Presque un an (hm hm!!) après l’avoir reçu en cadeau, ma lecture de l’immense pavé The History of Middle-Earth a enfin commencé avec The Book of Lost Tales, part 1.
Avant de vous dire plus précisément ce que j’en ai pensé, je voudrais repréciser quelques petites choses sur cette œuvre. Vous, lecteurs que je connais dans la vraie vie ou via les blogs, savez certainement que Le Hobbit, publié en 1937, et Le Seigneur des Anneaux, publié en 1954-1955, sont les deux seuls romans connus publiés par Tolkien de son vivant. [Je précise "connus" car ses autres œuvres, à l’exception peut-être de Tom Bombadil, n’ont pas du tout eu le même retentissement et la même influence et que je vais donc les ignorer dans cette chronique.]
Le Silmarilion, qui forme avec les deux premiers la "trilogie Tolkien" que le commun des mortels lit généralement, est une œuvre posthume, publiée en 1977, soit quatre ans après sa mort, grâce au travail de son fils Christopher Tolkien et de Guy Gavriel Kay, qui ont trié ses nombreux écrits pour en former le roman qu’il rêvait de publier un jour. Inévitablement, l’auteur étant décédé, ils ont dû faire des choix et privilégier certaines pistes au détriment d’autres. Quand les notes de Tolkien himself indiquaient quelle version d’un récit il souhaitait conserver, ils ont pu respecter ses choix. Dans le cas contraire, une part d’arbitraire est entrée en jeu.
Dans ce contexte, qu’est-ce que The History of Middle-Earth?
Et bien, c’est tout le reste: les essais, les notes, les versions et les histoires que Tolkien a laissés derrière lui à sa mort et qui n’ont pas trouvé leur place dans Le Simarilion.
Autant vous dire qu’il ne faut pas s’y attaquer en croyant lire un roman, ni même un roman dense comme Le Silmarilion; il s’agit vraiment d’un travail de recherche présentant parfois plusieurs versions d’un même passage. Chaque chapitre est précédé et suivi des explications de Christopher Tolkien, qui explique sur quel type de support son père a écrit, en quelle année et en quel lieu, en quoi cette version est différente de celle du Silmarilion, en quoi tel élément est en contradiction avec un autre, quel détail est intéressant pour montrer le cheminement de son père, quel nom est une variante de tel autre, etc etc.
Je précise tout cela pour vous mettre en garde. Car j’avais beau le savoir, le choc a été rude! C’est bien la première fois que Tolkien est tellement tolkienesque que ma lecture en devient difficile.
Le Livre des contes perdus I se compose de dix chapitres et fait un peu moins de 300 pages dans mon édition. Dans le premier, Eriol, un homme, réussit à parvenir à Tol Eressëa, une île au large des terres des dieux où se trouve notamment Valinor. Il y rencontre des elfes qui lui racontent l’histoire de la création du monde. Ce livre suit donc le même chemin que Le Silmarilion: Iluvatar crée le monde, les Valar descendent sur la Terre, Melko (le futur Melkor Morgoth) commence à semer le trouble, les elfes apparaissent en Terre-du-Milieu puis rejoignent Valinor, et ainsi de suite jusqu’au réveil des hommes.
Je dois vraiment dire que découvrir encore plus de richesse au monde de Tolkien est passionnant. Ses autres livres m’ont toujours laissée bouche bée, mais on prend encore plus conscience ici de la quantité de travail que cet homme a abattue. Dès les années dix, il rédige des poèmes et des bouts de récit en plus de son travail et ne s’attaque à rien de moins qu’à la création du monde! C’est vraiment extraordinaire et mon admiration pour lui n’en a que redoublé. (L’énième coup porté aux miettes de mon égo d’adolescente qui voulait devenir écrivain, en revanche, m’a fait du mal, je dois le dire.)
En revanche, ce qui a rendu cette lecture si difficile, c’est le style ultra archaïsant. Tous ces "Know then that" et ces "but" qui ne signifient jamais "mais" et ces "thou" et "hast" à gogo, et ces phrases interminables sur les prémonitions des uns et des autres ont bien failli me faire abandonner. Sans compter que lire quatre versions d’affilée d’un même texte dont Tolkien n’a changé qu’environ un quart est une mission à même de décourager les plus braves.
Un exemple : "When their woes are now at the blackest and scarce any look for return of any joy again, behold winter unfurls her banners again and marches slowly south clad in ice with spears of frost and lashes of hail." Techniquement, cette image de l’hiver est très cruelle et très belle. Mais j’ai dû lire la phrase deux fois pour la comprendre et quand le problème se présente un paragraphe sur deux, on peut dire que la lecture est laborieuse.
J’ai donc mis un gros mois à lire ce livre, dont je lisais un chapitre de temps en temps et dont j’ai ignoré totalement l’annexe présentant l’étymologie de tous les noms propres utilisés. Sachez néanmoins que "there can be no doubt that the original meaning of Ilúvatar was ‘Sky-father’", et avouez que cette information primordiale va révolutionner votre journée et que vous m'en remercierez longtemps, lol.
Je crains que le prochain volume, Le Livre des contes perdus II, ne soit tout aussi difficile, les écrits concernés remontant tout aussi loin dans le temps. Il est amusant de penser que Tolkien, dans sa jeunesse, écrivait de manière encore plus archaïque que dans ses écrits les plus célèbres! Mais l’adepte que je suis ne reculera devant rien et j’en viendrai bien à bout. Rendez-vous dans deux ou trois mois pour la suite!