Au Ve siècle, en Domnonée, un royaume situé dans l'actuel Pays de Galles, l'inquiétude monte face à l'avancée des Saxons, qui conquièrent l'Angleterre en venant de l'est. Le roi Cador et ses trois filles, Riva, Keyne et Sinne, vivent encore dans la paix et une relative prospérité, mais le mauvais temps laisse présager de maigres récoltes et la guerre gronde à l'horizon.
Riva, l'aînée, souffre de terribles blessures à la main et au pied, qu'elle a subies dans un incendie durant son enfance, et désespère d'avoir une vie normale un jour. Qui voudra d'une fille ainsi abîmée? Quel destin pourra-t-elle avoir, si elle ne se marie pas? Ironie du sort, elle qui peut soigner les autres grâce à la magie est incapable de soigner ses propres blessures.
Keyne se pose autant de questions et a autant de mal à trouver sa place, mais pour des raisons différentes: elle sent, depuis toujours, qu'elle n'est pas une femme, contrairement à ce que tout le monde lui dit. Mais porter des vêtements d'homme n'est pas bien vu. Alors, se comporter comme un homme...
Enfin, Sinne, la plus jeune, rêve d'évasion, d'amour et d'aventure.
Les chapitres adoptent tour à tour le point de vue de chaque soeur, construisant ainsi leur quotidien et les événements plus importants qui se mettent en place. Outre la menace saxonne, leur peuple traverse une période de changement religieux: le prêtre chrétien Gildas, proche de leur mère, a une influence grandissante et détourne le roi des anciens dieux et de l'ancienne magie, ce que les sœurs voient avec horreur. Keyne, notamment, a une forte connexion à la terre et voit bien que le roi, qui pouvait autrefois commander aux éléments, a perdu de son pouvoir depuis qu'il n'accomplit plus les anciens rites.
Deux personnages vont également jouer un rôle important: Myrdhim, le druide qui revient après un temps d'absence, et Tristan, le représentant d'un royaume voisin.
Ce roman de Lucy Holland a traîné six mois dans ma pile à lire pour diverses raisons, entre autres parce que je l'avais identifié comme du young adult à cause de la couverture et parce qu'il est rédigé au présent. Je déteste la rédaction au présent. Je n'ai jamais aimé ça, mais depuis que j'en ai traduit, JE DÉTESTE. La rédaction au présent est un argument fort pour ne pas lire un livre. En plus, j'ai feuilleté les premières pages et vu que le prêtre chrétien était un affreux obscurantiste, un cliché avec lequel j'ai du mal depuis que je me suis rendu compte que c'est, justement, un cliché.
Et puis...
... J'ai commencé à lire et je suis rentrée dedans, et je me suis rendu compte que j'aimais. Je me suis rendu compte que j'avais hyper envie de retrouver Riva, Keyne et Sinne d'un jour sur l'autre – j'aime un peu moins Riva par rapport à ses sœurs, en fait, mais même elle, j'ai adoré la lire.
En toute objectivité, Sistersong n'est pas exempt de défauts: une certaine révélation scénaristique ([divulgâcheur] la véritable identité de Tristan [fin du divulgâcheur]) était facile à deviner; le prêtre, qui est toujours là pour faire chier son monde pendant la première moitié du roman, disparaît soudain durant des événements pourtant majeurs, à tel point que je me suis demandée si je n'avais pas raté quelque chose le concernant; et la rédaction suit la structure "bout de dialogue – commentaire sur le personnage qui bouge les mains, lève les yeux au ciel, change de position, de ton ou d'expression – bout de dialogue – etc.", qui est très répétitive et pauvre (et que je hais presque autant que la rédaction au présent depuis que j'en traduis).
Et pourtant, j'ai adoré, donc. Cette rédaction au présent que j'appréhendais tant passe plutôt bien quand il s'agit d'être près des sentiments et réflexions des trois personnages (même sil e passé l'aurait permis tout aussi bien, évidemment), personnages qu'on apprend vite à aimer avec toutes leurs faiblesses et défauts, et dont les enjeux sont bien différents bien qu'elles vivent dans le même contexte. Myrdhim est formidable de classe et de savoir ancestral, et sa magie est très intéressante – bien qu'un peu trop patator une fois que la jeune Keyne, pourtant totalement inexpérimentée, commence à la manier.
Enfin, le roman repose sur une vieille chanson populaire anglaise et la réinterprète de manière littérale dans un développement affreux de carnage et de tristesse, ce que j'ai trouvé brillant. Sérieux, j'aimerais bien être comme Lucy Holland et avoir ce genre d'idée en écoutant une vieille chanson. Je ne vous dis pas laquelle c'est, car je me suis divulgâchée l'intrigue en allant voir de quoi il s'agissait... 👀
Franchement, j'ai trouvé Sistersong super, au final; j'ai passé un excellent moment, et il m'a même donné envie d'écrire des vers, chose que je trouve ultrafrustrante et que j'aurais plutôt tendance à éviter. Je me réjouis de pouvoir dire tout ça à la personne qui me l'a offert, car je m'attendais vraiment à trouver ça naze et que j'étais gênée pour elle qu'elle m'ait offert un truc naze. 😊😊
"il m'a même donné envie d'écrire des vers" : des vers au présent ? 😇
RépondreSupprimerDeux questions : Young Adult ou pas Young Aduit au final ? Les "deadly sins", c'est juste une accroche de couverture ou ça implique quelque chose ?
@Baroona: Des vers partiellement au présent. 👀 Mais seulement partiellement. Il y avait aussi du passé composé. Faut pas déconner!
SupprimerOui, je pense que ça rentre dans le young adult, je pense. Et l'accroche est trompeuse!! Il y a effectivement un crime, voire deux, mais il n'a rien d'un péché mortel...
Ce livre ne m'intéresse pas du tout, par contre ton rejet initial et puis le twist "nan mais en fait c'est bien" a un petit côté storytelling très efficace XD
RépondreSupprimer@Tigger Lilly: Génial!! 😊 Merci!!
SupprimerPas trop tentée non plus, mais c'est vrai que ce retournement de situation est marrant à voir. Tu sais s'il est traduit en français ?
RépondreSupprimer@Shaya: Non, il n'existe pas en français – ou alors, Decitre n'en connaît pas l'existence, ce qui serait quand même bizarre. ^^ Je vais essayer de le proposer à des éditeurs. :)
Supprimer"Je me réjouis de pouvoir dire tout ça à la personne qui me l'a offert, car je m'attendais vraiment à trouver ça naze et que j'étais gênée pour elle qu'elle m'ait offert un truc naze."
RépondreSupprimerOuf, pour une fois ce n'est pas moi !!
@Xapur: Hihihi! Elle a eu plus de chances cette fois-ci, cela dit: son cadeau précédent était, hélas, naze. https://catsbooksrock.blogspot.com/2022/01/vampires-never-get-old-tales-with-fresh.html
Supprimer"Ce roman de Lucy Holland a traîné six mois dans ma pile à lire" : ce n'est pas tant que ça, en tous cas selon mes standards 😅
RépondreSupprimer"sa magie est très intéressante – bien qu'un peu trop patator" : hein ?! 😂
@Ksidra: Oui c'est pas faux, et j'ai moi-même des bouquins qui attendent depuis des années – mais ma pal fait dix bouquins, alors chacun d'entre eux est très visible et m'appelle à grands cris.
SupprimerJe te remercie pour ta question sur "patator". Je me suis demandée si c'était une invention de mon homme et UN UNIVERS TOUT ENTIER S'EST OUVERT DEVANT MES YEUX AVEUGLÉS PAR TANT D'INCROYABILITÉ: https://fr.wikipedia.org/wiki/Patator
Bref, j'utilise ça comme synonyme de "balèze". 😂
" Je me réjouis de pouvoir dire tout ça à la personne qui me l'a offert, car je m'attendais vraiment à trouver ça naze et que j'étais gênée pour elle qu'elle m'ait offert un truc naze"
RépondreSupprimerC'est marrant je me rappelle avoir vécu la même chose quand on m'a prêté La passe-miroir, je craignais tellement le pire en l'ouvrant ce livre 🤣
En tout cas ça a l'air intéressant ce roman.
@Vert: Ah, la Passe-miroir, quel bonheur!!! 😍
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