Pour ouvrir ce billet, une perplexité: je ne sais plus où je suis tombée sur ce bouquin. Une boîte à livres, je crois. Les livres d'occasion sont tellement omniprésents, maintenant, que je confonds totalement leurs lieux d'origine.

Bon. La Mare au diable de George Sand. J'adore ce titre, que je trouve très évocateur, et j'ai un vague intérêt pour cette autrice au nom d'homme, que j'ai, justement, prise pour un homme pendant des années, si ce n'est des décennies. Il y a deux ans, la visite de l'exposition Héroïnes romantiques du Musée de la vie romantique l'a aussi vaguement placée sur mon radar, car l'exposition permanente présente des objets lui ayant appartenu.
(Quand je dis "vaguement", c'est que je me suis dit "tiens, ce serait bien que je la lise", comme je me le dis tous les jours à propos de tas de gens différents, en sachant d'avance que je n'y arriverai jamais.)
La Mare au Diable est un court roman champêtre. Le titre évoque quelque chose de ténébreux, mais ce n'est pas du tout le cas. L'histoire est celle de Germain, un laboureur du Berry, qui va à la ville voisine pour rencontrer une veuve. Lui-même est veuf depuis deux ans, et son beau-père, chez qui il vit, lui a expliqué qu'il serait temps qu'il se remarie. Et, justement, il y a cette veuve plutôt fortunée et de bonne réputation dans la ville d'à côté. D'ailleurs, le beau-père a déjà discuté avec le père de la veuve, et Germain a toutes ses chances. Alors, Germain, un brave garçon sérieux, décide d'aller la rencontrer, même s'il n'est pas vraiment remis de la mort de sa femme, qu'il adorait.
Pour ce petit voyage, il emmène aussi Marie, une jeune fille du village, qui va aller travailler dans un autre village. Et, sur la route, ils sont rejoints par Petit-Pierre, le fils aîné de Germain, qui est très curieux de rencontrer sa peut-être future maman. Malheureusement, ils se perdent dans la forêt et sont contraints de passer la nuit à la bonne étoile, ce qui permet à Germain de mieux connaître Marie. Et, bien sûr, il se rend compte que Marie est non seulement charmante et jolie, mais aussi très sérieuse et travailleuse, et pleine de bon sens.
À part une scène durant laquelle j'ai cru que Germain allait purement et simplement sauter sur Marie et la violer (mais ouf, non!), j'ai beaucoup apprécié ce roman pour une raison simple: les personnages sont gentils. Germain est gentil. Il est gentil avec tout le monde. Il est droit dans ses bottes; il travaille dur sans se plaindre; il fait son devoir. Marie est gentille. Elle est gentille avec tout le monde. Elle est droite dans ses bottes; elle travaille dur sans se plaindre; elle fait son devoir; et elle est très perspicace pour son jeune âge. Petit-Pierre est gentil. Il est aussi espiègle, mais il a sept ans, donc ça peut passer, et ça ne change rien au fait qu'il est gentil. Et il s'occupe déjà un peu d'aiguillonner les bœufs pendant que son père laboure, donc on peut presque dire qu'il est travailleur.
Moi, j'aime bien les gens gentils et travailleurs dans la vraie vie, alors ça m'a fait grand-plaisir de passer quelques heures de lecture avec ces personnages. Le roman est bien daté dans son contexte et sa vision du monde – à commencer par le chapitre durant lequel le beau-père de Germain lui parle de la veuve pouvant faire une épouse intéressante: c'est un mariage arrangé de A à Z entre gens qui ne se connaissent même pas –, mais c'est champêtre et désuet de manière positive. Ça donnerait presque envie de vivre dans ce Berry agricole où tout le monde est content de son lot, franchement. Les annexes décrivent avec force détails les festivités entourant une noce, ce qui en fait presque un document anthropologique sur les mœurs du peuple berrichon au XIXe siècle... ^^ Et puis le climat n'était pas encore flingué à l'époque, ce qui semble fortement enviable.
Bon, il y a aussi un enfant de sept ans qui commence à travailler aux champs, et une fille de seize ans qui finit avec un homme de vingt-huit, ce qui provoque un léger frémissement de la part du lecteur moderne. Mais je vous assure que ça semble parfaitement naturel et charmant, dans son contexte.
Voilà. Ce n'est pas non plus une lecture ultramarquante, et George Sand n'est pas non plus devenue ma nouvelle prosatrice préférée, mais ce roman est sans aucun doute original et plaisant. C'est un peu La Terre de Zola, mais sans le point de vue zolien, quoi. 🤣🤣🤣
Et le titre, alors? Eh bien, il y a vraiment une mare au diable dans l'histoire, comme le révèle une vieille femme rencontrée dans la forêt. Je ne suis pas sûre que cela justifie de nommer le roman ainsi ("Le Laboureur" aurait été plus juste), mais elle est bien là.