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vendredi 30 juin 2023
La gamelle de juin 2023
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dimanche 25 juin 2023
Sistersong (2021)
mardi 20 juin 2023
Nous crachons sur Hegel (1974)
Au détour de mes traductions, j'ai eu besoin de vérifier quelques citations de Carla Lonzi, une féministe italienne connue pour avoir cofondé le mouvement Rivolta Femminile. Ne pouvant me procurer son ouvrage en bibliothèque près de chez moi, j'ai décidé de l'acheter; et comme il est court, et que je suis sans cesse à la recherche de livres courts à lire, j'ai aussi décidé de le lire.
Nous crachons sur Hegel. Écrits féministes a été écrit entre 1970 et 1972 et est paru en 1974 aux éditions Scritti di Rivolta Femminile sous le titre Sputiamo su Hegel. Il se compose de six textes, ici traduits par Patrizia Atzei et Muriel Combes pour les éditions Nous. Bon, ça m'a un peu attristée de lire un livre italien en traduction, mais je n'allais pas pousser le vice jusqu'à acheter la version française pour la citer dans ma traduction ET la version italienne pour la lire... 👀
Le premier texte est le manifeste de Rivolta Femminile, qui donne les grandes lignes directrices de ce mouvement radical. Franchement, je n'en ai rien retenu.
Le deuxième texte, "Nous crachons sur Hegel", m'a un peu perdue. L'autrice y critique des mouvements révolutionnaires, tels que le marxisme, car ils sont révolutionnaires dans les relations entre classes et non dans celles entre hommes et femmes; la femme prolétarienne est invitée à lutter contre la bourgeoisie, oui, mais pour ses droits, on verra ça plus tard. Mais comme je connais mal ces mouvements, ainsi que Hegel que Carla Lonzi considère visiblement comme très en tort, et qu'en plus je me suis endormie trois fois sur quarante pages à cause de la fatigue, je n'ai pas bien suivi.
"Absentement de la femme des moments de célébration de la créativité masculine" entre dans le vif du sujet et propose aux femmes de sortir bel et bien de la célébration des hommes, plutôt que d'essayer de s'y faire une place.
"Sexualité fémine et avortement", puis "La femme clitoridienne et la femme vaginale", sont tout simplement passionnants. Le point de vue est radical, oui: là aussi, sortir de la relation sexuelle classique, hyper phallocratique, pour reconstruire la pratique sexuelle autour du clitoris, qui est le sexe de la femme (rôle qu'on attribue à tort au vagin, qui est dédié à la procréation et non au plaisir). Essayer d'atteindre l'orgasme vaginal parce que la société a effacé le clitoris est un leurre, et même la libération sexuelle de l'époque peut être vue comme confortant l'homme dans son rôle traditionnel et la prévalence de son plaisir personnel. Et même l'avortement, oui, peut jouer un rôle en sa faveur, parce qu'il serait inutile si on s'occupait du plaisir de la femme en stimulant son clitoris au lieu de faire éternellement de la pénétration parce que ça plaît à l'homme. Je ne dis pas par là que Carla Lonzi était contre la dépénalisation de l'avortement (au contraire, elle évoque avoir milité en ce sens), mais que toutes ces avancées ne sont que des ajustements toujours favorables au dominant si on ne renverse pas INTÉGRALEMENT les codes. Des réflexions qui m'ont beaucoup rappelé Au-delà de la pénétration de Martin Page.
"Signification de l'autoconscience dans les groupes féministes" aborde enfin les groupes de parole entre femmes et le parcours nécessairement individuel de la prise de conscience de chacune (même au sein d'un échange collectif).
L'ouvrage se termine sur l'article "Un féminisme à contretemps" des traductrices Patrizia Atzei et Muriel Combes, fort intéressant pour en savoir plus sur l'autrice. Concernant la traduction, eh bien, je n'ai pas lu l'original et je ne peux donc pas l'évaluer en tant que telle, mais le texte français est impeccablement écrit et très fin. Si je n'ai rien compris à certains passages, c'est à cause de mon ignorance crasse personnelle, pas du travail des consœurs qui s'en sont occupées. Félicitations à elles et aux éditions Nous qui donnent une nouvelle vie à ce texte historique!
(Mais enfin, si vous êtes novice en féminisme, commencez plutôt par Sorcières de Mona Chollet; Carla Lonzi, c'est un un niveau nettement au-delà!)
jeudi 15 juin 2023
Challenge Pavé de l'été 2023
Le pavé qui m'attend patiemment est Zahhâk, le roi serpent de Vladimir Medvedev, traduit du russe par Emma Lavigne, lauréate du Prix Jean-François Caillé de la traduction en 2020. Édité en France par les éditions Noir sur Blanc, le roman compte 576 pages au grand format et se déroule dans un pays dont je ne sais absolument, strictement rien, le Tadjikistan. Ce sera donc un grand voyage totalement dépayant, et sans aucun doute très instructif.
samedi 10 juin 2023
La Princesse de Montpensier (1662)
Chronique express!
En 1566, Renée d'Anjou, fille unique du marquis de Mézières, épouse François de Bourbon, prince de Montpensier. En réalité, elle est amoureuse d'Henri de Lorraine, le duc de Guise, et cette affection est réciproque, mais la famille de Renée a choisi celle des Bourbon, et les jeunes gens n'ont pas leur mot à dire. Après un temps de mariage vertueux pour Renée, toutefois, ils se rencontrent de nouveau et l'amour renaît.
Le contexte de ce court texte, une nouvelle en réalité, est celui des guerres de religion, qui marquent la vie politique de la France sous le règne de Charles IX, fils d'Henri II et de la grande Catherine de Médicis (et frère du futur Henri III et de Marguerite de Valois, épouse du futur Henri IV). C'est au gré des combats que Renée est séparée de son mari ou de son soupirant. Très factuel, sans pratiquement aucune conversation, La Princesse de Montpensier est une lecture qui m'a paru intéressante en ce qu'elle donne en partie à revivre cette période troublée de l'histoire française et européenne – comme le superbe Œuvre au noir de Marguerite Yourcenar – et m'a permis de découvrir Madame de Lafayette, une femme de lettres dont j'ignorais tout, vu que je ne l'avais jamais étudiée. Et puis, il s'agit vraisemblablement du seul livre du XVIIe siècle que j'aie jamais lu. Mais on ne peut pas non plus dire que ce soit bien palpitant pour un lecteur moderne...
lundi 5 juin 2023
Il Gattopardo (1957)
En mars dernier, l'excellent podcast Bookmakers d'Arte, animé par Richard Gaité, recevait Frédéric Martin, fondateur de la maison d'édition Le Tripode et ancien des éditions Viviane Hamy, où il a travaillé sur la version française de L'Art de la joie de Goliarda Sapienza. Le monsieur a dit tellement de bien de ce roman, qu'on m'avait déjà recommandé, que j'ai décidé de le lire. Mais comme il a aussi évoqué que L'Art de la joie a de forts échos avec Le Guépard de Tomasi di Lampedusa, j'ai décidé de d'abord relire ce dernier roman, que j'ai étudié à la fac dans une autre vie...
Il Gattopardo se découpe en huit parties, qui se déroulent toutes sur une journée et qui, à l'exception de deux d'entre elles, accompagnent Fabrizio Salina, un prince sicilien de noble et ancienne famille. L'histoire commence en mai 1861, lorsque le royaume des Deux-Siciles est traversé d'innombrables rumeurs et tensions au sujet d'une éventuelle attaque de la part de Victor-Emmanuel II, duc de Savoie et roi de Sardaigne. Salina reçoit la visite de Tancredi, son neveu, qui a décidé de trahir son royaume et sa classe pour aller accueillir l'envahisseur et prendre parti pour le roi destiné à régner demain, et cela donne dès le début la principale clé de compréhension du roman:
"Se non ci siamo anche noi, quelli ti combinano la repubblica. Se vogliamo che tutto rimanga come è, bisogna che tutto cambi."
("Si nous ne sommes pas là, nous, ils vont nous sortir la république. Si nous voulons que tout reste comme il est, il faut que tout change.") (J'hésite avec "ils vont nous bidouiller une république", mais c'est trop familier pour Tancredi. Pas facile à traduire, ce bouquin... 🤔)
Nous sommes en plein chamboulement politique: la construction de l'État italien moderne commence, Garibaldi débarque en Sicile avec les Chemises rouges, et le temps des Bourbon est compté. Si l'on est malin et si l'on joue bien ses cartes, il y a tout à gagner. Tancredi l'a bien compris, et les trois-quatre premières parties montrent comment quelques affrontements pas bien violents, mais mis en scène comme il faut, vont permettre aux gagnants de lancer la rhétorique de la construction nationale tout en s'enrichissant ou en saisissant des postes influents. Face à cela, il y a la panique de courte durée des représentants de l'Église, mais surtout l'immense flegme nostalgique de Salina. Dernier représentant digne de ce nom d'une vieille famille dont l'immense fortune impose toujours le respect, il a huit enfants mais constate avec lucidité qu'ils sont condamnés par la montée de cette nouvelle classe politique bourgeoise dont le pouvoir ne reposera plus seulement sur le nom et la noblesse. Alors, certes, rien ne change: après quelques coups de feu, les soirées mondaines reprennent avec les officiers de Garibaldi au lieu de ceux du roi Bourbon; mais il se joue néanmoins, en arrière-plan, un changement culturel majeur.
J'ai beaucoup pensé aux ressorts insidieux d'un changement de régime tels qu'ils sont présentés dans La Fortune des Rougon et La Conquête de Plassans de Zola, sauf qu'ici tout est figé dans une Sicile écrasée de soleil et intemporelle, où tout se passe à une lenteur difficile à concevoir, et personne n'est mauvais comme le sont les personnages de Zola. Il n'y a pas d'affrontement sur le devant de la scène, juste de petites "échardes" sociales qui se logent dans les pattes délicates du Guépard et lui montrent qu'il n'est plus autant le maître qu'autrefois.
Ce changement est aussi celui que vit un quinquagénaire qui ne se retrouve plus tout à fait dans le monde moderne; un homme orgueilleux, habitué à régner en maître absolu, cultivé, lucide, affectueux, passionné. Les pensées de Fabrizio Salina sont un délice à suivre. Son neveu Tancredi est aussi un personnage très réussi: malin, ambitieux, beau garçon, il force la sympathie et l'affection par son sourire, ses manières et son exceptionnel appétit de vivre. Et Concetta, une des filles du prince, la seule dans la fratrie qui puisse réellement, par son esprit et son fort caractère, prétendre faire partie de l'illustre famille des Guépards, se détache également très fort.
Outre le contexte historique passionnant des débuts du royaume d'Italie, Il Gattopardo se caractérise surtout par son ton éminemment désabusé et une immense nostalgie face au destin humain, si vain et si bref. Les deux dernières parties sont un coup de massue émotionnel: le temps qui passe, les souvenirs qui surnagent, les murs qui se resserrent, les émotions qui déchirent autant après des décennies... Quand j'ai lu ce roman pour la première fois, il m'a marquée par son dernier paragraphe, si dur; cette fois, ce sont les quarante dernières pages qui m'ont brisé le cœur, qui m'ont donné envie de me rouler en boule en pleurant tout ce qu'on a tous perdu.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce roman n'est aucunement promonarchie; le prince de Salina lui-même, dans la première partie, émet des critiques contre le règne des Bourbon, et l'on sent l'auteur plutôt du côté de cette jeune Italie tournée vers l'avenir. Mais comme dans toute évolution culturelle, le monde qui s'éteint et sait s'éteindre dégage une nostalgie poignante.
Le Guépard a été adapté au cinéma par Luchino Visconti en 1963, avec Burt Lancaster dans le rôle principal, Alain Delon dans celui de Tancredi, Claudia Cardinale et Terence Hill. J'ai adoré ce film lorsque j'ai eu la chance de le découvrir au cinéma et je rêve maintenant de le revoir. ❤