Angela's Ashes (Les Cendres d'Angela) de Franck McCourt a végété quasiment deux ans dans ma pile à lire. Je rechignais un peu à m'y mettre parce que je n'aime pas les histoires de petits garçons (ou d'enfants en général)... Mais une fois que je l'ai pris en main, je l'ai dévoré! 😁
Dans ce roman autobiographique, Franck McCourt raconte son enfance et son adolescence en Irlande, plus précisément à Limerick. S'il est né aux États-Unis, à New-York, de parents irlandais, sa famille n'a pas tardé à revenir dans son pays d'origine à cause du chômage engendré par la crise de 1929. Mais la situation économique de la toute jeune République d'Irlande n'était guère plus favorable et ce récit est donc celui de la misère: faim, alcoolisme, la maladie, insalubrité, promiscuité, ignorance, tout y est et rappelle Germinal et En finir avec Eddy Bellegueule...
C'est donc une lecture sans concessions, au cours de laquelle j'ai eu une envie permanente d'étrangler les parents du jeune Frankie. Autant je suis consciente qu'il est très difficile de sortir de ce type de misère, autant ils semblaient tout faire pour y rester, notamment le père alcoolique qui perdait systématiquement son travail après trois semaines parce qu'il buvait sa paye le vendredi soir (à l'époque, les employés étaient payés chaque semaine) et manquait des jours de travail pendant qu'il cuvait (et que la mère devait faire la queue à l'assistance publique pour obtenir de quoi nourrir ses enfants, hein, parce que quand il n'y a pas de salaire et qu'on n'a qu'une miche de pain à la maison pour nourrir quatre, cinq ou six personnes pendant une semaine, comment on fait? 😭). Un détail particulièrement triste: les bébés nourris au biberon d'eau sucrée parce qu'il n'y a rien d'autre à leur donner... 😢😢😢
Et pourtant, c'est une lecture passionnante, pleine de rythme et d'entrain, parce que Frank McCourt a rendu à la fois sa façon de penser à l'époque et le parler particulier des classes irlandaises pauvres. Un cocktail étonnant, qui m'a fatiguée à de maintes reprises parce qu'il est un peu indigeste pendant 450 pages (ce qui me laisse penser que je ne lirai pas les deux autres romans de l'auteur), mais qui fait néanmoins de ce bouquin une plongée incroyable au cœur de l'Irlande et une expérience de lecture très particulière.
"The master, Mr. Benson, is very old. He roars and spits all over us every day. The boys in the front row hope he has no diseases for it's the spit that carries all the diseases and he might be spreading consumption right and left."
"Dad says a factory is no place for a woman. Mam says, Sitting on your arse by the fire is no place for a man." 😂
Ces passages ne sont pas les plus représentatifs de ce parler si particulier (malheureusement, je n'ai rien noté pendant la lecture), mais croyez-moi, c'est vraiment ce style qui rend cette lecture si prenante et, malgré les thèmes abordés, pas du tout angoissante, voire au contraire assez gaie. Le regard de l'enfant sur les adultes est assez drôle et rend le tout assez léger. Même l'éternelle rengaine des Irlandais contre les Britanniques ("and look what they did to us for eight hundred years!") en devient drôle!
En bref, un livre à découvrir et une lecture obligée si on s'intéresse un tant soit peu à l'Irlande (la vraie, pas celle de la vision romantique de l'office du tourisme...). Et une dernière chose: Frank McCourt a publié ce livre, son premier roman, à 66 ans. Comme quoi on peut passer à l'acte et devenir écrivain à tout âge...
Allez donc voir ailleurs si ces cendres y sont!