J’ai rencontré Kameron Hurley avec The Stars Are Legion, un
roman de space opera que j’ai adoré il y a quelques mois. Au même moment, on
m’a aussi offert ce recueil, qui réunit des articles que l’autrice a publiés
sur son blog et des textes écrits spécifiquement pour l’ouvrage. Contrairement
à ce que le titre semble indiquer, elle n’y parle pas que de féminisme. Tour
d’horizon.
Cette partie parle de l’écriture (de jeux, de romans et de
marketing) et est assez générale.
Deuxième partie: Geek
Là, on entre dans le vif du sujet: dix à quinze textes
abordant essentiellement la vision de la femme dans la SF et certains médias.
Ça commence fort mal avec la première saison de True Detective, qui se fait
étriller, et à juste titre – je n’en ai pas parlé dans ma chronique del’époque, et évidemment je le regrette, mais la vision de la femme est navrante
dans cette saison. Toutefois, je ne suis pas d’accord avec Kameron Hurley, qui affirme
que cette série est misogyne et ne remet pas en cause le comportement de ses
personnages; je crois, moi, que Martin est montré pour le connard qu’il
est.
Elle parle aussi de Die Hard (et j’espère retenir l’image de
la pin up même si je n’ai jamais vu ce film!) et de Mad Max Fury Road (en
bien!). J’ai oublié les détails des autres textes car ils ne sont pas
centrés sur une œuvre en particulier.
Cette partie me semble plus axée sur la manière de se positionner vis-à-vis de ses propres écrits et du public. Il y a par exemple un article sur le fait de répondre (ou pas) aux critiques en ligne. Elle parle aussi du fait qu’elle est grosse et du système de santé américain (un cauchemar dystopique!).
Quatrième partie: Revolution
Cette partie parle de racisme et de progrès face aux réactionnaires et se termine par "We Have Always Fought", un texte qui a gagné le Hugo du "Best Related Work" en 2014. C’est ce dernier texte qui justifie le lama en couverture. Je n’en pouvais plus de l’attendre, ce lama. 🙈
Tout ça est très intéressant et se lit tout seul, mais,
globalement, j’ai été déçue et je n’en ai pas retenu grand-chose de marquant.
Je vous explique pourquoi.
Sur le style: Kameron Hurley sait très bien construire
ses billets, avec phrases accrocheuses et anecdotes personnelles. Ça m’a
immédiatement gavée. J’ai eu l’impression qu’elle faisait du marketing sur moi,
vous voyez ? Et la manière dont elle parle de ses lectures et de ses
propres écrits me semble relever de la fausse modestie: une sorte de
name-dropping personnel pour montrer qu’on est vraiment génial mais sans le
dire parce qu’on est tellement génial qu’on ne se vante pas, hein.
Sur le contenu: je crois que ce recueil a déjà
vieilli. Dans la postface, l’autrice qualifie son recueil de "fairly
timely" (l’enfer à traduire: ça veut dire qu’il sort au bon moment,
qu'il est dans l'air du temps) et explique qu’il a fallu travailler vite. Six ans plus tard, on a
énormément parlé de féminisme et les choses me semblent déjà avoir évolué. En
tout cas, moi, je n’ai pas appris grand-chose de nouveau en le lisant, à part
le coup de la pin up et l’image de la fille dont on n’a pas peur en couverture
de beaucoup de bit-lit (chose que j’avais déjà identifiée, mais sans mettre de
mots précis dessus). J’ai tardé quatre ou cinq jours à écrire cette chronique
et je n’ai AUCUN souvenir de la moitié des textes en lisant le sommaire… 🙄
Un exemple de cette temporalité: Kameron Hurley parle
beaucoup du mouvement des Sad Puppies, ce qui est logique vu que c’était
l’époque, mais maintenant, en 2022, qui s’occupe encore des Sad Puppies? J’ai
l’impression que Internet et les réseaux sociaux ont accéléré la
polémique: ça flambe pendant un temps, tout le monde tweete furieusement
pour ou contre, et puis après on oublie parce qu’on tweete furieusement sur
autre chose. Paradoxalement, je me suis plus sentie impliquée dans Ainsi
soit-elle de Benoîte Groult, qui a été publié… il y a quarante-cinq ans.
J’ai aussi émis quelques réserves sur certaines questions, que je m’abstiens d’aborder ici car elles sont très explosives. Je
suis ouverte à la conversation en privé si ça vous intéresse.
Au final, à qui est destiné ce recueil? Je ne sais pas trop. Mon côté négatif me pousse à croire que l’autrice s’adresse soit à des gens acquis à sa cause, anti-domination masculine notamment, voire militants, qui la conforteront dans ses positions et la féliciteront de s'exprimer, ou bien à des débutants complets, qui pourront, effectivement, en apprendre beaucoup sur une certaine image de la femme. Si on est entre les deux, comme je crois l’être, l’ensemble est terne et sent l'autosatisfaction. Si vous l’avez lu, je serais vraiment ravie de lire votre avis: n’hésitez pas à laisser un commentaire! 😊
"C’est ce dernier texte qui justifie le lama en couverture" : à aucun moment je ne me suis dit qu'il n'était pas là par hasard - ça fait beaucoup de négations tout ça 🤔 - mais quelle joie du coup ! C'est un bon texte au moins ?
RépondreSupprimer"Et la manière dont elle parle de ses lectures et de ses propres écrits me semble relever de la fausse modestie" : parce que si elle était sincère, elle l'exprimereit forcément autrement selon toi ? Elle ne pourrait pas le dire ainsi ?
@Baroona: Alors je ne suis pas sûre d'avoir compris tes multiples négations, mais je suis ravie que tu aies éprouvé de la joie au final!! 😃😃 Hmm, moi j'ai été assez déçue par ce texte. Elle évoque des lamas guerriers imaginaires pour expliquer que si on te montre toujours quelque chose d'une certaine manière, tu y crois. Bon. Je crois bien avoir cerné le problème de la représentativité en général, mais elle ne m'a pas du tout convaincue de son propos en l'espèce. D'ailleurs, j'ai oublié ce qu'elle y raconte, à part qu'il y a eu jusqu'à 30% de femmes dans jenesaisplus quelle armée ou groupe d'insurgés de jenesaisplus quel pays d'Afrique...
SupprimerTu me poses une énorme colle avec ta question. Je n'en sais rien. Ou plutôt: je ne sais pas comment elle aurait pu exprimer les mêmes exemples sans me donner cette impression. Tu crois que j'ai un horrible biais sexiste qui me pousse à considérer comme manquant de modestie une *femme* qui cite son oeuvre en exemple? 😶 Bon, dans une tout autre proportion, imagine Damasio qui parle de son œuvre. Tu sens que le gars s'estime génial, quoi. Kameron Hurley est à 10% seulement de Damasio, hein, mais c'est ce genre de ressenti. Pourtant, ni l'un ni l'autre ne te dit en face: "mon œuvre est géniale"...
@Baroona: Bon. J'ai relu We Have Always Thought. En fait, je crois qu'il est mal nommé – ou, en tout cas, que le titre me pousse à en attendre autre chose. C'est vraiment une histoire de représentativité et de responsabilité individuelle du créateur dans ce qu'il donne à voir dans son œuvre. D'ailleurs, je la rejoins totalement sur ce point.
SupprimerMoi j'avais été plutôt convaincue par son billet avec les lamas à l'époque (je l'avais lu après ma lecture des étoiles sont légions). En l'occurrence je trouve ça bien de taper sur le clou parce qu'à force de répéter les choses elles rentrent dans le cerveau des gens (sinon la publicité n'existerait pas). Après libre à chacun de choisir ses lectures pour être confronté à quelque chose de plus "level up".
RépondreSupprimerBref, je te trouve un peu dure XD mais bon j'ai pas lu le livre, juste un des articles et je suis acquise à la cause du féminisme (pas juste à la sienne hein, c'est la cause d'un grand nombre de femmes voire d'hommes).
@Tigger Lilly: Ouais, je me suis trouvée dure aussi, cette semaine, ça m'a turlupinée dans mon sommeil. Quand je lis du politique, je devrais sortir ma chronique trois mois après ma lecture, ça m'aiderait peut-être à n'avoir l'impression ni que je me censure, ni que je suis réactionnaire... 😄😄
SupprimerJe ne connaissais pas ce recueil, merci pour la découverte. C'est vrai qu'à force de se renseigner sur ces sujets, on peut avoir l'impression de toujours relire la même chose.
RépondreSupprimer@Shaya: Oui, il y a un peu de ça. Bon, j'espère que je ne serai pas déçue le jour où je m'attaquerai à de Beauvoir. ^^
SupprimerJe trouve très intéressant ce que tu dis sur les livres dans l'air du temps. Au boulot ça m'arrive souvent d'acheter des livres pour cette raison et des fois deux ans après je les regarde et je dois me retenir de les pilonner direct (quand c'est pas dès que je les traite 🤣)
RépondreSupprimer@Vert: La question se pose d'autant plus sur les livres que tu commandes, je pense. Le pire du pire, c'est les trucs d'actualité politique... 😂
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