J'ai rencontré Siri Hustvedt il y a trois ans, avec Un été sans les hommes. Ce livre m'a beaucoup touchée, à tel point que je l'ai depuis offert à deux amies (voire trois). Mais Élégie pour un Américain ne m'avait pas plu du tout. Cette fois-ci, j'ai apprécié ma lecture, mais je n'ai pas tout compris...
Un monde flamboyant est le portrait d'une artiste new-yorkaise méconnue, Harriet Burden. Les témoignages de diverses personnes l'ayant connue alternent avec des extraits de ses carnets de notes et dressent le portrait d'une femme intelligente et cultivée, terriblement frustrée par son statut de "femme de". En effet, c'est son époux marchant d'art qui attirait les regards. Harriet n'a jamais obtenu la reconnaissance artistique qu'elle estimait mériter, de par la présence de son époux et une certaine misogynie ambiante dans le monde de l'art. Une fois veuve, elle tente donc une nouvelle expérience: exposer ses réalisations en les faisant passer pour celles de trois autres artistes. Trois hommes.
Ce postulat de départ était très attrayant. Et je dois dire que Siri Hustvedt traite le sujet avec beaucoup de subtilité et de lucidité, en pointant du doigt ces petites attitudes paternalistes si présentes et si difficiles à combattre. La frustration d'Harriet est justifiée. La construction du livre est aussi pertinente; les récits se recoupent ou se contredisent et donnent vraiment envie d'explorer la psychée du personnage. En outre, Siri
Hustvedt analyse certains sentiments avec une très grande finesse.
Beaucoup de passages m'ont parlé et les dernières pages m'ont plongée
dans une détresse émotionnelle réelle. Et le style, très élégant et érudit, est vraiment de qualité. La traductrice, Christine Le Bœuf, a fait un excellent travail.
Mais ce roman est tellement érudit que j'ai été puissamment larguée. Vous savez ce que c'est, vous, "la philosophie du moi et la dynamique de la perception"? Vous savez qui est Warburg? Vous connaissez en détail la pensée de Kirkegaard et Hegel?
Je ne suis pas du tout réfractaire à la complexité. Au contraire, je reproche à la plupart des productions cinématographiques d'aujourd'hui de prendre le spectateur pour un retardé mental qu'il ne faut surtout pas épuiser en lui demandant de réfléchir un tant soit peu. Mais ici l'accumulation de références obscures m'a semblé excessive. Une pose, en quelque sorte. Une manière de montrer que notre artiste (et notre auteure?) est vraiment très très cultivée et au-dessus du commun des mortels. Une véritable a-r-t-i-s-t-e.
En outre, ce milieu new-yorkais très aisé, sujet à toutes sortes de névroses, dont tous les habitants sont très malheureux et se font psychanalyser, ne m'attire guère et ne me parle pas. J'ai parfois eu envie de secouer les personnages ou de les envoyer travailler à la plonge d'un restaurant quelques jours pour qu'ils comprennent un peu ce qu'est vraiment la vie.
Du coup, le livre m'a paru long. Mais je veux vraiment souligner qu'il présente un intérêt certain. Siri Hustvedt a clairement quelque chose à dire sur la situation de la femme et celle de l'artiste en général. Est-ce qu'elle se retrouve dans le parcours d'Harriet, qui veut "être comprise" à travers son art et qui souffre au plus profond d'elle-même de l'indifférence avec laquelle ses créations sont reçues? D'une manière générale, quel lecteur peut ne pas se retrouver dans ce besoin impérieux et profond de communiquer avec ses semblables?
Au fond, ne sommes-nous pas tous, comme Harriet, un peu écartelés entre des tendances contradictoires qui vont tout à tour vers le génie et le défaitisme? Est-ce que tout le monde n'a pas quelques bouts du cerveau qui travaillent exclusivement à son auto-destruction? (Chez moi, c'est 10%, comme les 10% consacrés à la paranoïa.)
Un livre qui pose beaucoup de questions, donc, mais à lire en sachant qu'il présente une érudition encyclopédique difficile à appréhender pour le commun des mortels.
Chat ! Elle a l'air perplexe...
RépondreSupprimerPeut-être qu'elle n'a pas bien compris le livre, elle non plus... XD
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