Dans ce récit à la première personne, Alice Zeniter met en scène une jeune femme française d’origine algérienne qui accepte d’épouser son meilleur ami, qui est malien, afin qu’il puisse, à terme, obtenir la nationalité française.
J’ai été très surprise en découvrant le sujet. Le premier
chapitre, que j’ai lu bien avant d’attaquer le roman, parle plutôt de la
génération de la narratrice, Alice ("Je suis de la génération qui vivra
plus mal que ses parents, je suis de la génération qui n’est pas née avec
Internet mais a grandi avec lui…"). En fait, toutes ces pensées lui
viennent en tête alors qu’elle approche de la mairie, le grand jour. Le roman retrace
sa vie depuis la maternelle, notamment grâce à sa relation avec son meilleur
ami et au rôle tenu par le racisme, de près ou de loin.
Le style ne m’a pas toujours convaincue à 100%. On est dans
la tête de la narratrice, avec un langage qui va très vite, empli de virgules
plutôt que de points et très "jeune", ce qui ne rend pas toujours
bien à l’écrit, à mon avis. Mais le résultat est quand même là. Après trois
semaines de galère lecturesque, où j’ai même galéré à lire Becky Chambers alors
que j’adore cette autrice et où j’ai abandonné coup sur coup deux romans que
j’avais pourtant hâte de lire, j’ai été prise tout de suite et j’ai lu quasiment
tout le livre en l’espace de deux ou trois heures dans les transports en commun.
Il fait moins de 200 pages, certes, mais parfois je traîne 200 pages pendant
une semaine, alors c’est la preuve que c’était efficace!
Je me suis beaucoup retrouvée dans le parcours de la
narratrice. Par que j’aie contracté un mariage blanc ou que j’aie été victime
de racisme, mais on respire ici un enthousiasme et une impétuosité d’adolescent
et de jeune adulte phénoménales, qui m’ont rappelé mes propres jeunes années,
et ce sous un jour plus positif que d’habitude. Il y a une espèce de mouvement
en avant impossible à endiguer. Et des amitiés super fortes. C’est vraiment
beau. Alice et son meilleur ami, Mad, se connaissent depuis la maternelle et
partagent tout, c’est dingue et c’est beau! Quand il a besoin d’elle, il est
évident qu’elle accepte. Je ne dis pas que les mariages blancs sont une chose
bonne ou souhaitable dans l’absolu, mais, ici, ça semble la chose à faire, même
si c’est risqué et complètement insensé. Un vrai hommage à l’amitié!
L’autre fil rouge, c’est évidemment le racisme, dont souffre
Mad en raison de sa peau noire et qui marquera aussi toute la vie d’Alice: elle
n’est pas visée, elle, mais son père est algérien ou d’origine algérienne et
elle a donc, elle aussi, un rapport avec un pays autre que la France. Et cela
joue. À l’adolescence, elle s’approprie cette "algéritude" volontairement, presque artificiellement, et ces origines ressortent
lorsqu’elle annonce cette histoire de mariage à ses parents. Mais elle a la
nationalité française et a toujours vécu en France, alors ce n’est pas prégnant
comme pour Mad…
La narratrice ayant juste un an de moins que moi (comme
l’autrice), beaucoup d’évènements qui ont marqué ses jeunes années ont aussi
marqué les miennes, comme les attentats du 11-Septembre et l’arrivée de Jean-Marie
Le Pen au second tour des présidentielles de 2002 (j’étais en Première durant
l’année scolaire 2001-2002, je vous raconte pas la prise de conscience
politique…). Ce roman m’a aussi fait redécouvrir des éléments de la deuxième
moitié des années 2010 que j’avais oubliés, tels que:
- le fichier EDVIGE,
- Brice Hortefeux, 🙃
- le ministère de l’Immigration et de l’IDENTITÉ NATIONALE. 🤮🤮🤮🤮🤮🤮🤮🤮🤮🤮
Bon. Franchement, je n’avais pas besoin de me souvenir de
tout ça. Mais cette décennie-là éclaire quand même vachement bien la décennie
suivante. 🙄
À un moment, Mad explose contre le personnel administratif
de la Préfecture où il se rend pour son titre de séjour; tous les employés
seraient odieux, méprisants et déterminés à le faire tourner en bourrique.
C’est peut-être la seule fausse note du bouquin, un côté "tout le monde
il est méchant". Mais qui sait, je donnerai peut-être raison à Mad dans
un avenir pas si lointain, vu que je suis censée m’atteler au grand chantier
d’obtention de la nationalité française dans l’idée de voter aux
présidentielles de 2027. On me traitera peut-être comme une crotte de
Méditerranéenne et je me dirai que Mad n’avait pas tort, en fait. 💩👀
Bref, une belle lecture pleine de souvenirs et de belles relations humaines. Merci, Shaya!
Vous avez eu un Ministère de l'Immigration ? O_O
RépondreSupprimerBah alors c'est marrant je ne savais pas que tu n'avais pas la nationalité française, ou alors j'ai oublié. Tu vas avoir la double nationalité du coup ? En tout cas ça m'intéresse qu'on en parle à l'occasion. Non pas que je veuille moi même sauter le pas (j'ai vraiment un bloquage peut être en discutant avec toi, je me rendrai compte que c'est idiot) mais je suis très curieuse.
@Tigger Lilly: Oui, de 2007 à 2010, visiblement (dixit Wiki). (Je précise que je me souviens qu'il a existé, hein, enfin je m'en souviens maintenant que ce bouquin me l'a rappelé, mais j'aurais été bien en panne de dire quand il avait disparu.) Enfin, j'aimerais te dire que Sarkozy a eu, mais bon, c'était dans sa campagne et il a été élu, donc, bon. La France a eu...
SupprimerOuiii tout à fait ok pour en parler, car tu fais partie des gens que je veux interroger, en fait. Après on parlera du sérum pour la peau pour se changer les idées. 🤣
That's a deal 🤣
Supprimer@Tigger Lilly: 👍👍 Cette liste de sujets qui ne casse de s'allonger!!
Supprimer"Franchement, je n’avais pas besoin de me souvenir de tout ça" : ça symbolise peut-être un peu le problème d'ailleurs, qu'on ne s'en souvienne pas ou que ça soit devenu une chose presque normale.
RépondreSupprimerJ'ai perdu mon pari, je m'attendais à un "Pourquoi j'ai lu ce livre ? Parce que j'ai écouté le Bookmakers avec l'autrice". 😄
@Baroona: OH MES DIEUX ELLE EST PASSÉE DANS BOOKMAKERS!?!?!?!?! Mais j'avais pas fait le rapprochement!!!!!! Je suis complètement 🤯🤯🤯 C'est celle qui a écrit un bouquin qui se passe en Algérie? Celle que le présentateur a interrogée sur le fait qu'elle n'a pas d'enfant? Ohlàlà je me lève du canapé et je télécharge les podcasts pour les réécouter!!!!!!
Supprimer@Baroona: Après avoir fouillé dans mon appli de podcast À ma décharge, elle est passée tout au début, donc il y a plus de deux ans, donc ça fait longtemps, donc je comprends mieux que j'aie oublié son nom. 😊 Merci de ce rappel. 🙏
SupprimerC'est l'une des rares que j'ai écouté, vu que c'était au début et que j'ai honteusement lâché assez vite, d'où le fait que je m'en souvienne. Enfin, que je me souvienne de son nom, parce qu'à part ça... 😅
Supprimer@Baroona: Ah mince, je croyais que tu écoutais encore. Je pense toujours à toi quand de nouveaux épisodes arrivent. Qu'est-ce qui t'a fait décrocher?
Supprimer"Enfin, que je me souvienne de son nom, parce qu'à part ça..." --> Bein, c'est déjà plus que moi 😊
C'est long et il y a déjà tellement à écouter. Bon, en vrai ce n'est pas si long si on ramène au nombre d'épisodes... mais il faut faire des choix, il y a tellement à écouter, ça ça reste toujours juste. 😄
Supprimer@Baroona: Je comprends. On a tous le même problème, même quand on apprécie la qualité de l'offre disponible... ^^
SupprimerMais de rien ! J'avais adoré aussi ce roman à l'époque, il est important je trouve au final, même si je devrais le relire.
RépondreSupprimer@Shaya: Entretemps, j'ai réécouté l'interview de l'autrice dans Bookmakers: elle n'y parle que de L'art de perdre et pas de ce livre-ci, mais c'est super intéressant!
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