William Somerset Maugham est un écrivain britannique que j'ai découvert par hasard et de manière mystérieuse: l'Homme est arrivé un jour chez moi avec un vieux poche abîmé, The Moon and Sixpence, en me disant qu'il me le donnait de la part de ses parents. Je n'avais jamais entendu parler de cet auteur et de ce titre et je n'ai pas compris comment ce livre en anglais pouvait sortir de chez les parents de l'Homme, qui ne lisent pas en anglais. Mais je l'ai lu, et j'ai beaucoup, beaucoup aimé...
Il en est de même pour ce Fil du rasoir, qui, s'il n'est pas entré dans ma vie en catimini vu que je l'ai très délibérément emprunté en médiathèque, a su me séduire sans que je ne sache comment au juste. Je pense que c'est une question de style et de contenu, enfin plutôt de sous-contenu glissé entre les lignes...
Très franchement, Larry est l'archétype du jeune rêveur idéaliste, à la fois perdu et parfaitement sûr de lui, ou plutôt de son bon droit. Sur la fin, ses considérations théologiques ont même failli me perdre. Mais je me suis sentie vraiment très proche de lui et sa recherche un peu enfantine de quelque chose qui lui donnerait l'impression d'être là pour une bonne raison.
Pas vraiment d'intrigue, donc. Et pourtant, le livre est efficace dès les premières lignes. Parce que le ton est clair et recherché. Parce que le narrateur analyse avec subtilité les caractères des personnes qu'il fréquente et que c'est fascinant de rencontrer, à travers lui, des gens complexes. Parce qu'il a des éclairs de lucidité triste et qu'une petite phrase apparemment anodine réussit à transmettre un abîme de tristesse. Parce qu'il nous promène dans plusieurs pays et dans des cercles aisés où se côtoient des gens de plusieurs nationalités, et que j'aime voir des Français, des Anglais et des Américains se retrouver autour d'un verre de vin à Paris. Parce qu'il fait revivre à la fois une atmosphère d'années folles après la guerre et un monde perdu où les lords ne fréquentent que des princesses italiennes et des nobles polonais. Parce que Larry vit dans un Paris estudiantin et intellectuel que je n'ai jamais fréquenté et que j'aime respirer dans les livres, un peu comme dans un Guide triste de Paris... Et parce qu'il y a aussi de l'humour: on n'éclate pas de rire, mais l'humour est bien là, et parfois il est bien triste, lui aussi.
J'ai aussi beaucoup aimé un des personnages secondaires, Suzanne. Cette Française pose nue pour les jeunes artistes peintres du Quartier Latin et vit plus ou moins une existence de prostituée: elle s'attache pendant quelque mois ou années à un peintre dont elle partage le lit en échange du couvert. C'est une vraie battante et un des personnages les plus authentiques du livre.
"And I remember after a battle seeing a pile of dead French soldiers heaped upon one another. They looked like the marionettes in a bankrupt puppet show that had been cast pell-mell into a dusty corner because they were of no use any more. I thought then just what Larry said to you: the dead look so awfully dead."
Vous noterez ici l'utilisation de l'expression "pell-mell", qui m'a fait découvrir que le français "pèle-mêle" était passé en anglais à mon insu... La linguiste que je suis en bondit intérieurement de joie depuis quinze jours. :)
Du même, je te recommande Of Human Bondage roman d'initiation en partie autobiographique que j'avais beaucoup aimé malgré quelques longueurs au début.
RépondreSupprimerJe note! C'est sûr que je vais continuer avec cet auteur! :)
SupprimerC'est ce que j'aime en venant te lire : je suis sure de faire de nouvelles découvertes, à chaque visite <3 Je note !
RépondreSupprimerMerci Bouchon, c'est très gentil et ça me fait plaisir! C'est toujours mon espoir de partager des découvertes!
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