Lire Dumas, c'est toujours un plaisir, mais Le Comte de Monte-Cristo m'a semblé (encore) au-dessus de ses autres romans: (encore) plus long, plus dense, plus complexe, plus dur, (encore) plus prenant...
En 1815, Edmond Dantès, un honnête jeune marin promis à un bel avenir, est de retour à Marseille après un long voyage en mer. Il y retrouve son vieux père et son amoureuse Mercédès. Il n'a que quelques commissions à effectuer avant de se fiancer et de toucher au bonheur. Mais l'une de ses commissions va entraîner sa chute, puisqu'il est dénoncé pour complot bonapartiste à cause d'une lettre qu'il ramène de l'île d'Elbe, où est exilé Napoléon. Enfermé au château d'If malgré son innocence, il va croupir au cachot pendant quatorze longues années, avant d'en sortir miraculeusement pour se venger...
Le Comte de Monte-Cristo, c'est le romanesque par excellence. Voyez plutôt tout ce qu'on peut y trouver:
- un complot;
- un cachot humide et sombre à souhait;
- une évasion;
- un trésor;
- une vengeance;
- des brigands;
- un amour impossible entre deux personnes de classes sociales différentes;
- du poison;
- des passages secrets;
- des identités secrètes.
Avec tout ça, il y aurait déjà de quoi ne pas s'ennuyer tout au long des 1150 pages de mon édition (1450 pour l'édition de poche Folio). Mais ce n'est pas tout. Il faut ajouter des personnages très différents et très bien campés, le petit humour parfois assassin caractéristique de Dumas, et surtout une densité d'intrigue assez déroutante. Dumas ouvrait encore des sous-intrigues et faisait intervenir de nouveaux personnages page 800, ce qui est assez hallucinant quand on sait que tout est lié dans ce bouquin. Les personnages se croisent et se recroisent, leurs actions ayant une influence durable sur les vies de tous les autres.
(La page Wiki du roman propose un schéma de ces relations qui donne un peu le vertige.)
Cette densité pourrait être difficile à suivre si ce n'était pour les petites astuces dumaesques pour rédiger le plus de lignes possible, vu que monsieur était payé à la ligne: quand on retrouve un personnage, Dumas nous rappelle ce qu'il faisait la dernière fois qu'on l'a vu. C'est de la tricherie et c'est peut-être un peu infantilisant, mais c'est bien pratique. Et c'est fait avec le style enlevé et finement drôle de Dumas, donc c'est jouissif.
Malgré cet humour permanent, Monte-Cristo n'est pas un roman très gai. L'effondrement de la vie d'Edmond au moment précis où il touche au bonheur fait réfléchir et met mal à l'aise. Quant à sa vengeance implacable et terrible, complètement démesurée, aux ramifications interminables et horriblement précises, elle est tout simplement angoissante. J'ai eu profondément pitié de ses victimes en voyant l'engrenage se refermer pour les broyer sans qu'elles ne se doutent de rien.
J'avais déjà éprouvé de l'angoisse dans Les trois mousquetaires à cause des agissement de Milady emprisonnée, et la fin violente de La Reine Margot et le bain de sang de La Dame de Monsoreau m'avaient confirmé que Dumas était très fort du côté sombre du roman aussi. Ce roman-ci n'est vraiment pas en reste.
Je regretterai seulement une certaine accélération des évènements sur la fin. Les tout derniers chapitres sont un tout petit peu trop rapides et une ou deux intrigues sont un peu laissées de côté. Mais cela n'a aucunement gâché le plaisir de cette lecture absolument excellente.
Ha, comme toujours chez Dumas, l'invraisemblance atteint des sommets; mais on le sait et on vit ça bien! :)
En bref: un très grand Roman et LE livre de Dumas à lire s'il ne fallait en lire qu'un... C'est vraiment le genre de livre qui vous occupe l'esprit du matin au soir, même quand vous ne lisez pas, et que vous regrettez un peu d'avoir fini... parce qu'il vous manque!
PS: L'exemplaire en photo est l'édition Fabbri proposée à l'achat en kiosque en 2003, que j'ai trouvée à 5€ au Facteur Cheval de Versailles. J'adore.
PS: L'exemplaire en photo est l'édition Fabbri proposée à l'achat en kiosque en 2003, que j'ai trouvée à 5€ au Facteur Cheval de Versailles. J'adore.