mercredi 31 mai 2023
La gamelle de mai 2023
vendredi 26 mai 2023
Comment écrire de la fiction? Rêver, construire, terminer ses histoires (2023)
Lionel Davoust est bien connu dans le milieu de l'imaginaire français pour ses romans, mais aussi parce qu'il s'exprime régulièrement sur l'écriture, soit sur son blog, soit en atelier, soit dans le podcast Procrastination. Tout récemment, il a publié aux éditions Argyll ce livre sur l'écriture de fiction, qui est en quelque sorte le résumé de ses réflexions.
Visiblement, j'ai cru, un jour d'avril, que ce serait une bonne idée pour moi de le lire. Je le sais car j'ai un message écrit de ma part commandant ce livre. Mais je n'en ai aucun souvenir, et quand ma commande m'a été remise, j'ai eu un flottement très étrange: ce livre n'avait rien à faire là, mais en même temps il semblait peu probable que le libraire se soit inventé une commande de ma part pour qui sait quelle raison, mais je ne voulais pas du tout lire ça, qu'est-ce que j'allais en faire...
Bon. Après avoir retrouvé le message dans lequel je commandais le bouquin, j'ai décidé de faire confiance à cette moi du passé qui semblait savoir ce qu'elle faisait, et j'ai donc lu le bouquin. Et j'ai bien fait, car c'était très bien. Bon, je m'y attendais, car j'aime bien Lionel Davoust, tant quand je le lis que quand je l'écoute; et je l'ai même apprécié en vrai, car j'ai assisté à un de ses ateliers. Il est clair et nuancé, ce qui est une des choses les plus difficiles: exprimer les gradations d'une idée complexe en faisant comprendre qu'elles sont différentes, mais sans donner l'impression qu'on se contredit ou qu'on nage dans le brouillard.
Comment son nom l'indique, le livre s'articule autour de trois notions: rêver, construire (grâce à des techniques) et terminer (grâce à la pratique) ses histoires. Il y a quelques définitions utiles (comme "histoire", ce qui est quand même vachement utile pour réfléchir à la manière d'en écrire une), des informations générales sur la manière de rédiger (les différents types de point de vue, ou un passage un tantinet flippant sur la concordance des temps – je suis une personne horrible qui estime que quiconque ne sais pas faire la concordance des temps dans un récit au passé simple ne mérite pas qu'on la lui explique) (à moins qu'il n'ait moins de quinze ans, évidemment) (seize, allez...), des références à la pensée d'autres auteurs, des exemples personnels ou tirés de la littérature... J'ai bien aimé ce dernier point car, outre les incontournables Luke Skywalker et Frodo, Lionel Davoust évoque à plusieurs reprises une certaine Emma Bovary. 😊 Bien, bien. (Car, oui, il y a du conflit et une progression dans Madame Bovary. Et beaucoup d'autres choses.)
Personnellement, je ne pense pas tirer de bénéfice particulier de cette lecture, d'une part parce que j'ai déjà réfléchi à pas mal de ces choses en tant que lectrice et traductrice (il n'y a rien de tel que de passer deux mois avec un roman pour voir l'incompétence les efforts vains le plan et la stratégie d'un auteur) et d'autre part parce que, même si j'écrivais un roman (et ce n'est pas le cas: j'écris juste des phrases, et même si c'est mieux que rien, ça n'est pas grand-chose et il me faudrait vraisemblablement mille ans pour écrire quelque chose que l'on pourrait qualifier de roman), je n'écrirais pas du tout en réfléchissant à ce que je fais de manière théorique, mais j'avancerais au feeling. Néanmoins, c'était intéressant et un bon moment, et je vous recommande de lire ce livre si vous abordez l'écriture et/ou ressentez le besoin d'une réflexion plus théorique sur la manière de vous y prendre.
Autre livre de l'auteur déjà chroniqué sur ce blog
L'importance de ton regard (2010)
dimanche 21 mai 2023
La part des choses (1972)
"Iris s’était passionnée pour l’organisation du voyage mais elle commençait déjà à ressentir cette déception qu’elle éprouvait toujours à l’approche de la réalité. C’est elle-même qu’elle craignait de retrouver partout, cette femme vieillissante qu’Alex venait d’embrasser sur un sourcil avant de gagner son coin du lit. Il tenait à lire plusieurs ouvrages sur l'Inde avant d'y débarquer. Iris se moquait de l'Inde et voulait se faire mettre quelque chose de doux et de chaud. Chacun finit par s'endormir en considérant l'autre comme un bourreau."
"La différence, c’est qu’aucun des hommes ici présents n’éprouve de complexe devant Tibère alors que nous, nous avons toutes un peu honte devant Betty. Honte d’être plus ou moins abîmées, de nous éloigner inexorablement du type idéal d’humanité, d’occuper auprès de nos maris, sans autre raison souvent que l’ancienneté, une place où beaucoup d’hommes ont déjà installé des Betty."
"Chaque fois qu’Yves m’a dit au cours de ces vingt années : "On ne dîne pas à la maison ce soir, tu es contente ? Comme ça, tu n’auras rien à préparer", j’ai pensé à la sous-entendue : "Mais demain bien sur, tu t’y remets"."
"Jacques ne trouvait pas beaucoup de temps à passer avec ses enfants puisqu'il travaillait tant pour eux, mais Patricia se montrait une mère exemplaire. Elle avait docilement appris le vocabulaire des mères modernes, disait dysorthographie pour paresse d'apprendre les mots d'usage, asthénie pour refus de sortir du lit le matin, et comportement asocial pour les menus larcins, refus de prêter ses affaires, coups de pied en vache et cruautés diverses propres au jeune âge.Tout cela se soignait bien sûr, chez des spécialistes spécialisés. Patricia disait "soigner", Jacques traduisait "payer"."
mardi 16 mai 2023
Cosmétique de l'ennemi (2001)
jeudi 11 mai 2023
Les Flibustiers de la mer chimique (2022)
Alors qu'ils dérivent sur une embarcation de fortune après le naufrage de leur navire, Ismaël, un naturaliste en provenance de Rome, et ses deux compagnons sont recueillis à bord du Player Killer, un sous-marin en mesure de naviguer dans les eaux ultra polluées de la mer chimique. Le capitaine, Jonathan, est un personnage haut en couleurs, avec une verve formidable et des pratiques de management pour le moins cheloues – ainsi, le vendredi est consacré au sexe afin de désarmorcer les tensions au sein de l'équipage confiné dans un espace limité.
Dans une grotte du sud de la France, Alba recouvre les parois de dessins représentant les savoirs de l'humanité, qui ne survivent que chez les Graffeurs, clan dont elle est la dernière représentante. Mais un jour, elle est enlevée par des hommes qui la ramènent à Rome, un des derniers bastons de la civilisation et siège de la Métareine.
La narration des Flibustiers de la mer chimique de Marguerite Imbert alterne entre ces deux points de vue, tous deux à la première personne, dans un ton déjanté tout à fait carastéristique. C'est enlevé, piquant, ultra ironique, blindé de références culturelles qui viennent d'un monde disparu et ressortent dans le désordre. C'est là qu'est la grande originalité de ce roman. C'est super drôle. C'est aussi peu forcé au début, selon moi, notamment dans les passages avec Alba, un personnage ultra imbu d'elle-même que je n'ai pas pu encadrer. Mais c'est réellement drôle.
— Venez donc m'éclairer. Plusieurs rangées de dents, ça pourrait être un requin, non ?— Euh… un requin a l’air libre ? Je dirai improbable mais je peux toujours me lourder…— Que vous êtes étroit d’esprit pour un naturaliste ! Il a pu muter et développer ces trucs là… les poumons de poisson…— Les branchies.— Voilà, pour que ça respire de l’air. Et avant de me parler de trucs improbables, je vous rappelle que j’ai trois calmars géants toxicomanes à mon service.
En parallèle, l'intrigue est conduite d'une main de maîtresse, avec des informations distillées au compte-gouttes jusqu'à ce que tout s'assemble à la fin. Pour ma part, je suis passée à côté d'un élément secondaire (voire tertiaire, si ce n'est quaternaire) parce que je ne connaissais pas la signification du mot appeau et que je n'ai pas pris la peine de vérifier, comme une idiote, mais je suis certaine que cet élément-là est aussi bien imbriqué que les autres dans l'ensemble.
Un post-apo drôle et des personnages plus ou moins disjonctés dans une Terre tellement ravagée qu'elle en devient méconnaissable: le voyage à bord du Player Killer a été des plus agréables, et j'en garderai longtemps l'image du capitaine Jonathan qui fait du roller dans les couloirs.
Le petit truc en plus que vous devez absolument savoir
J'ai lu un chapitre de ce roman en compagnie d'une jument que j'aime.
Allez donc voir ailleurs si ces flibustiers y sont!
L'avis de Shaya
L'avis de Tigger Lilly
samedi 6 mai 2023
L'Événement (2000)
Chronique express!
Au détour d'une traduction sur l'avortement, j'ai eu besoin de vérifier une citation de L'Événement, le texte dans lequel Annie Ernaux raconte son avortement, réalisé en toute illégalité en 1963, dans une France où cette pratique était sévèrement réprimée par la loi. Le sujet est présent en filigrane dans une bonne partie de son œuvre, notamment Les Armoires vides, son premier texte, mais c'est dans ce livre qu'elle décrit tout le processus en détail, du retard de ses règles jusqu'à la rémission après cette "expérience humaine totale".
Comme on peut s'y attendre, c'est une lecture difficile malgré sa brièveté. L'angoisse de la recherche d'un médecin ou d'une avorteuse est déjà suffisante, mais le processus de l'avortement en lui-même et les complications dont Annie Ernaux a souffert, couplés à certains comportements abjects, mettent super mal à l'aise et révoltent profondément. Il lui a sûrement coûté de replonger là-dedans, de relire son agenda de l'époque pour reconstituer l'enchaînement des faits et ses recherches infructueuses jusqu'à ce qu'une camarade d'université lui recommande sa propre avorteuse. La démarche semble pourtant nécessaire pour elle, et plus généralement pour nous, lecteurs. En bref: un livre difficile, mais important. (Et un prix Nobel dont je me réjouirai toute ma vie. 👑👑)
lundi 1 mai 2023
La gamelle d'avril 2023
Comme d'habitude, retour sur les activités culturelles du mois écoulé.
Sur petit écran
Pas de film.
Sur grand écran
Le Château dans le ciel de Hayao Miyazaki (1986)
Une belle histoire pacifiste, des images superbes, des personnages attachants, une musique enchanteresse. Du grand Miyazaki. Le seul reproche que je peux lui faire est que le personnage féminin est moins débrouillard que le masculin. Mais je connais des films bien plus récents qui ne font pas mieux, alors ne crachons pas dans la soupe.
Suzume de Makoto Shinkai (2023)
Le nouveau film de Makoto Shinkai n'est pas un chef d'œuvre tel que le merveilleux Your Name, mais reste un moment somptueux à savourer sur grand écran et se termine sur une chanson de Radwimps qui met de bonne humeur. Alors, allez-y. C'est dommage qu'il y ait un petit problème de rythme, avec quelques scène répétitives. En revanche, le chat et la chaise sont super. (Et mon japonais progresse! J'ai compris "neko" plein de fois!)
Eternal Sunshine of the Spotless Mind de Michel Gondry (2004)
Un film très créatif, que je suis contente d'avoir vu pour ma culture générale et pour les nombreuses couleurs de cheveux de Kate Winslet (🤩), mais qui ne m'a pas touchée plus que ça.
Du côté des séries
J'avance sur la saison 2 de Carnival Row, que je terminerai le mois prochain.
Et le reste
Outre deux anciens numéros de Livres Hebdo que j'ai survolés, j'ai lu un hors-série du National Geographic sur les dinosaures. Passionnant et émerveillant. C'est tellement génial, les dinosaures!!! Puis, en fin de mois, j'ai profité d'une semaine de vacances pour lire Il mio cavallo d'octobre 2022, que des amis m'ont ramené d'Italie, et le Bifrost de janvier 2023 sur Valerio Evangelisti (auteur que j'ai singulièrement peu envie de relire maintenant que je sais qu'il est anti-UE et soutient Cesare Battisti 👀👀). Je n'ai pas pu lire mon Cheval Magazine habituel, car je n'étais pas là quand il est arrivé, mais ça fera double dose en mai.