jeudi 19 décembre 2024

L'Anomalie (2020)

Un des grands avantages des boîtes à livres (outre le fait que vous avez accès à de la lecture gratuite!), c'est que ça met sur votre chemin des bouquins que vous avez oublié vouloir lire, ou que vous voulez lire mais sans que ce soit vital (pas assez pour aller les acheter, quoi). C'est comme ça que j'ai sauté sur L'Anomalie d'Hervé le Tellier...

... et que j'ai adoré le voyage!!

Je vais délibérément rester floue, car ce roman a eu beaucoup de succès et a été largement chroniqué, y compris dans la blogosphère SFFF. L'histoire est assez prenante, notamment du fait qu'elle met en scène de nombreux personnages, qui n'ont en commun que d'avoir voyagé à bord du même avion Air France pour aller de Paris à New York. Chacun est bien dépeint, avec un caractère et des enjeux très différents, et je trouve que c'est déjà un petit exploit de poser une dizaine de personnages aussi crédibles les uns que les autres. Puis ils sont confrontés à quelque chose d'impossible, et l'on entre dans la partie la plus jubilatoire du roman: les réactions de chacun face à l'inconcevable et les différentes théories formulées pour l'expliquer. J'ai beaucoup rigolé et les références SF sont totalement assumées.

La dernière partie clôture le roman sur un ton beaucoup moins drôle et m'a un peu serré le cœur. Mais j'ai trouvé, là aussi, que rendre émouvant des parcours en dix pages, c'était une belle réussite. Je tiens seulement à préciser que l'une des histoires concerne un sujet très grave qui peut perturber ([divulgâcheur] l'inceste [fin du divulgâcheur]).

Dans l'ensemble, j'ai vu ici une très belle réussite de littérature à la fois facile à lire et pas bête du tout, accessible à tous et intelligente à la fois. C'est un livre qui se lit d'une traite et plaisamment, mais qui vous parlera autrement, paraît-il, si vous êtes familier de l'Oulipo. Pour ma part, j'ai carrément dû vérifier ce que signifiait "Oulipo", mais j'ai quand même profité à fond! Entre ça et l'étrange déformation de la réalité qui s'y produit, j'aurais bien pu lire être en train de lire un roman d'Antoine Bello... 💞💞 Je prêterai donc attention à Hervé le Tellier à l'avenir, et je me réjouis que le Goncourt soit allé à un roman si jubilatoire!

Allez donc voir ailleurs si cette anomalie y est!
L'avis du Chien critique
L'avis de TmbM
L'avis de Vert

samedi 14 décembre 2024

Au revoir les chats ! (2021) 🐈

Chronique express!

Après le roman Les Mémoires d'un chat, l'autrice japonaise Hiro Arikawa a sorti un deuxième livre félin, qui s'apparente cette fois plutôt à un recueil de nouvelles. Le premier texte, "L'heure de Hachi", raconte l'histoire de Hachi, le chat que Satoru, personnage principal de Mémoires d'un chat, avait eu dans sa jeunesse; le deuxième, "Un voyage oublié", raconte un voyage effectué par Satoru et Nana à l'époque du roman; les cinq suivants décrivent les vies d'autres chats, ou des anecdotes autour des chats ("L'Île aux chats", très sympathique dans son peuplement félin mystérieux et vorace).

Dans l'ensemble, c'est plutôt émouvant, et j'ai bien sûr pleuré à la fin. Mais je n'ai rien compris à "Vilain Tom!" et j'ai de nouveau trouvé pas mal de choses décousues ou difficiles à suivre, ou bizarrement répétitives. En revanche, la concordance des temps ne m'a pas choquée cette fois. C'est Sophie Refle qui est à la traduction; peut-être fait-elle plus attention à ce point ou y a-t-il eu plus de travail éditorial de manière générale. Quant à la couverture, on la doit de nouveau à Irina Garmashova-Cawton. On dirait ma petite Reloue!! 🥰🥰🥰

lundi 9 décembre 2024

La Petite Femelle (2015)

Il y a quelque temps, suite au billet de TmBM sur La Désinvolture est une bien belle chose, je me suis décidée à vérifier ce que ma médiathèque avait en rayon de Philippe Jaenada. Cet auteur, le premier reçu dans le merveilleux podcast Bookmakers d'Arte, était sur mon radar depuis lors, c'est-à-dire depuis 2020. Il m'aura fallu quatre ans pour le lire, ce qui n'est pas si mal pour moi.

La Petite Femelle, c'est une enquête extrêmement dense et précise sur la vie de Pauline Dubuisson, une femme jugée pour avoir tué, en 1951, son ex-petit ami.

Née près de Dunkerque en 1927, elle est élevée de manière très fermée et rigoureuse par son père, puis traverse la guerre à Dunkerque (ville qui n'a été libérée par les Anglais et les Tchécoslovaques que le 10 mai 1945, soit deux jours après l'Armistice. Après la débarquement en Normandie, elle a été jugée tellement difficile à prendre que les Alliés l'ont contournée, et elle est restée aux mains des Allemands alors que le reste de la France était progressivement libéré. Complètement dingue). Pauline est intelligente, vive et précoce. Après la guerre, elle part étudier la médecine à Lyon puis à Paris, où elle rencontre Félix Bailly. Il est fou d'elle, il la demande en mariage, elle refuse. Quand enfin il lui tourne le dos et se fiance avec une autre, elle change d'avis, se désole, finit par reprendre contact car on lui a assuré qu'il l'aime encore. Et puis, dans des circonstances à la fois précises et complètement opaques, vu qu'ils étaient seuls, il finit avec trois balles dans le corps, et elle avec un tuyau de gaz dans la gorge (pour se suicider, je précise).

Ça, c'est la version courte. Le bouquin, c'est le récit long, hyper documenté et aussi factuel que furax que Jaenada fait du malheureux sort d'une femme victime de son temps. Trop libre dans sa sexualité et dans son refus de devenir une bonne petite épouse, Pauline Dubuisson est victime d'un acharnement stupéfiant à partir du meurtre et dans la cour du tribunal: les médias la traînent dans la boue, les avocats qui l'attaquent déforment les documents et témoignages recueillis et interprètent la moindre chose contre elle. Elle a couché à quatorze ans avec l'occupant allemand, elle faisait tourner son petit ami en bourrique, elle n'en voulait qu'à son argent... Une sorcière, un monstre.

Tout cela est révolant, et, très franchement, un cas d'école de misogynie bas du front et de mouvement de meute, avec la France entière qui se passionne pour cette femme prétendument froide et manipulatrice. Là où le livre m'a "moins plu" (disons que c'est bizarre de dire qu'un livre vous plaît, dans l'ensemble, alors qu'il parle d'un truc horrible...), c'est que Jaenada, qui est très clairement du côté de Pauline (même s'il ne remet pas en cause qu'elle a bel et bien tué son ex, ce qu'elle-même n'a jamais nié), passe aussi beaucoup de temps à railler ses attaquants avec de multiples piques, ce que je n'ai pas toujours trouvé très fin (et qui contribue à faire de ce bouquin UNE PUTAIN DE BRIQUE, sept cent pages bien denses (les retours à la ligne, il n'aime pas trop ça...) dans l'édition grand format de Julliard).

Ma deuxième réserve porte sur ses immenses digressions. Je m'y attendais et, d'un côté, j'ai bien rigolé; mais, de l'autre, j'ai parfois eu l'impression qu'il y avait un peu de pose ("je me regarde faire des digressions") et de remplissage.

Ma troisième réserve porte enfin sur quelques commentaires limite sur les femmes. Jaenada passe son temps à fustiger ces mecs qui ont remis à sa place une femme trop libre, mais est-ce qu'on avait besoin de savoir que son épouse (à Jaenada) a un jour couché avec un autre et est rentrée chez lui (Jaenada) avec le sperme séché de cet autre homme sur les seins? Et est-ce qu'elle savait qu'il mettait ça dans son bouquin et que la France entière est aujourd'hui au courant? 🤔 Il en parle même deux fois, au cas où on n'aurait pas bien capté la première fois.

Enfin, la théorie de la tonte de Pauline Dubuisson à la Libération me semble possible, mais je suis tout de même moins convaincue que lui, donc j'ai trouvé dommage qu'il en reparle après 1945 comme si c'était une certitude. Par exemple, il parle du traumatisme d'avoir été tondue et de ses cheveux courts, mais en fait on n'en sait rien, si elle a été tondue. Les indices qu'il a relevé en ce sens sont pertinents, mais on n'en a aucune trace directe et elle n'en a jamais parlé. En revanche, il dégomme bel et bien la théorie du viol collectif et je l'ai trouvé très convaincant sur ce point.

Bon, je critique pas mal, mais vous remarquerez que quatre critiques pour sept cents pages, c'est quand même pas beaucoup. J'ai trouvé l'histoire passionnante, le point de vue acéré et le travail de recherche AHURISSANT, donc je vous conseille de tout cœur de découvrir cette histoire, même si ce n'est pas du tout gai. Jaenada cite même Hélène Berr, et deux fois! Enfin, notez que passer plusieurs jours de lecture intensive avec le monsieur m'a fait multiplier les parenthèses dans ce billet, ce que je trouve assez rigolo...😂

Allez donc voir ailleurs si cette petite femelle y est!
L'avis de TmBm

mercredi 4 décembre 2024

La gamelle de novembre 2024

Comme d'habitude, retour sur les activités culturelles du mois écoulé, hors lecture!

Le grand évènement de ce mois de novembre, c'est que je suis allée à l'expo L'Art de James Cameron à la Cinémathèque (merciiiii Lise!): une très belle expo sur un très grand homme! Je savais déjà que Cameron est dieu sur terre, mais, maintenant, j'ai encore plus de preuves!

Sur petit écran

Pearl Harbor de Michael Bay (2001)

Le bouquin de Robert Hospyan m'a donné très envie de me refaire certains films de Michael Bay, et, par un petit miracle, cette idée n'est pas restée lettre morte, puisque j'ai regardé Pearl Harbor. Bon. J'avais trouvé ça nul quand j'avais seize ou dix-sept ans. Adulte, j'ai de nouveau trouvé ça assez raté. L'histoire d'amour est à peu près insupportable et la fin est d'un patriotisme tellement bas du front que j'ai rigolé pendant une demi-heure. Mais, cette fois, j'y ai aussi trouvé du bon: l'attaque de Pearl Harbor est prenante, notamment l'arrivée des Japonais (je ne sais pas si c'est très précis, mais on hallucine de voir qu'ils arrivent jusqu'au port sans se faire repérer); les Japonais, justement, ne sont pas présentés comme des méchants idiots et sanguinaires et parlent japonais entre eux, ce qui est un petit miracle dans le cinéma hollywoodien; le personnage du cuistot noir, bien que largement secondaire, a même un arc narratif pertinent et attachant, avec un passage qui m'a beaucoup émue ("Everybody is where they need to be, captain. You trained us well. You trained us well" – un moment d'humanité et de compassion au cœur du chaos); enfin, le personnage de Kate Beckinsale n'est pas sexualisé particulièrement, même si elle est très belle (pas de plans nichons comme dans Transformers, quoi). Et puis bon, on peut critiquer Michael Bay, mais il sait mettre en scène des explosions et de la destruction titanesque en restant lisible, ce qui est bien. D'ailleurs, il y a plétore d'explosions ici, c'était assez jubilatoire.

Sur grand écran


Terminator de James Cameron (1984)

Le premier film de mon dieu entre tous mes dieux, l'étoile la plus resplendissante de mon panthéon personnel 💖✨✨ Eh bien j'ai beaucoup apprécié cette découverte, même si ce n'est pas le genre de film que j'aime le plus, du fait qu'il n'y a pas d'épées et qu'il y a, au contraire, un truc que je hais, le voyage dans le temps. Mais c'est totalement maîtrisé sur le plan technique, bien joué et même bien assumé en ce qui concerne cet aspect temporel, l'éternelle histoire des gens (enfin, des machines, en l'occurrence...) qui provoquent ce qu'ils voulaient empêcher précisément en essayant de l'empêcher. Linda Hamilton joue très bien une fille tout à fait banale qui évolue énormément en peu de temps sans pour autant devenir imbattable et incassable (un peu comme le personnage de Rose dans Titanic); Arnold Schwarzenegger a une classe iconique en Terminator; et Michael Biehn a trouvé un bon équilibre entre guerrier aguerri et mec qui ne maîtrise rien (mais j'ai passé mon temps à me dire que ce beau blond ténébreux en imperméable gris aurait décidément fait un excellent John Constantine). Et sur le plan technique, c'est très avant-gardiste, bien sûr, malgré l'inévitable vieillissement des effets spéciaux. À noter également, une violence réelle et quelques plans sanglants auxquels je ne m'attendais pas. Enfin, la séance était précédée d'une courte vidéo de James Cameron en personne, qui revient sur l'histoire du film et le passage en 4K. J'ai à peu près fondu d'amour sur mon siège.

Flow. Le Chat qui n'avait plus peur de l'eau de Gints Zilbalodis (2024)

Un capybara, un chat et un maki-cata sont sur un bateau... 👀
Plus sérieusement, ce film est une merveille et un classique instantané. C'est beau, c'est humain, c'est hors de l'ordinaire, on croirait presque retrouver le merveilleux Payakan d'Avatar 2, c'est émouvant. Je ne suis pas sûre d'avoir tout compris à la symbolique, mais j'ai rarement vu quelque chose d'aussi beau qui touche aussi juste tout le temps.

Du côté des séries

Rien.

Et le reste


J'ai acheté le Canard Enchaîné dans l'espoir de rire un peu de la réélection de Donald Trump... Hélas, le palmipède a échoué. 😂😂 Même eux, ils m'ont plutôt fait baliser. Mais leur petit humour mordant est toujours un régal.

(Lire le journal debout dans le métro bondé est une sacrée galère. Mais surtout, ça m'a donné l'impression d'être dans un drôle de tunnel temporel, parce qu'on ne voit plus du tout les gens lire le journal. Deux semaines plus tard, au café de la Cinémathèque, toutefois, mon voisin lisait justement le Canard. Ça m'a fait chaud au cœur pour eux, parce que qui sait comment ils ont fait pour survivre en 100% papier jusqu'à cette année, sérieux.) (Et sans pub! SANS PUB! Vous vous rendez compte!)

En fin de mois, j'ai lu mon Cheval Magazine adoré. 💞

vendredi 29 novembre 2024

Le Café où vivent les souvenirs (2018)

Chronique express!


Après Tant que le café est encore chaud et Le Café du temps retrouvé de Toshikazu Kawaguchi, j'ai craqué: je n'ai pas pu résister à l'envie de lire le roman suivant parce qu'il est traduit du japonais par une troisième traductrice de haut vol après Miyako Slocombe et Mathilde Tamae-Bouhon: Géraldine Oudin. Et aussi parce que le titre est absolument irrésistible, bien sûr. Hélas, ça a été le voyage de trop. Malgré le changement de décor – le Funiculi Funicula de Tokyo laisse la place au Dona Dona d'Hakodate –, les répétitions incessantes des règles et l'application absolument identique de la même recette m'ont lassée, et j'ai donc lu l'ensemble sans grande implication – alors que l'idée d'avoir cette deuxième chance pour parler à quelqu'un dans le passé me vend vraiment du rêve. Il faut aussi dire que je m'embrouille affreusement dans les prénoms japonais, à tel point que j'ai pris des notes pour retenir qui est qui – mais ça, c'est une limite personnelle, qui n'est aucunement imputable à l'auteur. Bref, si le voyage vous tente, je recommanderais de se limiter au premier roman. 

Mise à jour suivant la rédaction de ce billet
J'ai interrogé une consœur traductrice concernant mes problèmes liés aux pronoms et à la concordance des temps dans des lectures récentes traduites du japonais. Apparemment, c'est l'un des enjeux de la traduction japonais > français: d'une part, le japonais n'utilise pas ou presque pas de pronoms et ne conjugue pas les verbes en fonction de la personne, ce qui fait qu'il faut souvent déduire le sujet de l'action du contexte (non mais 😱😱); d'autre part, il n'y a pas vraiment de temps passés et futurs, juste l'aspect des verbes (on n'a pas eu le temps de creuser, mais je pense que ça s'apparente au perfectif/imperfectif des verbes russes, pour ceux qui voient (moi, je ne vois pas vraiment, et ça fait trois ans que j'ai repris le russe 😂)). En bref, ça n'a rien à voir et il faut tout reconstruire en français. 🥹🥹

dimanche 24 novembre 2024

Les Joies d'en bas. Tout sur le sexe féminin (2017)

Après le triomphe du Charme discret de l'intestin de l'Allemande Giulia Enders, étudiante en médecine au moment de la rédaction et de la publication, Actes Sud a déniché un autre bouquin de santé écrit par une étudiante en médecine et illustré de manière rigolote, à la différence près que les autrices étudiantes en médecine, Nina Brochmann et Ellen Støkken Dahl, sont ici au nombre de deux et qu'elles sont norvégiennes, pas allemandes.

J'avais repéré Les Joies d'en bas depuis qui sait quand et je l'ai trouvé sur mon chemin par hasard, probablement dans l'étagère des livres à donner de ma médiathèque (mais je ramasse des livres sans cesse et partout, alors je confonds toujours un peu).

Contrairement à ce que le titre et la quatrième couverture peuvent laisser penser, ce livre ne parle pas que de sexualité féminine. C'est plutôt un ouvrage de santé gynécologique. La première partie présente l'appareil génital féminin, la deuxième parle des différentes sécrétions (oui, vraiment 🙃), la troisième s'occupe effectivement de sexe, la quatrième aborde la contraception, et la cinquième, la plus épaisse de toutes, passe en revue tous les problèmes de santé gynécologiques imaginables. Il ne faut donc pas le lire dans l'idée de "[mettre] le doigt sur le fameux point G", comme l'affirme la quatrième de couverture. D'autant que les autrices expliquent que ça n'existe pas, le point G. Lol...

J'ai trouvé cette lecture absolument passionnante et accessible. Tous les concepts sont expliqués simplement et clairement, avec une vraie volonté de dédramatiser certaines choses tout en incitant les femmes à demander de l'aide médicale quand elles ont le moindre doute. Pour ce qui est du fonctionnement de l'appareil génital et du sexe, je regrette même de n'avoir pas eu ce genre d'outil en main quand j'étais plus jeune; cela m'aurait peut-être évité certains tracas. Même maintenant que je me considère comme un minimum informée, cela m'a remis les idées en place sur certaines choses, à commencer par le fonctionnement de la pilule et la différence entre les types de pilule; je suis même allée relire la notice de mon acutelle pilule pour vérifier si ça coïncidait (réponse: oui. Youpi!). J'ai tout particulièrement apprécié le "plaidoyer pour une contraception hormonale", qui fait écho aux théories complotistes que j'avais vu passer sur Twitter ("il faut arrêter la pilule parce que les labos sont de méchants capitalistes qui veulent la mort des femmes"...). Quant à la partie sur les différentes maladies, elle m'a fait cotoyer avec effroi et soulagement toutes les horreurs que je n'ai pas subies dans ma vie: pas d'herpès, pas d'ovaires polykistiques, pas de mycoses, pas de chlamidiae!!!! 🥳🥳🥳

Le fait que le ton soit résolument antidramatique et que les titres soient rigolos joue pour beaucoup dans le plaisir que j'ai pris à lire cet ouvrage. "Le clitoris, un iceberg", "Petits conseils poilus", "Les myomes: l'utérus pochette-surprise": j'ai bien rigolé. J'en profite pour saluer le travail de la consœur Céline Romand-Monnier qui livre un texte très clair et agréable à lire, ce qui n'a pas toujours dû être facile – car il y a bel et bien un contenu scientifique et médical réel, comme en attestent les pas moins de cinquante pages de références bibliographiques en fin d'ouvrage. 🥹

Bref, un livre à mettre entre toutes les mains et à garder à portée de main par la suite, pour feuilleter certains passages de temps en temps.

mardi 19 novembre 2024

Les Mémoires d'un chat (2017) 🐈

Un livre avec un chat, c'est déjà très intéressant. Alors, un live avec un chat dont Baroona dit du bien... 🐱

Bon, en vrai, j'avais repéré ce livre depuis des lustres, mais je m'étais arrêtée au fait que le chat en couverture a une drôle de tête. Pour info, c'est une illustration d'Irina Garmashova-Cawton, une femme visiblement très bien qui dessine des tas et des tas de chats. 🥰

Dans ce roman traduit du japonais par Jean-Louis de La Couronne, Hiro Harikawa donne la parole à un chat de gouttière qui, suite à une blessure, s'installe chez un humain. Pas n'importe quel humain, hein. Un humain qu'il connaît déjà et qu'il aime bien. Et puis, le temps passant, le chat décide de rester là même s'il est guéri, et l'humain, Satoru, lui donne un nom: Nana. Mais des années plus tard, Satoru est contraint de se séparer de lui et cherche à le placer auprès d'une personne de confiance, ce qui l'amène à recontacter des proches plus ou moins perdus de vue.

Chaque partie du roman raconte ainsi la rencontre avec un potentiel adoptant.

Sur la forme, je dois dire que j'ai eu du mal avec ce roman à cause de la rédaction en français. (Bon, c'est une évidence: je ne lis pas le japonais, donc je ne risque pas d'avoir du mal avec la rédaction en japonais, HAHAHAHAHAHA.) Dans l'ensemble, le récit est raconté à la première personne par Nana. MAIS les adoptants potentiels s'expriment aussi à la première personne. Par conséquent, il faut déjà faire un petit ajustement au début de chaque chapitre pour savoir si "je" est un chat ou un humain. MAIS en plus, le point de vue des adoptants potentiels peut aussi être exprimé sous forme de récit extérieur à la troisième personne. Et là, vous ne savez plus du tout qui est "il" : l'adoptant, le chat vu par l'adoptant, Satoru vu par l'adoptant...? Ajoutez à cela que la concordance des temps est fluctuante, avec du passé composé, du présent, du passé simple et du plus-que-parfait mélangés au petit bonheur la chance, et vous avez une version de moi-même qui se désespère.

On pourrait attribuer la faute au traducteur, mais mon expérience personnelle me permet d'en douter (j'ai des travaux qui ont été salopés après mon passage, hélas) et, de toute façon, la responsabilité finale incombe à l'éditeur. Actes Sud, c'est un peu la maison que tout le monde encense, mais ce n'est pas la première fois que je m'étonne du manque de rigueur du travail éditorial, alors je suis assez perplexe. Notez toutefois que ces gens mettent le nom du traducteur en couverture, ce qui est bien et merveilleux.

Bon, donc, je critique la forme, mais, sur le fond, j'ai beaucoup apprécié cette lecture. Pas tout à fait autant que Baroona, mais quand même beaucoup. J'ai lu ce roman rapidement et avec plaisir, et j'ai bien sûr sangloté durant pas mal de pages à la fin, voilà voilà. C'est une belle histoire touchante sur les liens d'amitié (entre humains, mais aussi entre humains et non-humains) et sur les innombrables façons dont les vies des gens s'influencent, ainsi que sur une forme de bonheur simple que je ne saurais décrire précisément. Pour broder sur le Japon, c'est un peu comme les films de Miyazaki: à la fin, ça me donne un peu l'impression d'être une meilleure personne que je ne l'étais au début... Et Nana, quand il a la parole, est très très sympathique!!

Il n'est donc pas du tout impossible que je lise autre chose de cette autrice japonaise, d'autant que ce roman a une suite: Au revoir, les chats! Je sens qu'il faudra préparer quelques mouchoirs...

Allez donc voir ailleurs si ce chat y est!
L'avis de Baroona
L'avis de Grominou

jeudi 14 novembre 2024

Mémoires d'Outre-Mort (2014)

Chronique express!

New York, 1978. Un vampire aux traits éternellement jeunes charme les jeunes femmes pour boire leur sang avant de retourner dormir dans les tunnels du métro en compagnie de toute une petite communauté. À leur tête, Margaret, une Irlandaise qui ne s'en laisse pas conter et qui, armée de sa pelle, fait régner l'ordre en décapitant les trouble-fêtes s'il le faut. Et puis, un jour, trois enfants aux yeux brillants attirent l'attention de notre narrateur, John Peacock. Eux aussi chassent dans le métro. Mais ces vampires semblent différents des autres...

Ce roman de Christopher Buehlman est une sorte de thriller fantastique et punk: un récit axé sur l'action et le mystère des enfants, porté par une langue très moderne et enlevée ("Il faisait un froid à inciter les ours blancs à porter une petite laine" 😂), avec toutefois le retour en arrière pratiquement obligé dans une histoire de vampires (comment notre narrateur est-il devenu vampire) (un sale gosse bien attrapé, à mon humble avis). Même si ce n'est pas spécialement mémorable, j'ai bien accroché et j'ai réussi à lire ce roman en moins d'une semaine, ce qui relève du miracle. En outre, je n'ai pas du tout venir la fin, haha. Elle est pourtant pas mal annoncée au début, mais j'avais oublié! Seul bémol: la traduction de Jean Bonnefoy m'a semblé correcte, mais le découpage de certaines phrases m'a gênée à cause de la non répétition du pronom personnel dans la première proposition d'une nouvelle phrase. Bon, c'est vraiment une remarque de maniaque de la structure... 😉

Mise à jour du lendemain
Mince!! J'ai oublié l'info la plus essentielle!!! Pourquoi ce roman? Parce que l'ami Xapur vide ses bibliothèques, of course!
😊😊

samedi 9 novembre 2024

Mickael Bay. La fin de l'innocence (2022)

Au printemps dernier, Lloyd Cherry faisait ma journée – voire ma semaine, très franchement – en consacrant un épisode de C'est plus que de la SF au film Transformers de Michael Bay. Quel bonheur immense de l'entendre interviewer avec tout le sérieux du monde son invité, Robert Hospyan, et d'entendre celui-ci parler du cinéma de Bay avec tout autant de sérieux! Alors, bien sûr, il fallait que je lise l'essai que Robert Hospyan a consacré à mon réalisateur fétiche chez les éditions Aardvark.

🥰🥰🥰

Eh bien, malgré quelques envolées artistico-interprétatives qui m'ont un peu perdue et une propension qui me semble excessive à rapporter beaucoup de choses au fait que Bay a été adopté, cet essai est un vrai régal, avec une étude approfondie des thèmes et des techniques du cinéma bayien. Montage resséré et dynamique, pose emblématique du héros filmé en contre-plongée tandis qu'il se relève, notion du sacrifice de soi, parcours du mec lambda qui devient un héros, bonnes vieilles valeurs d'une americana fantasmée: les films de Michael Bay ont une patte bien à eux, qu'on reconnaît facilement et qui permet au réalisateur de nous dire quelque chose sur le monde – et un quelque chose qui va peut-être un peu plus loin que "vive les belles bagnoles et les nichons". Un cinéma qui vient du monde de la pub et en utilise certains codes pour nous vendre ses personnages et leurs enjeux, tout en étant conscient de sa démarche et en la tournant en dérision, voire en la critiquant ouvertement, comme dans The Island (que je n'ai pas vu mais qui a l'air pas mal du tout).

Dans l'ensemble, Robert Hospyan m'a donné très envie de revoir certains films de Michael Bay que je connais déjà (Armageddon, Pearl Harbor, No Pain No Gain) et d'en découvrir certains que je n'ai pas vus et qui ont l'air très bien (The Rock et The Island, déjà cité). En revanche, même sa bonne volonté et sa manière de pointer du positif partout n'ont pu me convaincre de m'intéresser aux deux Bad Boys, à Thirteen Hours et à Six Underground ou bien de me refarcir un jour l'épouvantable et insensé Ambulance. 😅

La grande question est à présent: que va devenir Michael Bay? Comment va-t-il se réinventer maintenant que la franchise Transformers est (heureusement) derrière lui? Pour ma part, je redoute le pire autant que j'espère le meilleur, mais je serai au rendez-vous.

Pour finir sur une note amusante: quelques pubs dans lesquelles Michael Bay apparaît dans son propre rôle

La pub Verizon 🤩🥰💥
La pub Commonwealth ("I used seven helicopters" 😂😂😂😂)
La pub Alfa Romeo

lundi 4 novembre 2024

La gamelle d'octobre 2024

Comme d'habitude, ce mois est passé à la vitesse de l'éclair et a été bien maigre sur le plan culturel, malgré une réelle volonté de ma part. Disons, pour voir le verre à moitié plein, que j'ai au moins remis les pieds au cinéma... 🥳

Sur petit écran

Je n'en parle pas plus en détail parce que cela permet de m'identifier un peu trop facilement, mais j'ai regardé deux dessins animés pour le boulot et c'était charmant.

Sur grand écran

Lee Miller d'Ellen Kuras (2024)

Une figure historique assez marquante, une Kate Winslet extraordinaire, une plongée dans la Seconde Guerre mondiale sous un angle assez rare, celui d'une photographe de guerre : une vraie réussite. J'espère que ce film aura un ou plusieurs Oscars. Note pour moi-même: le fauteuil vide de la fin m'a semblé particulièrement tragique, bien qu'il soit loin des évènements épouvantables qui précèdent. Toutes ces questions qu'on pose au silence et qui resteront sans réponse...

La Famille Addams de Barry Sonnenfeld (1991)


Ma famille spirituelle est vraiment la meilleure 🖤🖤🖤 Plus objectivement, ce film est une franche réussite sur tous les plans: Angelica Huston est génialissime en Morticia, Christina Ricci est génialissime en Mercredi, tous les autres acteurs sont pas mal du tout, les décors de la maison sont À TOMBER, la mise en scène est  bien fichue, les effets visuels ont bien vieilli, la moitié des répliques sont mémorables. Un régal!! Pour la petite histoire, la girl scout qui passe devant le stand de vente de Mercredi et Pugsley est jouée par Mercedes McNab, l'actrice qui a ensuite tenu le rôle de Harmony dans Buffy et Angel. C'était trop fou de la voir là!!

Du côté des séries

Toujours rien!

Et le reste

J'ai lu avec un immense enthousiasme un vieux hors-série "Une Vie, une œuvre" du Monde sur Simone de Beauvoir. Qui sait pourquoi, je me suis souvenue qu'il était en ma possession seulement quand j'ai lu La Force de l'âge en septembre, pas quand j'ai lu Mémoires d'une jeune fille rangée en février. Quelle femme extraordinaire!! Je me réjouis d'avoir encore des tas de ses écrits à lire. 🥰

Par je ne sais quel miracle, j'ai dégommé ma pile à lire de Cheval Magazine: en début de mois, j'ai lu le numéro de septembre (qui était arrivé extrêmement en retard) et celui d'octobre; et en fin de mois, j'ai lu le numéro de novembre. Cheval Magazine au cube, en résumé!

mercredi 30 octobre 2024

Charlotte Brontë. Se construire avec patience. Lettres de liberté et de détermination (2011)

Chronique express!

Dans leur collection Les Plis, les éditions L'Orma proposent une sélection de lettres d'un auteur ou d'une autrice, réunies dans un tout petit recueil très mignon, dont on peut plier la couverture de manière à l'envoyer par la poste. Une petite mise en abyme ravissante, qui donne beaucoup de charme à l'objet!

On m'a offert pour mon anniversaire le recueil de lettres de Charlotte Brontë, autrice anglaise que l'on ne présente plus et que j'aime beaucoup. N'ayant pas les originaux à disposition, je ne peux pas évaluer la traduction de Margaux Bricler en tant que telle, mais je peux dire deux choses positives sur le résultat: premièrement, ça se lit tout seul; deuxièmement, j'ai retrouvé une certaine manière qu'avait Brontë (et qu'avaient bien des gens de son époque) de construire ses phrases. Deux éléments qui sont très bon signe. Du point de vue du contenu, c'était très intéressant et stimulant, donnant à voir une femme avide de conseils littéraires, ayant les idées claires sur ses désirs et la réalité économique de son milieu et de son sexe, assez "droite dans ses bottes" – un trait que j'adore chez son personnage le plus connu, Jane Eyre (voir ma chronique du roman). Chaque lettre est précédée d'une courte présentation du destinataire et du contexte, ce qui est extrêmement utile pour bien en comprendre les tenants et les aboutissants (pour ne pas dire salvateur!). Malgré les difficultés et les chagrins d'une vie familiale franchement tragique, quel bouillonnement littéraire chez les trois sœurs Brontë et Charlotte en particulier! Elles étaient vraiment des géantes!!

vendredi 25 octobre 2024

Une Vieille Maîtresse (1851)

Un petit Barbey d'Aurevilly pour trois euros, comment refuser? 😊😊

L'histoire
À Paris, à la moitié des années 1830, deux vieilles dames prennent le thé avec la petite fille de l'une d'elles: Hermangarde de Polastron, jeune fille ravissante, innocente et amoureuse sur le point de se marier. Mais dès qu'Hermangarde quitte la pièce, l'une des deux dames, amie de longue date de la deuxième, tente de convaincre celle-ci d'empêcher ce mariage. Le fiancé, Ryno de Marigny, est un libertin de la pire espèce, qui a déjà ruiné une femme de la bonne société et qui traîne une réputation plus que sulfureuse. Quelques jours plus tard, Marigny, ayant appris que l'amie mène son enquête sur lui, décide de jouer cartes sur table et se confesse à la grand-mère de sa promise. Durant quatre chapitres, il décrira avec honnêteté la relation de dix ans qu'il a eue avec une Espagnole insaisissable, mystérieuse, indomptable et sensuelle, la terrible Vellini.

Ainsi se déroule la première partie de ce roman de Barbey d'Aurevilly, notre expert en regrets pour l'Ancien Régime et en Normandie spectrale. La relation entre les deux dames âgées, qui ont connu le XVIIIe siècle et ne s'en laissent pas conter par le XIXe, est assez sympathique, tout comme les efforts de la plus méfiante des deux pour prouver que Marigny a un comportement répréhensible. Puis le récit de Marigny est prenant. Coup de foudre improbable, tentative d'enlèvement à cheval, amours passionnées, rites destinés à unir les deux amants pour l'éternité, tout y est. À ce stade, on voit bien que Marigny est sincèrement amoureux d'Hermangarde et déterminé à ne jamais revoir Vellini, et on pourrait presque espérer. La grand-mère, d'ailleurs, est pleinement convaincue, et le mariage a bien lieu.

Sauf que.

Déjà, la quatrième de couverture de cette édition Folio divulgâche éhontement la fin de l'histoire. Et bon, je le connais un peu, Barbey. Je ne lis pas pour avoir des fins heureuses. Je le lis pour avoir des personnages torturés et une ambiance sombre qui pourrait presque flirter avec le surnaturel (ici: Vellini est-elle un peu sorcière, en fin de compte? Et cette Normandie désolée battue par les vents, quel bonheur!) Donc, je savais à quoi m'attendre dans la deuxième partie. Et la fin est à la hauteur des enjeux.

Contrairement à Folio, je préfère annoncer que je divulgâche, donc, attention: [divulgâcheur] après plusieurs mois d'extrême félicité conjugale, la pauvre Hermangarde assiste aux ébats de son mari adoré avec son affreuse maîtresse. Évidemment, comme on est au XIXe siècle, elle délire pendant des jours, fait une fausse couche et reste allitée pendant des semaines. Puis elle se relève, malgré son immense tristesse, et reprend tant bien que mal sa vie, mais sans reprendre sa vie sexuelle avec son mari infidèle et sans le pardonner formellement. D'un côté, Marigny a tout gagné, car il a fait le beau mariage qui l'a rendu riche et qu'il continue de fréquenter Vellini; mais le fait que, bizarrement, il aime sincèrement Hermangarde (aime-t-il les deux, au fond?) le prive du bonheur qu'il a goûté avant que Vellini n'aille le chercher au fin fond du Contentin [divulgâcheur].

Ce qu'on retient de ce roman, c'est ce triangle amoureux entre la jeune fille pure et héroïquement gentille, Hermangarde, que j'ai sincèrement aimée, Marigny, qu'on peut voir comme un mec bêtement dominé par sa bite, et bien sûr Vellini, la femme plate et laide aux pieds de laquelle les hommes se prosternent dès qu'elle bouge. C'est assez dingue, mais c'est vraiment ça l'idée: Vellini séduit par sa démarche et son regard oblique. C'est une femme qui respire la sensualité. (D'ailleurs, le roman ne parle pratiquement que de sexe, soit dans les souvenirs des personnages âgés qui ont eu leur vie sexuelle en leurs temps, soit dans les aventures des personnages jeunes.) Et elle a une volonté de fer, une conviction en son propre destin qui la rend pratiquement imbattable.

J'ai trouvé que le livre avait quelques longueurs (une lettre de Marigny, notamment, décrit ce à quoi le lecteur a déjà assisté), mais globalement j'ai adoré.

Pour le fun, je suis allée relire l'article de Mes Haines qu'Émile Zola a consacré à Barbey et qu'il a sobrement intitulé, dans sa deuxième moulure, "Le catholique hystérique". (Quelle rime, mon petit Émile!) Il faut que vous sachiez que Barbey s'est reconverti au catholicisme à un moment donné et que la société française de l'époque n'était pas du tout apaisée en matière de religion, et, comme le titre le laisse penser, Zola ne partageait pas ses idées. Toutefois, cet article date de plus tard, 1865, et fait la critique d'un autre roman de Barbey, Un prêtre marié, que je n'ai pas encore lu. J'y ai trouvé des critiques qui ne sont pas délirantes au regard de ce que j'ai déjà lu de lui, mais j'aimerais souligner que Zola lui-même, dans sa chronique au vitriol, reconnaît qu'il y a du bon dans ce roman. Je me réjouis de le lire un jour!! 🤩

Autres livres de l'auteur déjà chroniqués sur ce blog
L'Ensorcelée (1852)
Les Diaboliques (1874)
Une histoire sans nom (1882)

dimanche 20 octobre 2024

Dewey (2008) 🐈📚

En janvier 1988, par une froide journée d'hiver, Vicki Myron, directrice de la bibliothèque de Spencer, dans l'Iowa, trouve un chaton transi de froid dans la boîte de retour des livres. Le chaton survit et l'équipe décide vite de le laisser habiter sur place. Baptisé Dewey Readmore Books en hommage à la classification décimale de Dewey (ces bibliothécaires, toujours prêts à faire une petite blague!), il vivra là jusqu'à sa mort en 2006.

Et bien sûr, s'il y a un livre sur lui aujourd'hui, c'est que ce chat était extraordinaire, ou plutôt qu'il a connu un destin hors du commun, vu que tous les chats sont extraordinaires par essence. 😼

Avec l'assistance de Bret Witter, Vicky Myron aborde trois grands sujets dans son livre: bien sûr, la vie de Dewey à la bibliothèque, ses habitudes, ses aventures, ses goûts alimentaires, etc.; la ville de Spencer et l'effet de la présence de Dewey sur les habitants; et sa vie à elle, notamment familiale. La partie sur Spencer donne à voir une petite ville du Mid-West avec ses difficultés économiques et son moral d'acier. C'est un peu le cliché du bon vieux trou paumé américain, où les gens travaillent dur et ne se plaignent pas. La présence d'immenses champs de maïs, pour ma part, m'a fait penser avec une certaine nervosité à Stephen King, HAHAHAHAHAHA. La partie sur la vie de Vicky elle-même est sans doute la moins intéressante, même s'il faut lui reconnaître qu'elle n'a pas eu une vie facile, notamment en raison de problèmes de santé colossaux et de son mari alcolique (j'aurais bien aimé savoir ce qu'il est devenu, d'ailleurs!).

Mais Dewey est là. Tous les matins, Dewey attend Vicky à son arrivée à la bibliothèque. Tous les matins, deux minutes avant l'ouverture au public, Dewey se poste devant les portes. Et en peu de temps, il devient l'attraction de la ville. Vicky Myron détaille plein de petits changements. Elle précise bien que la présence du chat n'était pas non plus un remède miracle, mais les tensions existantes se sont apaisées au sein de l'équipe, le nombre de visiteurs a augmenté, les enfants turbulents ont appris à se tenir plus calmement pour ne pas lui faire peur, des enfants handicapés et des adultes au bout du rouleau ont souri pour la première fois depuis qui sait quand en le voyant. Bref, du lien social s'est retissé autour de ce chat. Et moi, j'adore les histoires de lien social et j'adore les histoires d'animaux et de thérapie par les animaux. Là, ce n'était pas une thérapie, mais il s'est passé quelque chose. Dewey a aidé des tas de gens juste en étant là, en dormant sur leurs genoux et en se baladant sur le chariot à livres. Comme des dizaines de chevaux de club m'ont aidée juste en mangeant leur foin sous mes yeux ou en me laissant les gratouiller.

Une belle histoire vraie, en somme. Vicky Myron n'arrête pas de dire que Dewey savait ce qu'il faisait et était ravi de le faire, ce qui me semble relever de l'antropomorphisme, mais l'histoire est touchante, et donne furieusement envie d'emménager dans une ville dont la bibliothèque a un chat à résidence!

Le petit truc en plus que vous devez absolument savoir:
Ce livre est traduit de l'anglais par Bérengère Viennot, qui a dû bien rigoler en intitulant un article de journal "Charperlipopette" (qui sait ce qu'était l'original!). Je vous ai déjà parlé d'elle, car elle est plus tard devenue la grande experte de la traduction de Donald Trump. Le grand écart. Je pense qu'elle a dû passer un meilleur moment avec Dewey. 😂

mardi 15 octobre 2024

Maupassant (1989)

Chronique express!

Henri Troyat était écrivain, mais je le connais uniquement en tant que biographe: j'ai lu, il y a fort longtemps, sa biographie d'Alexandre Dumas, puis, il y a longtemps aussi mais quand même moins, celle d'Émile Zola. Adorant Guy de Maupassant, je n'ai pas hésité une seconde à acheter cette biographie-ci lorsque je l'ai trouvée d'occasion. Je connaissais déjà assez bien la vie de Maupassant dans les grandes lignes, car je l'ai étudié à l'école et j'ai lu un assez grand nombre de ses livres, mais j'ai bien sûr approfondi considérablement le sujet en passant un peu plus de 300 pages en sa compagnie. C'était très intéressant, car Maupassant a eu une vie hors de l'ordinaire: un mode de vie débridé avec beaucoup de femmes, une carrière littéraire express mais flamboyante au contact de très grands noms du XIXe siècle (Flaubert d'abord, qui l'a beaucoup aidé, puis Zola évidemment, et Edmond de Goncourt qui ne s'est guère privé de le démollir dans son journal), puis une mort particulièrement tragique. Né en en 1850, il a publié à partir de 1879 et a réussi à sortir six romans et quinze (!) recueils de nouvelles avant de sombrer dans la folie au début des années 1890. (Et quelle folie: le dernier chapitre est horrible et serre le cœur. Maupassant se croyait persécuté, piétinait des insectes qu'il était le seul à voir, léchait les murs de sa cellule, se retenait d'uriner parce que l'urine "est faite de bijoux"...) Henri Troyat évoque aussi sa vie sexuelle hyperactive. Je savais que Maupassant était un coureur de jupons, mais, apparemment, il couchait vraiment tout le temps, partout, avec des femmes de toutes les catégories sociales possibles. Sa folie a d'ailleurs été provoquée par la syphillis, une MST. Et sinon, j'ai découvert qu'il bataillait sec avec ses éditeurs pour se faire payer, et bien payer, et vite payer. De nos jours, il serait à la Ligue des auteurs professionnels!

Je vous laisse sur un extrait d'une lettre de Flaubert qui rend bien l'idée de l'activité sexuelle de Maupassant. Le 27 juillet 1877, Gustave Flaubert indique à Ivan Tourgueniev:

"Aucune nouvelle des amis, sauf le jeune Guy. Il m'a écrit récemment qu'en trois jours il avait tiré dix-neuf coups! C'est beau! mais j'ai peur qu'il ne finisse par s'en aller en sperme."

Je.

Je.

"J'ai peur qu'il ne finisse par s'en aller en sperme."

Les mots me manquent. Le dix-neuvième, ce siècle pudibond. 😂😂😂

jeudi 10 octobre 2024

Les BD du troisième trimestre 2024

Comme d'habitude, retour sur les lectures graphiques du trimestre écoulé!

La sage-femme du roi d'Adeline Lafitte (scénario) et Hervé Duphot (dessin) (2023)

L'histoire de Madame du Coudray, une sage-femme parisienne qui a réussi à professionnaliser son métier, et surtout l'enseignement de celui-ci, durant la deuxième moitié du XVIIIe siècle. À cette époque, les chirurgiens – hommes – s'appropriaient de plus en plus ce métier majoritairement féminin et le taux de mortalité des femmes en couches et des bébés était très élevé en province. Un beau combat inspirant, en somme. J'ai beaucoup apprécié que l'autrice n'en fasse pas non plus un modèle de pratiques irréprochables; même si Madame du Coudray exerçait un métier moderne pour son temps, on la voit saigner une patiente parce qu'il ne faut pas que le bébé "se noie dans tout ce sang", ce qui laisse quand même songeur. 👀
Une BD découverte chez Baroona.
Éditeur: Delcourt / Mirages

Girlfriends de Sara Soler, traduit de l'espagnol par Jacques Fuentealba (2021)

Une BD adorable sur la très belle histoire de l'autrice et de sa compagne et la transition de celle-ci vers son identité de femme. Ça fait rêver, un couple qui partage tout et se soutient comme ça. Moi, je ne sais pas trop comment je réagirais si mon compagnon m'annonçait, après des années, qu'il est en fait une femme. On a un bel exemple d'amour véritable, l'amour qui porte sur l'identité de fond de la personne et non sur ses caractéristiques externes. En plus, j'ai appris des tas de trucs sur un sujet que je connais mal. Bon, visiblement, je ne suis pas 100% "déconstruite", comme on dit, mais j'ai adoré!
Éditeur: Sarbacane

Paul Jenkins présente Hellblazer. Volume 1 de Paul Jenkins (scénario) et Sean Philips (dessin), traduit de l'anglais par Philippe Touboul (1995-1996)

Bien bien bien. Deux ans après ma dernière lecture de Hellblazer, j'ai enfin attaqué les volumes réunissant les épisodes scénarisés par Paul Jenkins. Le premier volume, paru chez Urban Comics en novembre 2022, réunit les épisodes 89 à 107. Hélas, j'ai détesté les dessins de Sean Philips et je n'ai rien pigé à la moitié des histoires. J'aime toujours beaucoup le personnage désabusé qui fume clope sur clope, mais, vraiment, je suis arrivée à la fin de la moitié des épisodes en ne sachant pas le moins du monde pourquoi ça se terminait comme ça. Je vais quand même lire le deuxième volume, mais je suis assez frustrée.
Éditeur: Urban Comics

All You Need Is Kill de Hiroshi Sakurazaka (scénario), Ryosuke Takeuchi (storyboard), Yoshitoshi Abe (design des personnages) et Takeshi Obata (dessin), traduit du japonais par Thibaud Desbief (2014)

All You Need Is Kill est à l'origine un "light novel" de Hiroshi Sakurazaka sorti en 2004. Hélas, je n'en savais rien quand je me suis procurée son adaptation en manga, et, de toute façon, ma médiathèque ne l'a pas et il n'est plus édité en France, donc j'aurais commencé par le manga même si j'avais su, haha. Bref, cette version manga est pas mal du tout, même si je ne suis pas très fan du "dessin manga" en général et si j'ai eu du mal à déchiffrer certains dessins de combats. Le premier tome parle de Keiji Kiriya, un jeune soldat pris dans une boucle temporelle en pleine guerre contre les extraterrestres; le deuxième tome parle plutôt de Rita Vrataski, guerrière inégalée dans la lutte contre ces mêmes extraterrestres. La fin est nettement plus cruelle que dans l'adaptation cinématographique américaine avec Tom Cruise et Emily Blunt, Edge of Tomorrow, mais celle-ci est quand même fidèle, à tel point que le fait d'avoir vu le film m'a aidée à comprendre certains dessins, haha.
Éditeur: Kazé Manga

samedi 5 octobre 2024

La gamelle de septembre 2024

En mai dernier, je faisais le bilan d'avril en disant "Plus la loose culturelle que ce mois d'avril, tu meurs!" Eh bien, j'ai réussi à faire pire en septembre, puisque je n'ai pas mis le pied au cinéma et que même mes vacances ne m'ont pas donné l'énergie nécessaire pour me remettre aux séries.

Quelques informations positives, tout de même, pour remettre en contexte ce vide intersidéral: je suis partie en vacances loin de mon cinéma, j'ai bu de l'eau gazeuse au bar en regardant les chiens promener leurs gens le long de la mer (👀👀), j'ai fait des mots croisés (La Settimana Enigmistica 💖 Ça me donne l'impression de retrouver mes grands-parents!) j'ai lu deux pavés (La Force de l'âge de de Beauvoir et Le Seigneur des Anneaux de Tolkien), j'ai fait du cat-sitting et je suis allée à un mariage (et deux fois, les cérémonies civile et religieuse n'ayant pas lieu le même jour). Ceci explique en partie cela.

Sur petit écran

J'ai regardé pas mal de vidéos YouTube en vacances. De la bouffe, du lifestyle, de la papeterie, des chevaux. Dès que je suis rentrée chez moi, YouTube a disparu de mon quotidien. Snif.

Sur grand écran

Rieeeeeeeeeeen.

Du côté des séries

Rieeeeeeeeeeeen. Je suis partie en vacances avec l'idée de regarder Shogun, mais c'était trop difficile, il fallait réfléchir à quand caler un moment avec mon copain, il fallait délaisser les mots croisés et de Beauvoir, ou alors délaisser la papeterie sur YouTube...

Et le reste

J'ai lu le Manière de Voir du Monde Diplomatique sur les trains. Une lecture passionnante, comme d'habitude, même si le constat du non-investissement en faveur du train en France est dé-so-lant.

Et c'est tout!!!! La situation chevalmagazinesque est catastrophique!!!!! 😱😱 Mon Cheval Magazine de septembre a dû se perdre quelque part, car il n'était toujours pas arrivé à mon retour de vacances. J'ai contacté l'éditeur pour signaler le problème. J'ai reçu le numéro d'octobre à la date prévue, fin septembre, mais je n'y ai pas touché car j'attendais que l'éditeur me renvoie le numéro de septembre. Puis le numéro de septembre est arrivé et je n'ai pas eu le temps de m'y mettre. Je l'ai donc commencé... le 30 septembre à 22 h 30. Et j'ai donc deux numéros de retard. Quand vais-je donc lire ça, je me le demande. 🐴🐴

lundi 30 septembre 2024

The Lord of the Rings (1954-1955)

Tout ayant déjà été dit sur Le Seigneur des Anneaux, et dans la plupart des cas par des gens bien plus érudits que moi, je me contenterai de quelques remarques rapides que j'aimerais ne pas oublier! Qu'est-ce qui m'a marqué cette fois-ci?

Divulgâcheur: malgré ma volonté de ne pas faire de chronique à proprement parler, ce billet est interminable. Lol.

1/ Cette relecture n'avait que trop tardé, puisqu'elle était au programme depuis 2015, mais, au final, je pense que ce retard était un mal pour un bien, car je connais le roman presque trop bien: je me souviens souvent, en commençant un chapitre, de tout ce qu'il s'y passe, et de ce qu'un tel va dire à tel moment. Si je l'avais relu aussi vite que je le voulais (en 2015 par rapport à 2011), cela m'aurait probablement gâché mon plaisir. Je ne sais donc pas si je le relirai encore une fois un jour. Il faut quand même dire que c'était la sixième fois que je le lisais.

2/ Au début, le roman commence assez doucement, presque naïvement. Les affaires des hobbits sont plutôt rigolotes, et il y a même des chansons que l'on peut presque qualifier de chansons à boire. On est tout de suite portés par le récit, certes, mais même le chapitre 2, "The Shadow of the Past", qui raconte pourtant l'histoire de l'Anneau, n'est pas très épique. Ce n'est qu'au chapitre 5, "A Knife in the Dark", qu'on a le premier passage DINGO – et c'est d'ailleurs grâce aux hobbits, car c'est là que les habitants de Buckland sonnent l'alarme à cause des Cavaliers noirs.

"AWAKE! FEAR! FIRE! FOES! AWAKE!"
Quelques paragraphes qui vont crescendo et se terminent sur le point de vue des Nazgûls: "Let the little people blow! Sauron would deal with them later." C'est deux phrases à peine, mais le ton est donné, l'heure est grave, j'avais la chair de poule.

3/ Les poèmes de Tolkien me semblent assez inégaux. Parfois, il touche au génie, c'est absolument exceptionnel, comme dans la fameuse comptine de l'Anneau. Parfois, et notamment dans les chansons rigolotes, je n'y trouve ni rimes ni rythme, et ça me laisse très froide.

4/ À part ça, tout est génial DINGO EXCEPTIONNEL STUPÉFIANT INOUBLIABLE BOULEVERSANT. J'ai lu des tas de passages deux fois pour bien les savourer et m'en imprégner. Quel génie de la langue, de la construction de personnages, de la création de monde évidemment, de la construction d'une intrigue où chaque bout microscopique est parfaitement à sa place et même essentiel à l'ensemble, halàlàlàlà.

5/ La droiture morale. En juin dernier, j'ai relu Légende de David Gemmell pour me donner du courage en pleine catastrophe politique. Le Seigneur des Anneaux joue sur les mêmes ressorts: il me donne à voir des gens qui sont DROITS, fidèles à leurs valeurs. Par exemple, lors de la poursuite de Merry et Pippin, Gimli, visiblement d'humeur chafouine, râle beaucoup et fait remarquer à Aragorn que s'ils ne trouvent pas à bouffer, ils ne pourront pas faire grand-chose pour les hobbits, même à supposer qu'ils les retrouvent, à part témoigner de leur amitié en mourant de faim avec eux. Et Aragorn répond, en gros: "Si c'est tout ce que nous pouvons faire, c'est ce que nous ferons". Putain. Si tout ce que tu peux faire c'est crever de faim avec ton pote, alors tu crèves de faim avec ton pote. C'est exactement comme quand tout ce que tu peux faire c'est te faire tailler en pièces sur les remparts de Dros Delnoch. Putain. C'est DINGO. Je pense aussi au terrible calvaire de Frodo dans le Mordor et à la dernière étape sur les flancs du volcan. Il rampe. Vous vous rendez compte. Il ne tient plus debout, alors il rampe. IL RAMPE sur la pente pour se rapprocher de la route et du sommet. Il rampe, putain. (Sam, à l'inverse, est brutal avec Gollum, et c'est sa faute si Gollum est perdu pour toujours; et je trouve dommage que Tolkien ne le condamne pas.) Et Faramir!!! Alors là!!! Faramir!!! Un de mes personnages préférés!!!

6/ Faramir m'amène à une autre chose qui m'a marquée: les films de Peter Jackson sont quand même assez loin du roman, sur certains plans. Peter Jackson est scrupuleusement fidèle à certaines choses, mais il y a ajouté quelque chose de spectaculaire que Tolkien aurait sans doute renié, à commencer par les Cavaliers Noirs qui sont bien plus effrayants dans les films que dans le premier roman. Et certaines choses sont carrément contradictoires, comme le fait que Narsil ne soit reforgée que vers la fin. Sinon, je lui reproche très fort d'avoir modifié Faramir ainsi – sans compter que le détour par Osgiliath doit sacrément foutre la merde dans les calendriers méticuleux de Tolkien. 😂😂

7/ À propos de calendrier: le plus dur à comprendre et surtout à retenir, ce n'est pas qui est qui, mais quel jour on est, où en est la lune et où sont les différents reliefs les uns par rapport aux autres. 😂😂 J'ai passé mon temps à consulter la carte, car Tolkien décrit tout le temps ce que les personnages voient à l'horizon, et bien sûr les différents reliefs sont à des points cardinaux différents selon où vous vous trouvez, donc les montagnes qui étaient au sud de machin sont à l'ouest de truc, etc.

8/ ARAGORN!!!! ARAGORN!!!! ARAGORN!!!! GANDALF!!! GANDALF!!! GANDALF!!! FARAMIR!!! FARAMIR!!! FARAMIR!!! C'est tellement FFFFFFFFOUUUUUU!!! Dès qu'ils ouvrent la bouche, c'est FFFFFOUUUUUUU!!! Et je suis vraiment très amoureuse d'Imrahil, malgré son rôle infime!! Je parierais presque que Peter Jackson ne l'a pas adapté parce qu'il n'a pas trouvé un acteur à la hauteur!!! 😂😂
"Amroth for Gondor!" they cried. "Amroth to Faramir!"
AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHH!!

9/ Shelob!! N'oublions pas Shelob!! Elle est terrifiante, avec son appétit qui pourrait avaler le monde et la relation gagnant-gagnant entre elle et Sauron.
"But still, she was there, who was there before Sauron, and before the first stone of Barad-dûr; and she served none but herself, drinking the blood of Elves and Men, bloated and grown fat with endless brooding on her feasts, weaving webs of shadow; for all living things were her food, and her vomit darkness."
 
10/ Je suis partie en vacances avec la jolie édition Guild Publishing visible au début de ce billet (mais qui ne contient pas les appendices, que j'ai relus dans mon vieil exemplaire qui tombe en morceaux, visible ci-dessus), le dictionnaire du monde de Tolkien publié par la Società tolkienania italiana et la version italienne de l'Atlas de la Terre du Milieu de Karen Wynn Fonstad. Ces deux derniers bouquins sont des cadeaux de ma mère, et qu'est-ce qu'ils me sont précieux, pour m'exprimer comme certains personnages de ce roman: ils sont des preuves que j'ai aimé Tolkien quand j'étais encore jeune et pleine de rêves, ils sont des preuves que ma mère a existé et n'est pas qu'un délire de mon cerveau malade, ils sont la preuve que non seulement elle a existé mais elle a pensé à moi pour des Noël et des anniversaires, ils sont la preuve que nous avons partagé ça. Elle devait m'aimer un peu, quand même, au moins un peu; je n'étais pas strictement rien du tout. Je vendrais un rein, je donnerais tout, même Le Seigneur des Anneaux, pour la revoir. Je me contenterais d'une toute petite toute petite place...

11/ Je n'ai pleuré qu'à la fin, et à peine, mais l'émotion a été grande en le refermant. La nostalgie qui s'en dégage, le crève-cœur des séparations, la conviction que c'est là ce que l'humanité a fait de mieux, que ça rachète bien des misères et des petitesses, que c'est l'œuvre d'art ultime, qu'on est même au-delà d'Avatar (que je considère pourtant comme le film qui m'a sauvé la vie, quand je me parle à moi-même sur un ton dramatique) – et en même temps la sérénité qui se dégage de ce monde où les échelles de temps sont autres et où l'on peut espérer panser ses plaies, un jour.
"Well, here at last, dear friends, on the shores of the sea comes the end of our fellowship in Middle-earth. Go in peace! I will not say: do not weep; for not all tears are an evil."
Les larmes qu'on verse sur Le Seigneur des Anneaux ne sont indubitablement pas un mal.

12/ Dans la dernière partie des appendices, Tolkien parle de ses choix de traduction depuis la langue commune de la Terre-du-Milieu vers l'anglais, avec les difficultés et les limites de son travail. C'est tout à fait les genres de question qu'on se pose, les vrais traducteurs, et on en viendrait presque à se dire que le gars n'a pas du tout ÉCRIT Le Seigneur des Anneaux mais l'a réellement TRADUIT, et c'est DINGO, parce que cela voudrait dire... que tout était vrai. 💕💖

13/ La Communauté de l'Anneau étant sorti en 1954, Le Seigneur des Anneaux fête ses soixante-dix ans cette année. Comme Godzilla! 🥳🥳🥳

jeudi 19 septembre 2024

La Fin du monde a du retard (2014)

Chronique express!

Un asile psychiatrique, un amnésique qui veut déjouer le Grand Complot – le seul complot qui vaille la peine d'être déjoué –, une amnésique qui ne ressent plus aucune émotion après avoir provoqué la mort de tous les invités à son mariage, un commissaire de police qui n'a plus que cinq jours à tenir avant la retraite, une évasion alambiquée avec une voiture déguisée en soucoupe volante (une "soucoupe roulante", donc): voilà les ingrédients du début de ce roman de J. M. Erre, aussi loufoque que son titre peut le laisser penser. J'ai bien rigolé avec cette histoire de complotisme puissance mille, puisque le Grand Complot consiste, entre autres, à inonder le public de complots fumeux pour discréditer l'idée même de complot (😂😂). Mené tambour battant avec un humour omniprésent, un ton décalé truffé de considérations sur les ressorts d'une quête et d'un récit (du genre "ici, un silence se fit, mais pas trop longtemps pour ne pas ralentir le rythme de l'action"), des personnage sympathiques et pas mal de références pop culture, ce roman était une parfaite lecture détente! J'ai juste trouvé la fin un peu décevante (mais peut-être logique au vu de l'intrigue). Il n'est pas du tout impossible que je lise autre chose de l'auteur à l'occasion...

samedi 14 septembre 2024

La Force de l'âge (1960)

Après Mémoires d'une jeune fille rangée, j'avais très très envie de poursuivre ma lecture des mémoires de Simone de Beauvoir, et j'ai profité d'une période de vacances assez calme pour emprunter le deuxième volume, La Force de l'âge. L'édition Folio fait 786 pages avec très peu d'espaces dus aux retours à la ligne ou aux changements de paragraphe, et il faut donc prévoir du temps pour s'y attaquer.

"Vingt et un ans et l’agrégation de philosophie en 1929. La rencontre de Jean-Paul Sartre. Ce sont les années décisives pour Simone de Beauvoir. Celles ou s’accomplit sa vocation d’écrivain, si longtemps rêvée. Dix ans passés à enseigner, à écrire, à voyager sac au dos, à nouer des amitiés, à se passionner pour des idées nouvelles. La force de l’âge est pleinement atteinte quand la guerre éclate, en 1939, mettant fin brutalement à dix années de vie merveilleusement libre."
La quatrième de couverture résume parfaitement la première partie du livre. De 1929 à 1939, de Beauvoir enseigne la philosophie dans différents lycées pour jeunes filles et consacre l'intégralité de son temps libre à Jean-Paul Sartre, la lecture, l'écriture et la marche. C'est absolument enthousiasmant. J'ai eu l'impression d'une personne qui croquait la vie à pleines dents, abattait une quantité de travail phénoménale, lisait TOUT, explorait l'Europe à un rythme de marche ahurissant, sans jamais hésiter. En réalité, de Beauvoir s'est aussi posé beaucoup de questions, notamment sur la société et sur ses futurs romans, et elle en parle longuement, mais cela ne ralentit aucunement L'ÉLAN qui se dégage de son récit. Son sac et quelques affaires sur le dos, elle a parcouru la France entière, l'Italie, la Grèce, l'Espagne, l'Allemagne avec peu de sous mais une détermination à toute épreuve, généralement en compagnie de Sartre, mais parfois seule et parfois avec des amis. Même quand elle arpente Rouen, où elle a enseigné et qu'elle décrit, somme toute, comme une ville de province endormie, on a l'impression qu'elle explore un lieu extraordinaire et le voit d'un œil plus acéré que le commun des mortels.
"Un jour, au premier étage du Flore, Sartre demanda à Queneau qu’est-ce qui lui restait du surréalisme : « L’impression d’avoir eu une jeunesse », nous dit-il. Sa réponse nous frappa, et nous l’enviâmes."
C'est un peu ce que j'ai ressenti en lisant ces mémoires: l'impression que de Beauvoir a eu une jeunesse qui, chez moi, ne s'est jamais manifestée.

Le tout en refaisant le monde dans l'attente de la révolution socialiste destinée à balayer la société petite-bourgeoise. Sur ce dernier point, de Beauvoir est très transparente, car elle n'était pas 100 % à l'aise avec sa propre condition de petite-bourgeoise: issue d'une famille originellement aisée, elle a pu faire des études et avait un revenu assuré en travaillant pour l'Université, et elle était donc loin de la condition ouvrière; elle contournait la chose par une sorte de pirouette, du type "je suis dans le système mais je n'en fais pas vraiment partie", et cela a quelque chose de rassurant de voir que même un grand esprit est en fait un humain avec ses contradictions.

Ces années sont bien sûr celles de la montée du fascisme dans toute l'Europe, et tant de Beauvoir que Sartre ont fait preuve d'un bel aveuglément, croyant à chaque étape que ce n'était qu'une situation mineure destinée à se résoudre facilement: le parti nazi ne tiendra jamais, Hitler ne restera pas longtemps au pouvoir, le soulèvement de Franco contre la République espagnole sera vite réglé... Et elle en parle avec une honnêteté que je trouve admirable. Pages terribles sur la guerre d'Espagne et la destruction du Frente Popular, en partie à cause de l'inaction de la gauche française. Au contraire, pages exaltantes sur la victoire du Front Populaire français, la semaine de quarante heures, la condition ouvrière qui change pour de vrai!

Ces années-là sont aussi celles des amitiés fusionnelles et des fameux ménages à trois, que de Beauvoir peint comme un peu schyzophrènes, très franchement. En même temps, les trois quarts des personnages sont des originaux et/ou des phénomènes, alors on imagine bien que les relations amicales et amoureuses entre eux sont spéciales. Wikipédia m'informe qu'elle a depuis été accusée de fournir des jeunes femmes à Sartre, mais rien ici ne permet de le soupçonner... (Et en même temps, elle ne l'aurait pas dit si cela avait été le cas, bien sûr.) Quant à la relation avec Sartre, elle est tout à fait unique et irremplaçable, et de Beauvoir semble tout à fait sincère quand elle dit qu'elle n'a jamais été jalouse de ses autres relations car elle savait que la leur était au-dessus de tout.

Ayant pris de la mescaline, Sartre s'est cru poursuivi, durant des années, par des crustacés. C'est tout à fait dingue. De Beauvoir raconte que ça lui a bien pourri une année scolaire. Puis il s'est remis. Mais cela donne des passages très drôles.
"Nous nous arretâmes encore quelques jours à Rome. Assez brusquement, l'humeur de Sartre changea; le voyage s'achevait et il retrouvait ses soucis: la situation politique, ses rapports avec Olga. J'eus peur. Est-ce que les langoustes allaient ressusciter? [...] Alors, nous allâmes prendre une chambre, et dormir. Sartre me dit plus tard que tout au long de cette nuit une langouste l'avait suivi."
Je... Les mots me manquent. Qui l'aurait cru?

Simone Weil est aussi citée, mais de très loin, car ils ne fréquentaient pas les mêmes cercles, tous les trois. Chez Gallimard, Sartre décrit, dans une lettre que de Beauvoir reproduit, qu'il est tombé sur Jules Romains, l'auteur de la saga des Hommes de bonne volonté que j'ai entrepris de lire. Ça m'a fait plaisir de voir que ces gens-là connaissaient cet auteur tombé dans l'oubli. Dans la deuxième partie, entre en scène un jeune auteur que de Beauvoir et Sartre ont tout de suite remarqué: un certain Albert Camus. Hystérie de ma part, moi qui ai été tant marquée par La Peste.

Cette deuxième partie, justement, m'a encore plus plu que la première, car elle est le récit de la guerre. D'abord, le journal que de Beauvoir tenait à l'époque, de septembre 1939 à septembre 1940: la sidération de la déclaration de guerre, l'angoisse des débuts, les mois d'incertitude durant lesquels il ne se passait rien, puis le désastre de juin 1940, l'angoisse d'être sans nouvelles de Sartre qui avait été mobilisé, l'exode en direction d'Angers, le retour dans une Paris occupée. Puis quatre ans d'occupation, les intellectuels du café de Flore, l'écriture de son premier roman, la nourriture qui prend une place prépondérante en raison de sa rareté, les tentatives de participer à la Résistance en tant qu'intellectuels, la peur pour les amis juifs, les nouvelles affreuses concernant tel ou tel ami ou connaissance tué au combat, fusillé ou disparu dans un train en direction de l'Est. Et enfin, le retour de l'espoir, de la certitude qu'il y aura un après. Sartre et de Beauvoir n'ont pas eu la guerre la plus affreuse de tous, vu qu'ils n'ont été ni emprisonnés ni blessés ni déportés (ils ont même pu partir en vacances en vélo et passer sans trop de difficultés en zone libre!!), mais on sent toute l'angoisse de cette période d'impuissance et d'horreur pour le régime vichissois.

Non contente de saisir avec acuité le monde qui l'entoure, de manier des notions de philosophie subtiles (d'ailleurs, je n'ai pas vraiment compris ce qu'elle raconte au sujet des personnages de ses romans, mais cela est sans doute partiellement dû au fait que je n'en ai lu aucun), de s'auto-étudier avec une grande finesse, de Beauvoir est aussi capable de dire "sur ce point, j'ai changé d'avis" ou "sur ce point, je me suis trompée", ce que je trouve admirable. Le troisième tome de ses mémoires, La Force des choses, est disponible en deux tomes, pour un total de 900 pages. J'espère avoir un créneau pour le lire durant la première moitié de 2025.