J'ai découvert Cavanna il y a quelques années grâce à son œuvre la plus connue, Les Ritals, dans laquelle il décrit son enfance dans la banlieue est de Paris, plus précisément dans un "trou à Ritals", pendant les années trente. C'est un livre qui, s'il était traduisible (j'ignore s'il en existe une version italienne), devrait être lu par absolument tous les Italiens, facilement enclins à montrer du doigt les immigrés africains et asiatiques qui viennent violer et tuer chercher du travail en Italie; il serait bon qu'ils sachent que, il n'y a pas si longtemps que ça, les maçons et les ouvriers ritals allaient envahir la France, détruire la culture française et tout ravager sur leur passage...
Dans Les Russkoffs, Cavanna reprend son récit en 1943, lorsqu'il part réaliser son STO en Allemagne, en banlieue de Berlin. Il est tout d'abord affecté dans une usine dans laquelle travaillent également des prisonnières russes, d'où le titre du livre. Cependant, comme il est très lent dans son travail aux machines, il est transféré avec d'autres ouvriers particulièrement inefficaces dans une équipe chargée de réaliser un travail peu ragoûtant: fouiller dans les ruines des immeubles de Berlin, bombardée par les Alliés, pour retrouver les possessions des habitants et dégager d'éventuels rescapés ou des cadavres.
C'est là que se trouve, à mes yeux, un des points forts de ce livre: on voit à la fois la fin de la guerre à travers les yeux des vainqueurs (Cavanna et ses camarades sont de facto des prisonniers du Reich et sont donc plutôt du côté des Alliés, même si Cavanna est un peu à part, comme je le dirai plus loin) et des vaincus (nous sommes à Berlin et nous assistons aux souffrances de la population civile allemande et des dernières loques de la Wermacht). Les rares fois où j'en ai eu l'occasion, j'ai trouvé extrêmement instructif (bien que franchement révoltant et déprimant) de voir le point de vue "d'en face" dans un récit de guerre (je pense à À l'Ouest rien de nouveau d'Erich Maria Remarque et à un livre allemand de Heinrich Gerlach, que j'ai lu en anglais sous le titre The Forsaken Army et dont je reparlerai prochainement).
Le deuxième point fort de ce livre, c'est la manière très particulière dont écrit Cavanna. C'est un style très direct, incisif, plein d'énergie, de rage et d'envie de vivre à la fois. Cavanna est hors de lui, tout le révolte, il en veut aux cons du monde entier (le mot con est le véritable leitmotiv du livre), il en veut autant aux Alliés qui bombardent une ville exsangue qu'aux S.S. qui obligent les dernières recrues de la Wermarcht à affronter les Russes pendant qu'ils se réfugient discrètement du côté des Américains. Il crie après tout le monde et dit ce qu'il a à dire sans mâcher ses mots. En même temps, c'est un jeune homme très pacifique et pacifiste, un peu naïf parfois (c'est lui qui le dit)...
Comme j'ai du mal à cerner précisément ce que j'ai ressenti en le lisant, je vous propose un des extraits m'ayant le plus marquée et illustrant bien cette manière d'allier la rage à la compassion et à l'humanité.
Contexte: Au fur et à mesure que l'armée allemande recule face aux Alliés, l'approvisionnement de Berlin se fait plus difficile et la population commence à souffrir des privations que le reste de l'Europe éprouve depuis des années.
J'ai lu toute la série, des Ritals à Maria, quand j'étais ado. J'avais bien aimé.
RépondreSupprimerHo trop bien ! :) Maria, c'est sur Maria la Russe de l'usine berlinoise justement ?
RépondreSupprimerSi je ne dis pas de bêtises, oui. Le souvenir est nébuleux. Si tu lis la suite, je viendrai lire tes chroniques pour me rappeler.
RépondreSupprimerOk. Je pense que je vais creuser un peu Cavanna cette année, ça me permettra d'avoir le fin mot de l'histoire...
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