En 2020, j’ai lu avec grand intérêt deux essais de Mona
Chollet: Sorcières. La puissance invaincue des femmes et Chez soi. Une odyssée de l’espace domestique. Malgré quelques réserves, j’ai été très
convaincue et j’ai donc acheté son ouvrage suivant. Et là, il était grand temps
que je le sorte de la pile à lire, car la dame en a publié encore un autre – qu’il
faut absolument que je lise, vu qu’il parle de la relation à l’image et que je
suis une amatrice d’Instagram. 🤩
Réinventer l'amour est découpé en quatre parties, dans lesquelles
Mona Chollet analyse la représentation de la femme en position d’infériorité
dans les relations amoureuses, les violences conjugales, la (prétendue)
dépendance de la femme à l’amour et l’aspect érotique, notamment à travers le
fantasme.
Très franchement, je crois que ce bouquin est un sans-faute;
je n’ai même pas retrouvé les petits bémols que j’avais soulevés lors de mes
lectures précédentes. C’est clair, précis, documenté, argumenté, et le tout sur
un sujet, l’amour, qui est par essence totalement inclassable, indéfinissable
et difficilement argumentable.
Mona Chollet part de sa vision de l’amour, qui
est pour elle central dans sa vie, et décortique avec précision la manière
terriblement différente dans la manière dont sont éduqués les garçons et les
filles; comme elle le dit, tout est fait, en gros, pour que ces deux
genres ne puissent absolument pas se comprendre, puis on leur impose le couple
hétéro. Comment peut-on être heureux quand madame assimile dès l’enfance
qu’elle doit être petite, douce et aimante pour qu’un homme justifie son
existence par son amour et que monsieur assimile dès l’enfance que l’amour est
un truc de nazes et qu’un vrai mec, ça s’en fout qu’une femme refuse un baiser?
Cette vision caricaturale, que je crois tout de même en perte de vitesse en
Occident, me secoue beaucoup car j’y retrouve de nombreux éléments que j’ai
constatés dans le comportement des gens autour de moi et dans le mien propre.
Le chapitre sur les violences conjugales l’illustre tout particulièrement bien.
(Pour la petite histoire, j’ai lu ce chapitre dans un train
de banlieue, le dernier à partir de Paris, à minuit passée. Nous étions
nombreux dans le train, mais pas dans ma ville, où j’ai quelques minutes de
marche pour rejoindre mon appartement. Dans les rues désertes, en pleine nuit,
je me suis, plus que jamais, imaginée découpée en morceaux. 👀)
Le propos est toutefois bien plus large que cela. Mona
Chollet aborde même le sujet de ses fantasmes sexuels, "fondé[s] sur
la culture du viol". Pas facile, à mon avis, d’admettre qu’on
a pu rêver de relations sexuelles non pas forcées au sens strict du terme, mais
chahutées. L’interprétation qu’elle en propose, bien que totalement
invérifiable, a même quelque chose de réconfortant.
(Pour ma part, quand
j’étais en primaire, j’ai joué plus d’une fois au viol avec une amie [ou
plusieurs?]. On trouvait l’idée d’être violée extraordinaire. Moi, j’étais
l’impopulaire, donc j’étais chargée de jouer le mec, le mauvais rôle. Mais mon
amie J., qui essayait de s’enfuir, avait le beau rôle. Susciter le désir d’un
mec au point qu’il vous pourchasse, c’était une espèce de Graal. J’aurais adoré
être à sa place. 🤔)
(J'ai beaucoup hésité à laisser ce paragraphe, mais je décide de le publier malgré la honte profonde que ce souvenir suscite en moi. Si vous avez pratiqué ce genre de "jeu", venez en parler, on pourra peut-être dédramatiser ensemble... 😜)
Cet essai m’a aussi fait repenser au film Moulin Rouge!, que
j’avais revu deux ou trois semaines plus tôt et qui m’a avait interpellée dans
la manière dont le comportement abject de Christian, joué par Ewan McGregor,
envers Satine, jouée par Nicole Kidman, n’est pas du tout remis en question
parce que le mec est JALOUX, comme si cela justifiait n’importe quelle violence
(majoritairement psychologique, puisque Christian humilie Satine devant un
théâtre bondé, mais tout de même aussi un peu physique, puisqu’il la poursuit
en coulisses en essayant de la retenir par la force).
Bref, voilà, c'était très bien. Franchement flippant, en fait, mais très bien, et plein de pistes de réflexion. Maintenant, je n’ai plus qu’à acheter D'images et
d'eau fraîche pour trouver des pistes d’analyse de ma relation à Instagram!! 🤩