 11, un immense foutage de gueule du juge d'instruction Denizet, qui a monté tout un échafaudage de pure logique pour inculper le meurtrier de Grandmorin... et qui a tout faux!! C'est juste beau.
Une fin à toute vapeur
Les deux ou trois dernières pages m'ont semblé particulièrement spectaculaires, avec un train fou qui traverse les gares et la campagne en traînant derrière lui des soldats qui ne se doutent de rien. Une image inoubliable de la folie de la guerre qui engloutira le Second Empire...
Allez donc voir ailleurs si cette bête y est!
L'avis de Tigger Lilly, ma camarade de relecture
Même si elle est un peu cachée (par les fleurs ou par le bandeau rouge, au choix), elle a l'air bien sympa la couverture de ta version.
RépondreSupprimerJe n'avais pas tilté en lisant l'article de Tigger Lilly, mais c'est presque un épisode de Columbo finalement, avec la connaissance du tueur dès le début mais qui n'entame pas la qualité de l'intrigue pour autant. (Oui, bon, "presque" hein)
Haha figure-toi que ça m'avait traversé l'esprit XD Un Columbo où l'inspecteur serait nul et à côté de la plaque. Ca pourrait être rigolo XD
Supprimer@Baroona et Tigger Lilly: Lol, j'adore cette comparaison avec Colombo!!! :D
Supprimer@Baroona: Je ne réalise que maintenant qu'on ne voit pas la locomotive sur cette photo, en fait... 😆 Cette édition est très sympa. Collection Classiques universels chez L'Aventurine. J'aimerais bien en acheter d'occasion.
Elle est super cette chronique, chère camarade de relecture ^^
RépondreSupprimerJ'avoue que ce chapitre avec Denizet était à mourir de rire. On ne souligne pas assez l'humour de Zola je trouve.
@Tigger Lilly: Merci 😃 Tout à fait, on ne souligne pas assez l'humour de Zola, comme chez Arthur C. Clarke!
SupprimerHaha, comme quoi même avec Zola on peut s'accommoder de sa conscience pour commettre des meurtres ;)
RépondreSupprimer@Shaya: Lé déni est intemporel 😜
SupprimerC'est un de mes Zola préférés, quelle ambiance!
RépondreSupprimer@Grominou: Oui, il est remarquable!!
SupprimerÇa a encore l'air d'être une lecture charmante (comme toujours 🤣)
RépondreSupprimer@Vert: Mais il y a des trains. Des trains à vapeur, même. Alors, ça a aussi un côté bucolique... Le temps d'antan... 😄
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