En 2015 ou en 2016, j'avais dit que c'était la bonne: cette année, je relisais du Tolkien!
Bon. L'année en question est passée. La suivante aussi. La suivante aussi... Mais j'ai fini par m'y remettre!
Je redoute toujours un peu de lire Tolkien parce que je sais que j'ai tendance à tomber dedans pour ne plus m'occuper du monde réel et parce qu'il brasse des émotions très fortes, liées à la qualité intrinsèque de son œuvre et de son message mais aussi à tout ce qu'il a représenté pour moi quand j'étais plus jeune. Je sais que le plaisir sera grand, mais la tristesse aussi.
Heureusement, avec Le Hobbit, il en va un peu autrement. Cette lecture-ci est la quatrième, je pense, mais je ne jurerais pas. Je n'en garde pas un souvenir indélébile comme pour toutes mes lectures du Seigneur des Anneaux. Même si c'est un très bon roman, ce n'est pas un monument absolu; il n'est pas aussi épique que son successeur et il a quelque chose de léger et de drôle qui dédramatise beaucoup de situations. Par exemple, lorsque Bilbo est confronté à des difficultés sur la route, on nous dit souvent qu'il regrette son confortable trou de hobbit et que ce ne sera pas la dernière fois, ce qui fait sourire.
D'un côté, Le Seigneur des Anneaux semble être déjà en germe ici: la communauté de guerriers avec un hobbit inexpérimenté, la montagne pour destination, la descente dans les entrailles de la terre, les araignées, les rivalités entre gentils, les alliés inattendus, l'objet que tout le monde convoite. Et c'est pourtant très différent, comme je le disais.
Bilbo évolue beaucoup au cours de cette aventure: du beauf hobbit moyen s'occupant uniquement de son prochain repas (comme je le comprends 🤤🤤), il devient un roi de la débrouille capable de garder la tête sur les épaules en toutes circonstances (dans les galeries des gobelins, dans le palais du roi des elfes, dans l'antre de Smaug), de se battre (contre les araignées), de sortir toute la bande des ennuis (heureusement que Gandalf l'a recruté, sinon les nains n'avaient aucune chance 🤣) et même de prendre des décisions difficiles ([divulgâcheur] donner l'Arkenstone à Bard et braver ainsi la colère de Thorin pourvu de débloquer la situation à la fin [fin du divulgâcheur]). C'est bien mené, et sans excès non plus, car Bilbo est aussi très satisfait de rentrer chez lui et de laisser ces tracas incessants derrière lui. Le contraire, sa conversion en un dur de chez dur, aurait été moins crédible.
Gandalf est aussi un personnage superbe, bien que très mystérieux (ou peut-être parce que mystérieux, justement), avec toujours le mot juste pour analyser la situation et remettre à leur place ceux qui en ont besoin. Et toujours là pour les tirer des ennuis, lui aussi.
À la fin, lorsque le traitement plus amusant et jeunesse de l'histoire reste de côté, pointe aussi l'"épisme" propre à Tolkien: Smaug qui fonce sur Esgaroth, puis la bataille des Cinq armées, c'est assez spectaculaire et prenant. Je ne sais pas comment il faisait, mais il suffit que Tolkien dise des choses aussi simples que "and a red gleam was in their eyes" et C'EST TROP DINGUE VOUS ÊTES TRANSPORTÉ DE FOUUUUUS!!!!!! Putain!!!!!! Je voudrais tellement écrire comme lui!!!
La seule chose qui m'emballe moins dans Le Hobbit, ce sont les chansons un chouïa agaçantes des elfes, à base de "tralali" et de "tralala", bien loin de l'idée que je fais de l'elfe tolkienien (mais probablement que l'elfe tolkienien a évolué entre ses deux romans, hihi). Citons aussi l'absence totale de femmes. Le hobbit est un garçon, les nains sont des garçons, les gobelins sont des garçons, le dragon est un garçon, les elfes sont des garçons, les humains sont des garçons, les aigles sont des garçons, les oiseaux qui ne sont pas des aigles sont des garçons, bref on peut légitimement supposer que même les poneys sont des garçons. Un état de fait qui me fait lever les yeux au ciel mais n'entache quand même pas le plaisir de lecture, parce que Tolkien c'était juste dieu sur terre.