Le Liseur ayant d'abord été pour moi un film, The Reader, j'ai forcément été influencée par la version cinématographique lorsque je l'ai lu. Cette relecture, plusieurs années plus tard, en porte certainement aussi la trace, mais elle m'a semblé plus autonome; certaines scènes du film, que j'avais trouvées après-coup extrêmement fidèles au livre, me restaient en tête, mais je me souvenais moins des détails de l'intrigue.
L'intrigue à proprement parler est relativement limitée car ce n'est pas l'action qui compte ici. À quinze ans, un jeune garçon allemand des années cinquante rencontre et devient l'amant d'une femme plus âgée, Hannah, qui disparaît mystérieusement du jour au lendemain. Profondément marquée par cette première relation amoureuse et sexuelle, sa vie sera encore plus influencée par Hannah lorsqu'il la retrouvera par hasard des années plus tard durant un procès sur lequel il travaille pendant ses études.
Le Liseur est un livre vraiment très fin et très juste parce que Bernard Schlink y aborde de nombreux thèmes difficiles avec beaucoup de pudeur et de tact, mais sans perdre en lucidité. C'est-à-dire qu'il ne diminue pas la peine et la cruauté que certaines choses infligent. Mais il travaille vraiment en nuances de gris et jamais dans le noir ou le blanc. Parfois le gris n'est guère encourageant... Parfois il est un peu plus serein. Dans tous les cas, c'est le gris qui est là et c'est avec lui qu'il faut composer.
J'ai été particulièrement marquée par la notion de culpabilité soulignée par le narrateur, qui insiste vraiment sur la différence entre la culpabilité des actes et celle des pensées. "J'avais eu la conviction que c'était moi qui la faisais partir parce que je l'avais trahie et reniée [...]. À vrai dire, qu'elle ne fût pas partie à cause de moi n'empêchait pas que je l'avais trahie. Je restais donc coupable." Si triste et si vrai... Cette notion-là est aussi traitée de manière plus globale au niveau de l'Allemagne tout entière et surtout de la génération née juste après la Seconde Guerre mondiale, qui côtoyait forcément ceux qui avaient vécu/fait/subi/soutenu l'Allemagne nazie. Bernard Schlink n'a aucune réponse à fournir, ni même des questions précises à poser, mais il parle du ressenti de cette génération, de ses tentatives de régler symboliquement certains comptes et de combien cela est impossible.
La discussion entre le narrateur et son père m'a aussi beaucoup touchée. C'est une impasse qui en ressort mais une impasse qu'il faut accepter avec tristesse...
Je ne sais pas trop comment formuler cela, mais j'ai lu en grande partie ce livre dans un train qui m'emmenait en week-end et dans les dernières minutes avant l'entrée en gare, après l'avoir fini, j'ai beaucoup réfléchi à ce que j'avais lu, à ce que j'allais faire, au destin si triste d'Hannah et à toutes les erreurs que nous commettons même quand nous essayons vraiment de faire au mieux...
"Pourquoi ce qui était beau nous paraît-il rétrospectivement détérioré parce que cela dissimulait de vilaines vérités? [...] Parce qu'on ne saurait être heureux dans une situation pareille? Mais on était heureux!"
Le détail que je ne veux pas oublier: j'ai relu ce livre cet été pour trois raisons concomitantes: Grominou l'a lu et chroniqué début juin, ce qui me l'a remis en tête; depuis fin juin, je lis petit à petit La Destruction des Juifs d'Europe; et en juillet j'ai lu Jézabel d'Irène Nemirovsky, dans lequel une autre femme se tient à la barre pour défendre le secret sur lequel est construite sa vie. Un nouvel exemple de l'enchaînement imprévisible et parfois fortuné des évènements.
Prochaine étape: revoir le film.
Le Liseur est un livre vraiment très fin et très juste parce que Bernard Schlink y aborde de nombreux thèmes difficiles avec beaucoup de pudeur et de tact, mais sans perdre en lucidité. C'est-à-dire qu'il ne diminue pas la peine et la cruauté que certaines choses infligent. Mais il travaille vraiment en nuances de gris et jamais dans le noir ou le blanc. Parfois le gris n'est guère encourageant... Parfois il est un peu plus serein. Dans tous les cas, c'est le gris qui est là et c'est avec lui qu'il faut composer.
J'ai été particulièrement marquée par la notion de culpabilité soulignée par le narrateur, qui insiste vraiment sur la différence entre la culpabilité des actes et celle des pensées. "J'avais eu la conviction que c'était moi qui la faisais partir parce que je l'avais trahie et reniée [...]. À vrai dire, qu'elle ne fût pas partie à cause de moi n'empêchait pas que je l'avais trahie. Je restais donc coupable." Si triste et si vrai... Cette notion-là est aussi traitée de manière plus globale au niveau de l'Allemagne tout entière et surtout de la génération née juste après la Seconde Guerre mondiale, qui côtoyait forcément ceux qui avaient vécu/fait/subi/soutenu l'Allemagne nazie. Bernard Schlink n'a aucune réponse à fournir, ni même des questions précises à poser, mais il parle du ressenti de cette génération, de ses tentatives de régler symboliquement certains comptes et de combien cela est impossible.
La discussion entre le narrateur et son père m'a aussi beaucoup touchée. C'est une impasse qui en ressort mais une impasse qu'il faut accepter avec tristesse...
Je ne sais pas trop comment formuler cela, mais j'ai lu en grande partie ce livre dans un train qui m'emmenait en week-end et dans les dernières minutes avant l'entrée en gare, après l'avoir fini, j'ai beaucoup réfléchi à ce que j'avais lu, à ce que j'allais faire, au destin si triste d'Hannah et à toutes les erreurs que nous commettons même quand nous essayons vraiment de faire au mieux...
"Pourquoi ce qui était beau nous paraît-il rétrospectivement détérioré parce que cela dissimulait de vilaines vérités? [...] Parce qu'on ne saurait être heureux dans une situation pareille? Mais on était heureux!"
Le détail que je ne veux pas oublier: j'ai relu ce livre cet été pour trois raisons concomitantes: Grominou l'a lu et chroniqué début juin, ce qui me l'a remis en tête; depuis fin juin, je lis petit à petit La Destruction des Juifs d'Europe; et en juillet j'ai lu Jézabel d'Irène Nemirovsky, dans lequel une autre femme se tient à la barre pour défendre le secret sur lequel est construite sa vie. Un nouvel exemple de l'enchaînement imprévisible et parfois fortuné des évènements.
Prochaine étape: revoir le film.