Depuis que sa mère a été dévorée par des rats géants dans une autre station du métro moscovite, Artyom vit à la station VDNKh avec son père adoptif. Une existence rude, à la lueur rouge des éclairages de sécurité et face à une menace mystérieuse venue de la station suivante: les Noirs, des créatures humanoïdes qui rendent les humains fous de terreur. Après avoir avoué qu’il craint d’être responsable de ce fléau à cause d’une escapade à la surface réalisée quand il était enfant, Artyom accepte la mission qui lui est confiée par un ami de son père: rejoindre Polis, un ensemble de stations où perdure le savoir humain, afin de sonner l’alarme quant à ce danger qui menace non seulement VDNKh mais le métro tout entier. Il part ainsi vers le sud et le centre de Moscou, le long de tunnels abandonnés et pleins de dangers.
J’ai tellement aimé Métro 2033 de Dmitri Glukhovsky que je ne sais pas trop comment vous en parler.
Je ne suis pas fan de post-apo. Le genre de m’attire pas,
donc je ne le lis pas, donc je le connais mal. Je ne sais donc pas comment ce
roman s’insère dans cette production. Mais je l’ai trouvé brillant.
Pendant 850 pages, on suit Artyom dans les couloirs du
métro. Dans le noir. Les éclairages n’existent plus que dans les stations même. Et encore: dans les stations les plus pauvres, on ne dispose que de quelques
maigres feux. Entre deux stations, on se contente de sa lampe torche ou de son
projecteur si on est bien équipé. Le danger est partout et multiple. Des
canalisations brisées dont s’écoule un gaz qui rend fou, des disparitions
inexpliquées, des mutants, des hallucinations, des bandits, des expéditions
armées venant des autres stations… Chaque pas peut vous faire frôler la mort. Ce n’est
pas effrayant, ça n’empêche pas le lecteur de dormir la nuit, mais c’est super
prenant. Et ça tient sur la durée. Artyom passe la moitié de ces 850 pages dans
l’obscurité et les descriptions de ladite obscurité ne sont jamais redondantes
ou ennuyeuses. Chapeau.
Aux stations, entre hommes, les dangers pullulent aussi. La
ligne Krasnaya, en main aux communistes, et la Hanse, dévouée au commerce, se
sont longtemps affrontées. Les mafieux se disputent certaines stations.
D’autres sont en main aux néonazis, qui n’hésitent pas à expulser ou tuer les
non Russes. Artyom cumule aussi bien les revers que les coups de chance:
parfois présent au mauvais endroit au mauvais moment, il frôle la pendaison aux
mains des néonazis avant d’être sauvé par une petite bande de trotskistes
arrivée in extrémis. Est-il guidé par un mystérieux destin? La question
se pose, et Artyom se la pose, lui, à maintes reprises.
Ce qui est formidable, c’est qu’Artyom est foncièrement un
gars sympa. Un gars qui ne souhaite de mal à personne. Un gars qui essaye de
faire ce qui lui semble important dans un monde qu’il ne maîtrise pas. Non
seulement il ne connaît que deux ou trois stations du nord de la ville et
traverse donc en débutant toutes les autres, mais le savoir humain en général
est en lambeaux: après un temps indéterminé sous terre (quinze ans?
vingt ans?), l’humanité du métro moscovite a perdu beaucoup de ses
connaissances d’antan; et, de toute façon, la situation évolue tellement
vite dans le métro que les informations du matin sont de l’histoire ancienne le
soir même, ce qui fait que même les éléments les plus factuels ne sont pas fiables.
J’ai adoré ce contexte ultra flou, dans lequel les contours de l’humanité sont
aussi mouvants que l’obscurité. Néanmoins, la société du métro est
pensée en profondeur, dans son organisation, ses règles et ses dérives. Des
clans idéologiques qui se partagent les lignes, les délires religieux, c’est
tellement plausible que ça en fait froid dans le dos…
Les personnages sont également bien pensés. Parfois
excessifs, certes, comme dans le cas de Khan, qui est presque trop spécial pour
être vrai, mais toujours réussis. Et il y a même de l'émotion. 💖
Si le roman relève essentiellement de la science-fiction, il comporte aussi de nombreux éléments qui me semblent plutôt tenir du fantastique, notamment une dose importante de télépathie — quoique, on pourrait penser que ladite télépathie a une explication biologique et relève donc de la SF, elle aussi. 😉
Je ne sais pas comment rédige Dmitry Glukhovsky, mais la
version française, produite par Denis E. Savine pour l’Atalante, se lit toute
seule et est pleine de nuances. Une merveille. C’est d’ailleurs après avoir vu
le traducteur au Festival VO VF que j’ai décidé de lire ce roman. Merci.
Au niveau des critiques, je crois bien n'en avoir que deux: la fin n'est pas celle que j'aurais choisie (lol, c'est une critique, ça? 🤣) et les femmes sont spectaculairement absentes. Un vrai monde de mecs.
Au-delà de ses qualités intrinsèques, qui sont nombreuses,
Métro 2033 m’a exaltée parce qu’il se passe à Moscou et est donc rempli de noms
de station russes. J’adore le russe. Je trouve cette langue merveilleuse à
écouter et à lire. Et même des choses aussi banales que des noms de station
vous font exulter quand vous avez un niveau infime en une langue. Je suis plus
exaltée par le fait de savoir compter jusqu’à cent en russe que par le fait de
lire couramment l’anglais, par exemple. Ici, je me disais: J’ai reconnu un
féminin! J’ai reconnu un adjectif! YEAH! C’est totalement
enthousiasmant. Prenons la station Park Pobedy, par exemple. "Pobedy" se termine probablement
par un "i" parce que c’est un génitif féminin, qui sert à montrer à
qui est ce parc. C’est "le parc de Pobed". Comme "Biliet Natachi" = le billet de Natacha dans mon manuel de russe.
Je ne sais pas qui est Pobed, mais mes neurones sont super contents et fiers de
savoir que "Pobedy" est un génitif.
(Après vérification: le "Парк Победы" est le parc de la
victoire. Il n’y a personne qui s’appelle Pobed. Lol. Mais c’est quand même un
substantif suivi d’un génitif féminin!!)
J’ai eu la chance d’aller brièvement à Moscou quand j’étais ado. C’est d’ailleurs durant ce court séjour qu’est né mon intérêt pour le russe. (Une passion " J’espère de tout cœur avoir l’opportunité d’y retourner un jour, non seulement pour mon plaisir personnel mais aussi parce que ça signifiera qu’on sera passés à une situation géopolitique bien différente de l’actuelle. Et si c’est le cas, j’irai à VDNKh et j’aurai une pensée pour Artyom. 🙏 💖)
"Tiens, Alys a dû voir le traducteur ou la traductrice quelque part."
RépondreSupprimer*quelques lignes plus tard*
"Bingo !"
"produite par Denis E. Savine pour l’Atalante, se lit toute seule et est pleine de nuances" : vu la qualité de "Vita Nostra", ce ne peut qu'être un très bon traducteur. ^^
Le timing de cette lecture/chronique est assez... d'actualité dirons-nous, vu la situation de l'auteur.
"je ne sais pas trop comment vous en parler" : on sent bien que tu as grandement apprécié en tout cas !
@Baroona: Oui, je pense que Denis E. Savine est brillant 😊 Bon, je dois dire que je suis très jalouse qu'il traduise du ruuuussseuh, je trouve ça tellement extraordinaire!
SupprimerJe découvre l'actualité de l'auteur depuis hier, car j'ai écouté le podcast de C'est plus que de la SF sur Métro Paris 2033 et que Pierre Bordage y mentionne que Glukhovsky est un opposant à Poutine. Je viens de voir pour le mandat d'arrêt et je l'admire d'autant plus. C'est un excellent écrivain et un homme courageux.
Bon j'étais en train de remettre ce livre dans ma wish mais "les femmes sont spectaculairement absentes. Un vrai monde de mecs." -> ça ça me gène beaucoup. Ce livre n'est pas si vieux, du coup moyen bof.
RépondreSupprimerBon sinon ça a l'air très bien quand même, juste j'en ai marre de la testostérone dans les romans "modernes".
@Tigger Lilly: Je comprends. Je pense que tu apprécierais le roman, et, comme tu l'as bien, vu je le recommande. Mais je comprends. C'est exaspérant, une telle absence.
SupprimerPS: Malgré les nombreux affrontements et la présence des armes à feu, ce n'est pas un roman que je qualifierais de "testostéroné". Ce ne sont pas des mecs qui se tapent dessus gratuitement. C'est limite contemplatif. Mais je précise juste par acquit de conscience. Ça ne change rien au fait que tous ces gens sont des mecs. Enfin il y a bien le souvenir de la mère d'Artyom, mais bon, ça fait maigre. ^^
SupprimerOui, j'ai bien compris, quand je parlais de testostérone ce n'était pas dans le sens de testostéroné mais bien de la présence quasi exclusive de mecs dans l'histoire.
Supprimer@Tigger Lilly: Ok super 🙂
SupprimerAh, j'avais lu un mauvaise critique de ce livre, tu ravives mon intérêt...
RépondreSupprimer@Grominou: Je pense qu'il vaut le détour. J'espère que tu apprécieras si tu lui donnes sa chance. 😊
RépondreSupprimerOn en a parlé, j'adore le concept mais j'ai pas été super convaincue par la nouvelle que j'ai lu de lui. Un jour peut-être...
RépondreSupprimer@Vert: J'espère que tu apprécieras si tu y viens!!
SupprimerDu coup tu vas continuer juste pour pouvoir lire en russe, c'est ça ? Comme Tigger Lilly l'absence de femmes me gêne.
RépondreSupprimer@Shaya: Holàlà si un jour je lis un bouquin de 850 pages en russe, je sabre le champagne!!! 🤩🤩🤩 En attendant, je suis ravie qu'un confrète talentueux me le traduise!
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