Reuben Golding, journaliste âgé de 23 ans, visite une superbe vieille maison californienne en bord de mer en compagnie de la propriétaire, Marchent Nideck. Complètement subjugué par la maison, Reuben, qui devait seulement écrire un article sur cette maison afin d'en faciliter la vente, décide de l'acheter lui-même. Comme prévu, il reste dîner et dormir sur place... et couche avec Marchent, une femme plus âgée fascinée par ce jeune homme rêveur un peu poète.
Au cours de la nuit, deux individus entrent dans la maison, tuent Marchent à coups de couteaux et blessent Reuben. Mais quelque chose, peut-être un gros chien, les tue à son tour et mord Reuben, qui ne comprend pas bien ce qu'il se passe vu qu'il est en train de se vider de son sang par terre, dans le noir.
Le journaliste se réveille ensuite à l'hôpital, où il découvre: 1/ que Marchent, durant sa dernière heure de vie, lui a légué la maison et tout ce qu'elle contient; 2/ que ses blessures guérissent incroyablement rapidement; 3/ que ses analyses de sang sont très bizarres et perturbent tout le corps médical; et 4/ qu'il entend incroyablement bien tout ce qu'il se passe dans l'hôpital.
Vous l'aurez compris, Anne Rice s'attaque ici au personnage du loup-garou. Mais, malheureusement, elle le fait sans réelle originalité et sans (me semble-t-il) apporter quelque chose de nouveau au mythe, et en accordant, en plus, ce Don du Loup à un personnage principal particulièrement fade. D'ailleurs, les seuls personnages intéressants du livre entrent en scène 70 pages avant la fin, ce qui nous oblige à passer 330 pages seuls avec Reuben, ses pulsions de loup et son besoin incontrôlable de découper les criminels en morceaux...
Déjà, le coup de Marchent qui lègue sa maison à un parfait inconnu, j'ai trouvé ça gros. Mais le loup-garou qui sent la cruauté humaine comme une odeur et sauve les pauvres victimes, ça m'a carrément gavée. Et la rapidité avec laquelle les deux personnages féminins (Marchent et Laura) tombent dans les bras de Reuben m'a consternée: si j'apprécie en temps normal qu'Anne Rice accorde une véritable vie sexuelle à ses personnages féminins, j'ai trouvé ici les scènes de sexe amenées maladroitement, avec un manque de scénario digne des films X, et en même temps bien trop chastes, puisqu'elles ne sont aucunement décrites après le baiser de début. Une alliance étrange entre les actions de ces gens qui couchent ensemble à chaque chapitre et un récit qui ne veut pas décrire l'acte sexuel.
En outre, tout le monde sanglote sans qu'on ne comprenne bien pourquoi, l'intrigue n'avance pas (même s'il y a beaucoup d'action vu que Reuben décapite des méchants toutes les nuits), les personnages secondaires ne sont pas très crédibles et les questionnements moraux du héros ne sont qu'un pâle reflet simplifié à l'extrême des dilemmes de Louis dans Entretien. D'ailleurs, exactement comme Louis, Reuben a un frère prêtre.
En revanche, je dois dire que le premier chapitre a quelque chose de très savoureux, la maison où se passe l'intrigue correspondant parfaitement à mes fantasmes immobiliers: architecture ancienne, air abandonné, personnalité marquée, vieux meubles patinés, bibliothèque débordant de manuscrits et de livres en tout genre, trésors archéologiques accumulés au fil des années... Le rêve! ♥
Mais où est passée la plume riche et "luxuriante" d'Anne Rice? Où est passée la sensualité langoureuse qui se dégageait discrètement de ses personnages? Où sont passées la diversité, la profondeur et la subtilité de leurs émotions? Où est passé tout ce qui fait que depuis quatorze ans que j'ai lu Entretien, je guette encore Louis et Armand dans Paris...? Même Lestat, que je n'aime guère, était un personnage intéressant et bien construit. À côté, Reuben n'est qu'insupportable et fade... :(