vendredi 25 octobre 2024

Une Vieille Maîtresse (1851)

Un petit Barbey d'Aurevilly pour trois euros, comment refuser? 😊😊

L'histoire
À Paris, à la moitié des années 1830, deux vieilles dames prennent le thé avec la petite fille de l'une d'elles: Hermangarde de Polastron, jeune fille ravissante, innocente et amoureuse sur le point de se marier. Mais dès qu'Hermangarde quitte la pièce, l'une des deux dames, amie de longue date de la deuxième, tente de convaincre celle-ci d'empêcher ce mariage. Le fiancé, Ryno de Marigny, est un libertin de la pire espèce, qui a déjà ruiné une femme de la bonne société et qui traîne une réputation plus que sulfureuse. Quelques jours plus tard, Marigny, ayant appris que l'amie mène son enquête sur lui, décide de jouer cartes sur table et se confesse à la grand-mère de sa promise. Durant quatre chapitres, il décrira avec honnêteté la relation de dix ans qu'il a eue avec une Espagnole insaisissable, mystérieuse, indomptable et sensuelle, la terrible Vellini.

Ainsi se déroule la première partie de ce roman de Barbey d'Aurevilly, notre expert en regrets pour l'Ancien Régime et en Normandie spectrale. La relation entre les deux dames âgées, qui ont connu le XVIIIe siècle et ne s'en laissent pas conter par le XIXe, est assez sympathique, tout comme les efforts de la plus méfiante des deux pour prouver que Marigny a un comportement répréhensible. Puis le récit de Marigny est prenant. Coup de foudre improbable, tentative d'enlèvement à cheval, amours passionnées, rites destinés à unir les deux amants pour l'éternité, tout y est. À ce stade, on voit bien que Marigny est sincèrement amoureux d'Hermangarde et déterminé à ne jamais revoir Vellini, et on pourrait presque espérer. La grand-mère, d'ailleurs, est pleinement convaincue, et le mariage a bien lieu.

Sauf que.

Déjà, la quatrième de couverture de cette édition Folio divulgâche éhontement la fin de l'histoire. Et bon, je le connais un peu, Barbey. Je ne lis pas pour avoir des fins heureuses. Je le lis pour avoir des personnages torturés et une ambiance sombre qui pourrait presque flirter avec le surnaturel (ici: Vellini est-elle un peu sorcière, en fin de compte? Et cette Normandie désolée battue par les vents, quel bonheur!) Donc, je savais à quoi m'attendre dans la deuxième partie. Et la fin est à la hauteur des enjeux.

Contrairement à Folio, je préfère annoncer que je divulgâche, donc, attention: [divulgâcheur] après plusieurs mois d'extrême félicité conjugale, la pauvre Hermangarde assiste aux ébats de son mari adoré avec son affreuse maîtresse. Évidemment, comme on est au XIXe siècle, elle délire pendant des jours, fait une fausse couche et reste allitée pendant des semaines. Puis elle se relève, malgré son immense tristesse, et reprend tant bien que mal sa vie, mais sans reprendre sa vie sexuelle avec son mari infidèle et sans le pardonner formellement. D'un côté, Marigny a tout gagné, car il a fait le beau mariage qui l'a rendu riche et qu'il continue de fréquenter Vellini; mais le fait que, bizarrement, il aime sincèrement Hermangarde (aime-t-il les deux, au fond?) le prive du bonheur qu'il a goûté avant que Vellini n'aille le chercher au fin fond du Contentin [divulgâcheur].

Ce qu'on retient de ce roman, c'est ce triangle amoureux entre la jeune fille pure et héroïquement gentille, Hermangarde, que j'ai sincèrement aimée, Marigny, qu'on peut voir comme un mec bêtement dominé par sa bite, et bien sûr Vellini, la femme plate et laide aux pieds de laquelle les hommes se prosternent dès qu'elle bouge. C'est assez dingue, mais c'est vraiment ça l'idée: Vellini séduit par sa démarche et son regard oblique. C'est une femme qui respire la sensualité. (D'ailleurs, le roman ne parle pratiquement que de sexe, soit dans les souvenirs des personnages âgés qui ont eu leur vie sexuelle en leurs temps, soit dans les aventures des personnages jeunes.) Et elle a une volonté de fer, une conviction en son propre destin qui la rend pratiquement imbattable.

J'ai trouvé que le livre avait quelques longueurs (une lettre de Marigny, notamment, décrit ce à quoi le lecteur a déjà assisté), mais globalement j'ai adoré.

Pour le fun, je suis allée relire l'article de Mes Haines qu'Émile Zola a consacré à Barbey et qu'il a sobrement intitulé, dans sa deuxième moulure, "Le catholique hystérique". (Quelle rime, mon petit Émile!) Il faut que vous sachiez que Barbey s'est reconverti au catholicisme à un moment donné et que la société française de l'époque n'était pas du tout apaisée en matière de religion, et, comme le titre le laisse penser, Zola ne partageait pas ses idées. Toutefois, cet article date de plus tard, 1865, et fait la critique d'un autre roman de Barbey, Un prêtre marié, que je n'ai pas encore lu. J'y ai trouvé des critiques qui ne sont pas délirantes au regard de ce que j'ai déjà lu de lui, mais j'aimerais souligner que Zola lui-même, dans sa chronique au vitriol, reconnaît qu'il y a du bon dans ce roman. Je me réjouis de le lire un jour!! 🤩

Autres livres de l'auteur déjà chroniqués sur ce blog
L'Ensorcelée (1852)
Les Diaboliques (1874)
Une histoire sans nom (1882)

dimanche 20 octobre 2024

Dewey (2008) 🐈📚

En janvier 1988, par une froide journée d'hiver, Vicki Myron, directrice de la bibliothèque de Spencer, dans l'Iowa, trouve un chaton transi de froid dans la boîte de retour des livres. Le chaton survit et l'équipe décide vite de le laisser habiter sur place. Baptisé Dewey Readmore Books en hommage à la classification décimale de Dewey (ces bibliothécaires, toujours prêts à faire une petite blague!), il vivra là jusqu'à sa mort en 2006.

Et bien sûr, s'il y a un livre sur lui aujourd'hui, c'est que ce chat était extraordinaire, ou plutôt qu'il a connu un destin hors du commun, vu que tous les chats sont extraordinaires par essence. 😼

Avec l'assistance de Bret Witter, Vicky Myron aborde trois grands sujets dans son livre: bien sûr, la vie de Dewey à la bibliothèque, ses habitudes, ses aventures, ses goûts alimentaires, etc.; la ville de Spencer et l'effet de la présence de Dewey sur les habitants; et sa vie à elle, notamment familiale. La partie sur Spencer donne à voir une petite ville du Mid-West avec ses difficultés économiques et son moral d'acier. C'est un peu le cliché du bon vieux trou paumé américain, où les gens travaillent dur et ne se plaignent pas. La présence d'immenses champs de maïs, pour ma part, m'a fait penser avec une certaine nervosité à Stephen King, HAHAHAHAHAHA. La partie sur la vie de Vicky elle-même est sans doute la moins intéressante, même s'il faut lui reconnaître qu'elle n'a pas eu une vie facile, notamment en raison de problèmes de santé colossaux et de son mari alcolique (j'aurais bien aimé savoir ce qu'il est devenu, d'ailleurs!).

Mais Dewey est là. Tous les matins, Dewey attend Vicky à son arrivée à la bibliothèque. Tous les matins, deux minutes avant l'ouverture au public, Dewey se poste devant les portes. Et en peu de temps, il devient l'attraction de la ville. Vicky Myron détaille plein de petits changements. Elle précise bien que la présence du chat n'était pas non plus un remède miracle, mais les tensions existantes se sont apaisées au sein de l'équipe, le nombre de visiteurs a augmenté, les enfants turbulents ont appris à se tenir plus calmement pour ne pas lui faire peur, des enfants handicapés et des adultes au bout du rouleau ont souri pour la première fois depuis qui sait quand en le voyant. Bref, du lien social s'est retissé autour de ce chat. Et moi, j'adore les histoires de lien social et j'adore les histoires d'animaux et de thérapie par les animaux. Là, ce n'était pas une thérapie, mais il s'est passé quelque chose. Dewey a aidé des tas de gens juste en étant là, en dormant sur leurs genoux et en se baladant sur le chariot à livres. Comme des dizaines de chevaux de club m'ont aidée juste en mangeant leur foin sous mes yeux ou en me laissant les gratouiller.

Une belle histoire vraie, en somme. Vicky Myron n'arrête pas de dire que Dewey savait ce qu'il faisait et était ravi de le faire, ce qui me semble relever de l'antropomorphisme, mais l'histoire est touchante, et donne furieusement envie d'emménager dans une ville dont la bibliothèque a un chat à résidence!

Le petit truc en plus que vous devez absolument savoir:
Ce livre est traduit de l'anglais par Bérengère Viennot, qui a dû bien rigoler en intitulant un article de journal "Charperlipopette" (qui sait ce qu'était l'original!). Je vous ai déjà parlé d'elle, car elle est plus tard devenue la grande experte de la traduction de Donald Trump. Le grand écart. Je pense qu'elle a dû passer un meilleur moment avec Dewey. 😂

mardi 15 octobre 2024

Maupassant (1989)

Chronique express!

Henri Troyat était écrivain, mais je le connais uniquement en tant que biographe: j'ai lu, il y a fort longtemps, sa biographie d'Alexandre Dumas, puis, il y a longtemps aussi mais quand même moins, celle d'Émile Zola. Adorant Guy de Maupassant, je n'ai pas hésité une seconde à acheter cette biographie-ci lorsque je l'ai trouvée d'occasion. Je connaissais déjà assez bien la vie de Maupassant dans les grandes lignes, car je l'ai étudié à l'école et j'ai lu un assez grand nombre de ses livres, mais j'ai bien sûr approfondi considérablement le sujet en passant un peu plus de 300 pages en sa compagnie. C'était très intéressant, car Maupassant a eu une vie hors de l'ordinaire: un mode de vie débridé avec beaucoup de femmes, une carrière littéraire express mais flamboyante au contact de très grands noms du XIXe siècle (Flaubert d'abord, qui l'a beaucoup aidé, puis Zola évidemment, et Edmond de Goncourt qui ne s'est guère privé de le démollir dans son journal), puis une mort particulièrement tragique. Né en en 1850, il a publié à partir de 1879 et a réussi à sortir six romans et quinze (!) recueils de nouvelles avant de sombrer dans la folie au début des années 1890. (Et quelle folie: le dernier chapitre est horrible et serre le cœur. Maupassant se croyait persécuté, piétinait des insectes qu'il était le seul à voir, léchait les murs de sa cellule, se retenait d'uriner parce que l'urine "est faite de bijoux"...) Henri Troyat évoque aussi sa vie sexuelle hyperactive. Je savais que Maupassant était un coureur de jupons, mais, apparemment, il couchait vraiment tout le temps, partout, avec des femmes de toutes les catégories sociales possibles. Sa folie a d'ailleurs été provoquée par la syphillis, une MST. Et sinon, j'ai découvert qu'il bataillait sec avec ses éditeurs pour se faire payer, et bien payer, et vite payer. De nos jours, il serait à la Ligue des auteurs professionnels!

Je vous laisse sur un extrait d'une lettre de Flaubert qui rend bien l'idée de l'activité sexuelle de Maupassant. Le 27 juillet 1877, Gustave Flaubert indique à Ivan Tourgueniev:

"Aucune nouvelle des amis, sauf le jeune Guy. Il m'a écrit récemment qu'en trois jours il avait tiré dix-neuf coups! C'est beau! mais j'ai peur qu'il ne finisse par s'en aller en sperme."

Je.

Je.

"J'ai peur qu'il ne finisse par s'en aller en sperme."

Les mots me manquent. Le dix-neuvième, ce siècle pudibond. 😂😂😂

jeudi 10 octobre 2024

Les BD du troisième trimestre 2024

Comme d'habitude, retour sur les lectures graphiques du trimestre écoulé!

La sage-femme du roi d'Adeline Lafitte (scénario) et Hervé Duphot (dessin) (2023)

L'histoire de Madame du Coudray, une sage-femme parisienne qui a réussi à professionnaliser son métier, et surtout l'enseignement de celui-ci, durant la deuxième moitié du XVIIIe siècle. À cette époque, les chirurgiens – hommes – s'appropriaient de plus en plus ce métier majoritairement féminin et le taux de mortalité des femmes en couches et des bébés était très élevé en province. Un beau combat inspirant, en somme. J'ai beaucoup apprécié que l'autrice n'en fasse pas non plus un modèle de pratiques irréprochables; même si Madame du Coudray exerçait un métier moderne pour son temps, on la voit saigner une patiente parce qu'il ne faut pas que le bébé "se noie dans tout ce sang", ce qui laisse quand même songeur. 👀
Une BD découverte chez Baroona.
Éditeur: Delcourt / Mirages

Girlfriends de Sara Soler, traduit de l'espagnol par Jacques Fuentealba (2021)

Une BD adorable sur la très belle histoire de l'autrice et de sa compagne et la transition de celle-ci vers son identité de femme. Ça fait rêver, un couple qui partage tout et se soutient comme ça. Moi, je ne sais pas trop comment je réagirais si mon compagnon m'annonçait, après des années, qu'il est en fait une femme. On a un bel exemple d'amour véritable, l'amour qui porte sur l'identité de fond de la personne et non sur ses caractéristiques externes. En plus, j'ai appris des tas de trucs sur un sujet que je connais mal. Bon, visiblement, je ne suis pas 100% "déconstruite", comme on dit, mais j'ai adoré!
Éditeur: Sarbacane

Paul Jenkins présente Hellblazer. Volume 1 de Paul Jenkins (scénario) et Sean Philips (dessin), traduit de l'anglais par Philippe Touboul (1995-1996)

Bien bien bien. Deux ans après ma dernière lecture de Hellblazer, j'ai enfin attaqué les volumes réunissant les épisodes scénarisés par Paul Jenkins. Le premier volume, paru chez Urban Comics en novembre 2022, réunit les épisodes 89 à 107. Hélas, j'ai détesté les dessins de Sean Philips et je n'ai rien pigé à la moitié des histoires. J'aime toujours beaucoup le personnage désabusé qui fume clope sur clope, mais, vraiment, je suis arrivée à la fin de la moitié des épisodes en ne sachant pas le moins du monde pourquoi ça se terminait comme ça. Je vais quand même lire le deuxième volume, mais je suis assez frustrée.
Éditeur: Urban Comics

All You Need Is Kill de Hiroshi Sakurazaka (scénario), Ryosuke Takeuchi (storyboard), Yoshitoshi Abe (design des personnages) et Takeshi Obata (dessin), traduit du japonais par Thibaud Desbief (2014)

All You Need Is Kill est à l'origine un "light novel" de Hiroshi Sakurazaka sorti en 2004. Hélas, je n'en savais rien quand je me suis procurée son adaptation en manga, et, de toute façon, ma médiathèque ne l'a pas et il n'est plus édité en France, donc j'aurais commencé par le manga même si j'avais su, haha. Bref, cette version manga est pas mal du tout, même si je ne suis pas très fan du "dessin manga" en général et si j'ai eu du mal à déchiffrer certains dessins de combats. Le premier tome parle de Keiji Kiriya, un jeune soldat pris dans une boucle temporelle en pleine guerre contre les extraterrestres; le deuxième tome parle plutôt de Rita Vrataski, guerrière inégalée dans la lutte contre ces mêmes extraterrestres. La fin est nettement plus cruelle que dans l'adaptation cinématographique américaine avec Tom Cruise et Emily Blunt, Edge of Tomorrow, mais celle-ci est quand même fidèle, à tel point que le fait d'avoir vu le film m'a aidée à comprendre certains dessins, haha.
Éditeur: Kazé Manga

samedi 5 octobre 2024

La gamelle de septembre 2024

En mai dernier, je faisais le bilan d'avril en disant "Plus la loose culturelle que ce mois d'avril, tu meurs!" Eh bien, j'ai réussi à faire pire en septembre, puisque je n'ai pas mis le pied au cinéma et que même mes vacances ne m'ont pas donné l'énergie nécessaire pour me remettre aux séries.

Quelques informations positives, tout de même, pour remettre en contexte ce vide intersidéral: je suis partie en vacances loin de mon cinéma, j'ai bu de l'eau gazeuse au bar en regardant les chiens promener leurs gens le long de la mer (👀👀), j'ai fait des mots croisés (La Settimana Enigmistica 💖 Ça me donne l'impression de retrouver mes grands-parents!) j'ai lu deux pavés (La Force de l'âge de de Beauvoir et Le Seigneur des Anneaux de Tolkien), j'ai fait du cat-sitting et je suis allée à un mariage (et deux fois, les cérémonies civile et religieuse n'ayant pas lieu le même jour). Ceci explique en partie cela.

Sur petit écran

J'ai regardé pas mal de vidéos YouTube en vacances. De la bouffe, du lifestyle, de la papeterie, des chevaux. Dès que je suis rentrée chez moi, YouTube a disparu de mon quotidien. Snif.

Sur grand écran

Rieeeeeeeeeeen.

Du côté des séries

Rieeeeeeeeeeeen. Je suis partie en vacances avec l'idée de regarder Shogun, mais c'était trop difficile, il fallait réfléchir à quand caler un moment avec mon copain, il fallait délaisser les mots croisés et de Beauvoir, ou alors délaisser la papeterie sur YouTube...

Et le reste

J'ai lu le Manière de Voir du Monde Diplomatique sur les trains. Une lecture passionnante, comme d'habitude, même si le constat du non-investissement en faveur du train en France est dé-so-lant.

Et c'est tout!!!! La situation chevalmagazinesque est catastrophique!!!!! 😱😱 Mon Cheval Magazine de septembre a dû se perdre quelque part, car il n'était toujours pas arrivé à mon retour de vacances. J'ai contacté l'éditeur pour signaler le problème. J'ai reçu le numéro d'octobre à la date prévue, fin septembre, mais je n'y ai pas touché car j'attendais que l'éditeur me renvoie le numéro de septembre. Puis le numéro de septembre est arrivé et je n'ai pas eu le temps de m'y mettre. Je l'ai donc commencé... le 30 septembre à 22 h 30. Et j'ai donc deux numéros de retard. Quand vais-je donc lire ça, je me le demande. 🐴🐴

lundi 30 septembre 2024

The Lord of the Rings (1954-1955)

Tout ayant déjà été dit sur Le Seigneur des Anneaux, et dans la plupart des cas par des gens bien plus érudits que moi, je me contenterai de quelques remarques rapides que j'aimerais ne pas oublier! Qu'est-ce qui m'a marqué cette fois-ci?

Divulgâcheur: malgré ma volonté de ne pas faire de chronique à proprement parler, ce billet est interminable. Lol.

1/ Cette relecture n'avait que trop tardé, puisqu'elle était au programme depuis 2015, mais, au final, je pense que ce retard était un mal pour un bien, car je connais le roman presque trop bien: je me souviens souvent, en commençant un chapitre, de tout ce qu'il s'y passe, et de ce qu'un tel va dire à tel moment. Si je l'avais relu aussi vite que je le voulais (en 2015 par rapport à 2011), cela m'aurait probablement gâché mon plaisir. Je ne sais donc pas si je le relirai encore une fois un jour. Il faut quand même dire que c'était la sixième fois que je le lisais.

2/ Au début, le roman commence assez doucement, presque naïvement. Les affaires des hobbits sont plutôt rigolotes, et il y a même des chansons que l'on peut presque qualifier de chansons à boire. On est tout de suite portés par le récit, certes, mais même le chapitre 2, "The Shadow of the Past", qui raconte pourtant l'histoire de l'Anneau, n'est pas très épique. Ce n'est qu'au chapitre 5, "A Knife in the Dark", qu'on a le premier passage DINGO – et c'est d'ailleurs grâce aux hobbits, car c'est là que les habitants de Buckland sonnent l'alarme à cause des Cavaliers noirs.

"AWAKE! FEAR! FIRE! FOES! AWAKE!"
Quelques paragraphes qui vont crescendo et se terminent sur le point de vue des Nazgûls: "Let the little people blow! Sauron would deal with them later." C'est deux phrases à peine, mais le ton est donné, l'heure est grave, j'avais la chair de poule.

3/ Les poèmes de Tolkien me semblent assez inégaux. Parfois, il touche au génie, c'est absolument exceptionnel, comme dans la fameuse comptine de l'Anneau. Parfois, et notamment dans les chansons rigolotes, je n'y trouve ni rimes ni rythme, et ça me laisse très froide.

4/ À part ça, tout est génial DINGO EXCEPTIONNEL STUPÉFIANT INOUBLIABLE BOULEVERSANT. J'ai lu des tas de passages deux fois pour bien les savourer et m'en imprégner. Quel génie de la langue, de la construction de personnages, de la création de monde évidemment, de la construction d'une intrigue où chaque bout microscopique est parfaitement à sa place et même essentiel à l'ensemble, halàlàlàlà.

5/ La droiture morale. En juin dernier, j'ai relu Légende de David Gemmell pour me donner du courage en pleine catastrophe politique. Le Seigneur des Anneaux joue sur les mêmes ressorts: il me donne à voir des gens qui sont DROITS, fidèles à leurs valeurs. Par exemple, lors de la poursuite de Merry et Pippin, Gimli, visiblement d'humeur chafouine, râle beaucoup et fait remarquer à Aragorn que s'ils ne trouvent pas à bouffer, ils ne pourront pas faire grand-chose pour les hobbits, même à supposer qu'ils les retrouvent, à part témoigner de leur amitié en mourant de faim avec eux. Et Aragorn répond, en gros: "Si c'est tout ce que nous pouvons faire, c'est ce que nous ferons". Putain. Si tout ce que tu peux faire c'est crever de faim avec ton pote, alors tu crèves de faim avec ton pote. C'est exactement comme quand tout ce que tu peux faire c'est te faire tailler en pièces sur les remparts de Dros Delnoch. Putain. C'est DINGO. Je pense aussi au terrible calvaire de Frodo dans le Mordor et à la dernière étape sur les flancs du volcan. Il rampe. Vous vous rendez compte. Il ne tient plus debout, alors il rampe. IL RAMPE sur la pente pour se rapprocher de la route et du sommet. Il rampe, putain. (Sam, à l'inverse, est brutal avec Gollum, et c'est sa faute si Gollum est perdu pour toujours; et je trouve dommage que Tolkien ne le condamne pas.) Et Faramir!!! Alors là!!! Faramir!!! Un de mes personnages préférés!!!

6/ Faramir m'amène à une autre chose qui m'a marquée: les films de Peter Jackson sont quand même assez loin du roman, sur certains plans. Peter Jackson est scrupuleusement fidèle à certaines choses, mais il y a ajouté quelque chose de spectaculaire que Tolkien aurait sans doute renié, à commencer par les Cavaliers Noirs qui sont bien plus effrayants dans les films que dans le premier roman. Et certaines choses sont carrément contradictoires, comme le fait que Narsil ne soit reforgée que vers la fin. Sinon, je lui reproche très fort d'avoir modifié Faramir ainsi – sans compter que le détour par Osgiliath doit sacrément foutre la merde dans les calendriers méticuleux de Tolkien. 😂😂

7/ À propos de calendrier: le plus dur à comprendre et surtout à retenir, ce n'est pas qui est qui, mais quel jour on est, où en est la lune et où sont les différents reliefs les uns par rapport aux autres. 😂😂 J'ai passé mon temps à consulter la carte, car Tolkien décrit tout le temps ce que les personnages voient à l'horizon, et bien sûr les différents reliefs sont à des points cardinaux différents selon où vous vous trouvez, donc les montagnes qui étaient au sud de machin sont à l'ouest de truc, etc.

8/ ARAGORN!!!! ARAGORN!!!! ARAGORN!!!! GANDALF!!! GANDALF!!! GANDALF!!! FARAMIR!!! FARAMIR!!! FARAMIR!!! C'est tellement FFFFFFFFOUUUUUU!!! Dès qu'ils ouvrent la bouche, c'est FFFFFOUUUUUUU!!! Et je suis vraiment très amoureuse d'Imrahil, malgré son rôle infime!! Je parierais presque que Peter Jackson ne l'a pas adapté parce qu'il n'a pas trouvé un acteur à la hauteur!!! 😂😂
"Amroth for Gondor!" they cried. "Amroth to Faramir!"
AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHH!!

9/ Shelob!! N'oublions pas Shelob!! Elle est terrifiante, avec son appétit qui pourrait avaler le monde et la relation gagnant-gagnant entre elle et Sauron.
"But still, she was there, who was there before Sauron, and before the first stone of Barad-dûr; and she served none but herself, drinking the blood of Elves and Men, bloated and grown fat with endless brooding on her feasts, weaving webs of shadow; for all living things were her food, and her vomit darkness."
 
10/ Je suis partie en vacances avec la jolie édition Guild Publishing visible au début de ce billet (mais qui ne contient pas les appendices, que j'ai relus dans mon vieil exemplaire qui tombe en morceaux, visible ci-dessus), le dictionnaire du monde de Tolkien publié par la Società tolkienania italiana et la version italienne de l'Atlas de la Terre du Milieu de Karen Wynn Fonstad. Ces deux derniers bouquins sont des cadeaux de ma mère, et qu'est-ce qu'ils me sont précieux, pour m'exprimer comme certains personnages de ce roman: ils sont des preuves que j'ai aimé Tolkien quand j'étais encore jeune et pleine de rêves, ils sont des preuves que ma mère a existé et n'est pas qu'un délire de mon cerveau malade, ils sont la preuve que non seulement elle a existé mais elle a pensé à moi pour des Noël et des anniversaires, ils sont la preuve que nous avons partagé ça. Elle devait m'aimer un peu, quand même, au moins un peu; je n'étais pas strictement rien du tout. Je vendrais un rein, je donnerais tout, même Le Seigneur des Anneaux, pour la revoir. Je me contenterais d'une toute petite toute petite place...

11/ Je n'ai pleuré qu'à la fin, et à peine, mais l'émotion a été grande en le refermant. La nostalgie qui s'en dégage, le crève-cœur des séparations, la conviction que c'est là ce que l'humanité a fait de mieux, que ça rachète bien des misères et des petitesses, que c'est l'œuvre d'art ultime, qu'on est même au-delà d'Avatar (que je considère pourtant comme le film qui m'a sauvé la vie, quand je me parle à moi-même sur un ton dramatique) – et en même temps la sérénité qui se dégage de ce monde où les échelles de temps sont autres et où l'on peut espérer panser ses plaies, un jour.
"Well, here at last, dear friends, on the shores of the sea comes the end of our fellowship in Middle-earth. Go in peace! I will not say: do not weep; for not all tears are an evil."
Les larmes qu'on verse sur Le Seigneur des Anneaux ne sont indubitablement pas un mal.

12/ Dans la dernière partie des appendices, Tolkien parle de ses choix de traduction depuis la langue commune de la Terre-du-Milieu vers l'anglais, avec les difficultés et les limites de son travail. C'est tout à fait les genres de question qu'on se pose, les vrais traducteurs, et on en viendrait presque à se dire que le gars n'a pas du tout ÉCRIT Le Seigneur des Anneaux mais l'a réellement TRADUIT, et c'est DINGO, parce que cela voudrait dire... que tout était vrai. 💕💖

13/ La Communauté de l'Anneau étant sorti en 1954, Le Seigneur des Anneaux fête ses soixante-dix ans cette année. Comme Godzilla! 🥳🥳🥳

jeudi 19 septembre 2024

La Fin du monde a du retard (2014)

Chronique express!

Un asile psychiatrique, un amnésique qui veut déjouer le Grand Complot – le seul complot qui vaille la peine d'être déjoué –, une amnésique qui ne ressent plus aucune émotion après avoir provoqué la mort de tous les invités à son mariage, un commissaire de police qui n'a plus que cinq jours à tenir avant la retraite, une évasion alambiquée avec une voiture déguisée en soucoupe volante (une "soucoupe roulante", donc): voilà les ingrédients du début de ce roman de J. M. Erre, aussi loufoque que son titre peut le laisser penser. J'ai bien rigolé avec cette histoire de complotisme puissance mille, puisque le Grand Complot consiste, entre autres, à inonder le public de complots fumeux pour discréditer l'idée même de complot (😂😂). Mené tambour battant avec un humour omniprésent, un ton décalé truffé de considérations sur les ressorts d'une quête et d'un récit (du genre "ici, un silence se fit, mais pas trop longtemps pour ne pas ralentir le rythme de l'action"), des personnage sympathiques et pas mal de références pop culture, ce roman était une parfaite lecture détente! J'ai juste trouvé la fin un peu décevante (mais peut-être logique au vu de l'intrigue). Il n'est pas du tout impossible que je lise autre chose de l'auteur à l'occasion...

samedi 14 septembre 2024

La Force de l'âge (1960)

Après Mémoires d'une jeune fille rangée, j'avais très très envie de poursuivre ma lecture des mémoires de Simone de Beauvoir, et j'ai profité d'une période de vacances assez calme pour emprunter le deuxième volume, La Force de l'âge. L'édition Folio fait 786 pages avec très peu d'espaces dus aux retours à la ligne ou aux changements de paragraphe, et il faut donc prévoir du temps pour s'y attaquer.

"Vingt et un ans et l’agrégation de philosophie en 1929. La rencontre de Jean-Paul Sartre. Ce sont les années décisives pour Simone de Beauvoir. Celles ou s’accomplit sa vocation d’écrivain, si longtemps rêvée. Dix ans passés à enseigner, à écrire, à voyager sac au dos, à nouer des amitiés, à se passionner pour des idées nouvelles. La force de l’âge est pleinement atteinte quand la guerre éclate, en 1939, mettant fin brutalement à dix années de vie merveilleusement libre."
La quatrième de couverture résume parfaitement la première partie du livre. De 1929 à 1939, de Beauvoir enseigne la philosophie dans différents lycées pour jeunes filles et consacre l'intégralité de son temps libre à Jean-Paul Sartre, la lecture, l'écriture et la marche. C'est absolument enthousiasmant. J'ai eu l'impression d'une personne qui croquait la vie à pleines dents, abattait une quantité de travail phénoménale, lisait TOUT, explorait l'Europe à un rythme de marche ahurissant, sans jamais hésiter. En réalité, de Beauvoir s'est aussi posé beaucoup de questions, notamment sur la société et sur ses futurs romans, et elle en parle longuement, mais cela ne ralentit aucunement L'ÉLAN qui se dégage de son récit. Son sac et quelques affaires sur le dos, elle a parcouru la France entière, l'Italie, la Grèce, l'Espagne, l'Allemagne avec peu de sous mais une détermination à toute épreuve, généralement en compagnie de Sartre, mais parfois seule et parfois avec des amis. Même quand elle arpente Rouen, où elle a enseigné et qu'elle décrit, somme toute, comme une ville de province endormie, on a l'impression qu'elle explore un lieu extraordinaire et le voit d'un œil plus acéré que le commun des mortels.
"Un jour, au premier étage du Flore, Sartre demanda à Queneau qu’est-ce qui lui restait du surréalisme : « L’impression d’avoir eu une jeunesse », nous dit-il. Sa réponse nous frappa, et nous l’enviâmes."
C'est un peu ce que j'ai ressenti en lisant ces mémoires: l'impression que de Beauvoir a eu une jeunesse qui, chez moi, ne s'est jamais manifestée.

Le tout en refaisant le monde dans l'attente de la révolution socialiste destinée à balayer la société petite-bourgeoise. Sur ce dernier point, de Beauvoir est très transparente, car elle n'était pas 100 % à l'aise avec sa propre condition de petite-bourgeoise: issue d'une famille originellement aisée, elle a pu faire des études et avait un revenu assuré en travaillant pour l'Université, et elle était donc loin de la condition ouvrière; elle contournait la chose par une sorte de pirouette, du type "je suis dans le système mais je n'en fais pas vraiment partie", et cela a quelque chose de rassurant de voir que même un grand esprit est en fait un humain avec ses contradictions.

Ces années sont bien sûr celles de la montée du fascisme dans toute l'Europe, et tant de Beauvoir que Sartre ont fait preuve d'un bel aveuglément, croyant à chaque étape que ce n'était qu'une situation mineure destinée à se résoudre facilement: le parti nazi ne tiendra jamais, Hitler ne restera pas longtemps au pouvoir, le soulèvement de Franco contre la République espagnole sera vite réglé... Et elle en parle avec une honnêteté que je trouve admirable. Pages terribles sur la guerre d'Espagne et la destruction du Frente Popular, en partie à cause de l'inaction de la gauche française. Au contraire, pages exaltantes sur la victoire du Front Populaire français, la semaine de quarante heures, la condition ouvrière qui change pour de vrai!

Ces années-là sont aussi celles des amitiés fusionnelles et des fameux ménages à trois, que de Beauvoir peint comme un peu schyzophrènes, très franchement. En même temps, les trois quarts des personnages sont des originaux et/ou des phénomènes, alors on imagine bien que les relations amicales et amoureuses entre eux sont spéciales. Wikipédia m'informe qu'elle a depuis été accusée de fournir des jeunes femmes à Sartre, mais rien ici ne permet de le soupçonner... (Et en même temps, elle ne l'aurait pas dit si cela avait été le cas, bien sûr.) Quant à la relation avec Sartre, elle est tout à fait unique et irremplaçable, et de Beauvoir semble tout à fait sincère quand elle dit qu'elle n'a jamais été jalouse de ses autres relations car elle savait que la leur était au-dessus de tout.

Ayant pris de la mescaline, Sartre s'est cru poursuivi, durant des années, par des crustacés. C'est tout à fait dingue. De Beauvoir raconte que ça lui a bien pourri une année scolaire. Puis il s'est remis. Mais cela donne des passages très drôles.
"Nous nous arretâmes encore quelques jours à Rome. Assez brusquement, l'humeur de Sartre changea; le voyage s'achevait et il retrouvait ses soucis: la situation politique, ses rapports avec Olga. J'eus peur. Est-ce que les langoustes allaient ressusciter? [...] Alors, nous allâmes prendre une chambre, et dormir. Sartre me dit plus tard que tout au long de cette nuit une langouste l'avait suivi."
Je... Les mots me manquent. Qui l'aurait cru?

Simone Weil est aussi citée, mais de très loin, car ils ne fréquentaient pas les mêmes cercles, tous les trois. Chez Gallimard, Sartre décrit, dans une lettre que de Beauvoir reproduit, qu'il est tombé sur Jules Romains, l'auteur de la saga des Hommes de bonne volonté que j'ai entrepris de lire. Ça m'a fait plaisir de voir que ces gens-là connaissaient cet auteur tombé dans l'oubli. Dans la deuxième partie, entre en scène un jeune auteur que de Beauvoir et Sartre ont tout de suite remarqué: un certain Albert Camus. Hystérie de ma part, moi qui ai été tant marquée par La Peste.

Cette deuxième partie, justement, m'a encore plus plu que la première, car elle est le récit de la guerre. D'abord, le journal que de Beauvoir tenait à l'époque, de septembre 1939 à septembre 1940: la sidération de la déclaration de guerre, l'angoisse des débuts, les mois d'incertitude durant lesquels il ne se passait rien, puis le désastre de juin 1940, l'angoisse d'être sans nouvelles de Sartre qui avait été mobilisé, l'exode en direction d'Angers, le retour dans une Paris occupée. Puis quatre ans d'occupation, les intellectuels du café de Flore, l'écriture de son premier roman, la nourriture qui prend une place prépondérante en raison de sa rareté, les tentatives de participer à la Résistance en tant qu'intellectuels, la peur pour les amis juifs, les nouvelles affreuses concernant tel ou tel ami ou connaissance tué au combat, fusillé ou disparu dans un train en direction de l'Est. Et enfin, le retour de l'espoir, de la certitude qu'il y aura un après. Sartre et de Beauvoir n'ont pas eu la guerre la plus affreuse de tous, vu qu'ils n'ont été ni emprisonnés ni blessés ni déportés (ils ont même pu partir en vacances en vélo et passer sans trop de difficultés en zone libre!!), mais on sent toute l'angoisse de cette période d'impuissance et d'horreur pour le régime vichissois.

Non contente de saisir avec acuité le monde qui l'entoure, de manier des notions de philosophie subtiles (d'ailleurs, je n'ai pas vraiment compris ce qu'elle raconte au sujet des personnages de ses romans, mais cela est sans doute partiellement dû au fait que je n'en ai lu aucun), de s'auto-étudier avec une grande finesse, de Beauvoir est aussi capable de dire "sur ce point, j'ai changé d'avis" ou "sur ce point, je me suis trompée", ce que je trouve admirable. Le troisième tome de ses mémoires, La Force des choses, est disponible en deux tomes, pour un total de 900 pages. J'espère avoir un créneau pour le lire durant la première moitié de 2025.

lundi 9 septembre 2024

Éros de Paris (1932)

Chronique express!

Éros de Paris est le quatrième tome de la grande fresque des Hommes de bonne volonté de Jules Romains. Je l'ai lu très vite après le troisième tome, car je voulais profiter d'avoir un peu de temps libre en vacances. Même si chaque roman ne compte que 150 pages environ, il s'agit de pages grand format dans une police relativement petite, ce qui demande du temps. En outre, je me concentre pour essayer de bien saisir les tenants et les aboutissants des différentes intrigues, et mes innombrables retours en arrière et consultations des résumés rallongent le temps de lecture d'au moins 15%. 😅 Bref, je ne voulais pas laisser passer un créneau adapté!! Ce quatrième tome est dans la droite ligne des précédents et son titre le résume parfaitement: ce sont des histoires d'amour et des pensées sur l'amour en plein Paris. Jerphalion qui se désole de n'avoir personne, Jallez qui repense à son deuxième amour de jeunesse, Sammécaud qui essaye de faire céder sa maîtresse. J'ai adoré. Un peu moins que les précédents peut-être, car tous ces gens sont des hommes peu respectueux des femmes. Mais il n'y a pas que ça: déjà, il y a le chien Macaire qui se balade durant un chapitre qui lui est entièrement dédié; puis des socialistes qui préparent la révolution; puis l'infâme relieur qui est suffisamment en retrait pour que mon antipathie pour lui ne prenne pas le dessus; et puis on sait, enfin, pourquoi la femme aux yeux tristes est si triste. Quel livre a-t-elle fait relier dans le premier roman, toutefois? Il faudra encore attendre pour le savoir.

Le spectre de la guerre européenne est très présent, et je crains pour nombre de ces personnages. Mais l'auteur a pris quatre romans pour nous mener d'octobre à décembre 1908, et Wikipédia m'informe que l'année 1914, synonyme de catastrophe, n'arrivera pas avant le tome 14!! J'ai donc encore dix bouquins devant moi avant que la grande vague de l'horreur militaire ne fauche la jeunesse européenne. Joie, bonheur!

Le petit truc en plus que je ne veux pas oublier: au chapitre XXII (et peut-être à un autre endroit que je n'ai pas noté et que je ne retrouve donc pas), Jallez aperçoit Jules Romains, c'est-à-dire l'auteur de ce roman. 😂

mercredi 4 septembre 2024

La gamelle d'août 2024

Comme d'habitude, retour sur la vie culturelle du mois écoulé!

Sur petit écran

Quelques vidéos YouTube, le plaisir des périodes de vacances scolaires.

Sur grand écran


Edge of Tomorrow de Doug Liman (2014)

Un film de boucle temporelle que j'adore et qui vieillit très bien, avec un super rôle pour Emily Blunt et un Tom Cruise en forme. La fin a de gros problèmes, mais ne gâche pas l'ensemble pour autant. Il fallait bien toute la puissance de Tom-Tom pour m'attirer au cinéma en cette période d'hibernation. 🖤
(Le soir même de ma séance, Tom Cruise débarquait au Stade de France pour récupérer le drapeau olympique. CET HOMME.)

Borderlands de Eli Roth (2024)

Malgré une fin naze, j'ai passé un bon moment devant ce film de SF sans grandes prétentions. L'univers est très chouette et Cate Blanchett est exceptionnelle, comme d'habitude. Quel charisme!!

Seven de David Fincher (1995)

Un excellent film avec un duo d'acteurs de haut vol – Brad Pitt et Morgan Freeman au top du top –, une réalisation impeccable, une intrigue prenante, une musique mégasinistre qui fait beaucoup pour l'ambiance. Et une insomnie dans la nuit qui a suivi, bien sûr. Comment peut-on dormir après avoir vu Seven? 😂

Dû côté des séries

Riiieeeeeeeen.

Et le reste

J'ai lu Translittérature, la merveilleuse revue de l'Association des traducteurs littéraires de France. 🖤 Et c'est tout. Vendredi 30 août, Cheval Magazine n'était toujours pas arrivé et j'ai donc dû partir en vacances sans! 😱😱😱

vendredi 30 août 2024

La Nuit des Temps (1968)

Chronique express!

Après avoir découvert avec enthousiasme Ravage au printemps dernier, j'avais très envie de continuer à lire du René Barjavel. Je me suis donc tournée vers un autre de ses romans les plus célèbres: La Nuit des Temps. Hélas, l'enthousiasme a été moindre. Cela est dû, en partie, au fait que je n'ai pas retrouvé la langue très élégante que j'avais adorée dans Ravage, de la vraie belle littérature. Mais cela est aussi dû à des raisons plus vagues, que je suis en peine d'expliquer. Je me suis moins intéressée à l'histoire et aux personnages, les enjeux m'ont moins tenue en haleine… Je ne peux pas lui reprocher quelque chose de précis en particulier, mais voilà, ça a moins pris.

Alors, en toute objectivité, j'ai pris du plaisir à le lire, et j'y ai trouvé beaucoup de bonnes choses. Une technophobie nettement moins marquée que dans Ravage, déjà, où ça prenait des proportions insensées. Une métaphore pas du tout dissimulée de la bombe atomique, qui est vivement critiquée. Le message était puissant en pleine Guerre Froide, mais il reste d'actualité aujourd'hui, quand on pense au nombre d'ogives nucléaires qui demeurent. La société que découvrent les protagonistes  a quelque chose d'utopique, qui tourne au cauchemar quand on essaye d'en sortir; certains passages résonnent avec les problématiques de la surveillance de masse. Un contexte fascinant qui pose plein de difficultés: l'Antarctique, où se cachent les vestiges d'une société bien plus avancée que la nôtre, mais où on est loin de tout. Une collaboration bienvenue entre scientifiques de tous les pays, couplée à une critique acerbe de l'impérialisme et des luttes de pouvoir. Même le sexisme ambiant, moins marqué que dans Ravage mais bien présent (le nombre de commentaires sur les seins d'Éléa, l'Américain qui met la main aux fesses de la Russe… 🙃), pourrait être tempéré par le fait que [énorme divulgâcheur] le fond de l'histoire est la lutte d'une femme pour disposer de son corps et de sa vie [fin du divulgâcheur]. En fait, je pense que Ravage est tellement oufissime que La Nuit des Temps a beau être pertinent, il pâlit un peu en comparaison! Je pense que je lirai tout de même L'Enchanteur à l'occasion, car Méli du Bazar de la Littérature en disait beaucoup de bien...

Allez donc voir ailleurs si cette nuit y est!
L'avis de Grominou: première partie et deuxième partie

dimanche 25 août 2024

Les Amours enfantines (1932)

Chronique express!

Après Le 6 octobre et Crime de Quinette, place au troisième tome de l'incroyable fresque des Hommes de bonne volonté de Jules Romains!! J'ai mis des semaines à me décider à ouvrir mon pavé, puis des jours à dépasser les deux premières pages, car je ne comprenais rien à ce que je lisais à cause de la fatigue. Puis, miracle, j'ai pu y consacrer un peu de temps et mon cerveau s'est remis en marche. Et c'était génial!! Dans ce tome, on suit surtout Jallez et Jerphanion, les deux Normaliens. En racontant un amour de jeunesse, Jallez justifie le titre du roman. Jerphanion, lui, nous fait entrer chez les Saint-Papoul, une famille noble auprès de laquelle il donne les leçons. Les Saint-Papoul ont un chien, Macaire, qui sera sans doute important sur le long terme, car il est cité en quatrième de couverture. Une autre famille noble, les Champcenais, est beaucoup mise en avant, en partie pour les aventures de Madame, et en partie parce que Monsieur fait partie du cartel des pétroliers déterminé à circonscrire les actions du député Gurau… Gurau que j'adore, pour l'instant, et qui nous fait rencontrer Jean Jaurès, qui semble plus grand que nature et absolument enthousiasmant. On voit assez peu Quinette, le relieur criminel, et pas du tout la femme triste qui a fait relier son livre dans le premier tome – le personnage que je souhaite le plus revoir.

Je suis absolument ébahie par les ramifications de cette série, les rapports entre personnages, les retours parfois microscopiques d'un personnage qui a eu tout un chapitre dans le tome précédent ou le précédent encore. J'ai l'impression que c'est encore plus dense que les Rougon-Macquart, plutôt genre les bouquins russes comme Guerre et paix!! Un truc de malades!!

lundi 19 août 2024

Redshirts (2012)

Chronique express!

(Cette tagline 😂 Je me meurs 😂)

Avalanche de miracles en ce mois d'aoüt! Non seulement une librairie anglophone a ouvert non loin de chez moi, mais il y avait du John Scalzi en rayon quand je suis passée! 🖤🖤 Et plus précisément Redshirts, un roman-clin d'œil à Star Trek que je voulais lire depuis longtemps. Et encore plus miraculeux: j'ai réussi à me plonger dans la lecture!! Je l'ai lu en quelques jours, et avec un réel plaisir – même si j'ai préféré la première partie, la suite étant un peu trop méta pour mes goûts (mais très bien quand même).

L'histoire: Andrew Dahl fait ses premiers pas sur l'Intrepid, le vaisseau le plus avancé de la flotte de l'Union Universelle. Mais il ne tarde pas à se rendre compte qu'il se passe des choses bizarres à bord. Par exemple, tous les membres d'équipage disparaissent mystérieusement, planqués dans le premier placard venu ou partis prendre un café, quand les officiers cherchent du monde pour partir en mission. Pourquoi? Que se trame-t-il dans les coulisses? Pour Dahl et ses amis, il faudra aller très loin pour avoir des réponses. On pourrait presque dire qu'il faudra aller "where no man has gone before"... 👀👀 Mais toujours avec humour!

Allez donc voir ailleurs si ces chemises rouges y sont!
L'avis de Baroona
L'avis d'Ombrebones

mercredi 7 août 2024

La gamelle de juillet 2024

Encore un mois qui a filé à la vitesse de la lumière! Mais le moral a été meilleur que durant la première moitié de juin, ce qui est fort agréable.

Sur petit écran

Je n'ai regardé aucun film, mais j'ai profité d'avoir un peu de temps libre (tout est relatif...) pour reprendre un peu YouTube. J'adore manger en regardant les vidéos "Une semaine avec moi" de Mon Blog de Fille, par exemple.

Sur grand écran

Robocop de Paul Verhoeven (1987)

J'ai adoré découvrir ce film que je n'avais jamais vu et que je croyais, à tort, être une petite chose un peu ridicule, voire, potentiellement, un nanard. Eh bien non. C'est de la super science-fiction qui nous dit quelque chose sur notre monde (travail de la police, privatisation des services publics, détachement j'menfoutisme absolu des riches et puissants, traitement de l'information et des pubs à la télévision) et sur l'être humain (la scène durant laquelle Murphy visite son ancienne maison et se souvient est d'un tragique!). Le tout porté par une Detroit sale et infréquentable (les gars de Kiss peuvent chanter autant qu'ils veulent... Je n'irai jamais rocker là-bas... 😂), des acteurs convaincants et une musique très réussie signée Basil Poledouris (le compositeur de la célèbre bande originale de Conan le Barbare). Je suis rentrée chez moi en criant au génie.

Mes indispensable avis sur d'autres films de Verhoeven: Total Recall (1990), Basic Instinct (1992) (du génie!!!) et Starship Troopers (1997). 

King Kong de Peter Jackson (2005)

Une très belle redécouverte! Ce film mélange les genres avec brio, de l'ambiance mystérieuse et inquiétante du début à la partie aventure pure sur l'île jusqu'au tragique de la fin, et propose quelques plans qui ont été pas loin de me faire crier au génie – y compris la séquence épouvantable au fond du canyon avec des insectes répugnants, une parenthèse d'horreur qui me semble prouver que Peter Jackson, auréolé du triomphe du Seigneur des Anneaux, pouvait faire absolument tout ce qu'il voulait. Les acteurs sont tous très bons; à la limite, on pourrait reprocher à Jack Black de manquer de finesse, mais ça porte un personnage qui commence comme un sympathique embobineur et se révèle de plus en plus être un simple connard. Exception faite des dinosaures sauropodes, qui sont d'une laideur rare et dont la course est assez ridicule, l'animation est spectaculaire. Weta a vraiment écrit l'histoire du cinéma. ❤ Enfin, ce film ne manque pas de nous dire quelque chose sur l'être humain, sur sa cupidité, sur le viol du monde naturel et sur l'exploitation des animaux, à tel point que j'ai demandé à Google si Peter Jackson est végane (Google ne m'a pas répondu un "oui" franc, mais il travaille avec James Cameron pour soutenir la végétalisation de l'alimentation en Nouvelle-Zélande, ce qui pourrait être un indice en ce sens). Le parallèle avec des films à grand spectacle tels que Jurassic Park, Titanic et Avatar est évident. Ils nous divertissent, mais ils nous disent quelque chose de politique...

Dernière chose que je veux retenir: bien qu'elle soit pratiquement tout le temps en robe à petites bretelles, il n'y a pas vraiment de plan nichon sur Naomi Watts. Un exploit.

Twisters de Lee Isaac Chung (2024)

Une carrière de météorologue,
un moyen comme un autre de rencontrer un beau cowboy.

La bande-annonce laissait présager le pire, mais ce film catastrophe ultrapatriotique se laisse regarder sans problème particulier – si on apprécie les films absurdes avec de la destruction, bien sûr. 👀 J'ai retrouvé pas mal d'acteurs que j'apprécie, notamment Anthony Ramos qui jouait le rôle principal dans le dernier Transformers et Daryl MacCormack, qui jouait dans La Roue du Temps et Good Luck to You, Leo Grande (mais il a un petit rôle, je ne l'ai même pas reconnu clairement, juste eu l'impression que je le connaissais). Glen Powell a le même rôle insupportable de beau gosse arrogant que dans Top Gun Maverick, mais on ne peut nier que le charme opère...

Du côté des séries

Rien. Je n'ai absolument pas la foi de m'y remettre, tout semble trop difficile. Les vidéos "Une semaine avec moi" de Mon blog de fille, c'est bien.

Et le reste

Un mois marquant du point de vue des revues!

J'ai lu en diagonale le Livres Hebdo de novembre 2023, dont le dossier parlait de ma grande terreur, "l'intelligence artificielle". Les constats sont accablants et les perspectives désolantes. Mais le reste de la revue était intéressant, bien sûr.

J'ai lu le hors-série estival de Cheval Magazine, qui portait sur le bien-être – c'est-à-dire le même sujet que le hors-série de l'été dernier, si je me souviens bien. Étrange. 🤔 Ces hors-séries réunissent des articles parus dans la revue au fil des ans. Pour moi qui lis tous les numéros, c'est donc un doublon; mais comme je ne me souviens de rien trois secondes après avoir fini ma lecture, ça ne me pose pas problème particulier. Seuls quelques articles très précis, comme celui sur la pose de sangsues sur les chevaux (👀), me disent vaguement quelque chose...

Le plus important, c'est que j'ai lu Le Monde Diplomatique de juin dernier, que j'ai acheté parce qu'il y avait un article de Dominique de Villepin, dont j'avais vaguement une bonne opinion en raison de son discours à l'ONU en 2003, et surtout parce que cet article avait un titre qui m'a fait vibrer: "La guerre n'est pas le plus court chemin vers la paix". Eh bien, quelle révélation, cet article. Deux pages sur le "nécessaire sursaut diplomatique" de la France et la vision d'un monde multipolaire fondé sur les règles, avec une analyse qui me semble lucide de certains conflits, l'évocation du fait que les guerres détournent nos efforts de la lutte contre le changement climatique (jusqu'ici, je n'avais vu que Reporterre évoquer cet aspect), un certain franc-parler qui semble honnête (la diplomatie, ça consiste à bricoler la solution la moins mauvaise). Le gars invite la France à se casser du G7 pour concentrer ses efforts sur le G20, qui est plus représentatif de la réalité mondiale, vous imaginez! Et il dit que les ambitions de la Chine sont légitimes! Je n'en revenais pas. Pour la première fois depuis que je lis ce journal, j'ai souligné des passages. Puis j'ai relu l'article et j'ai souligné encore plus de passages. Puis j'ai vu, sur les réseaux sociaux, que de Villepin a annoncé qu'il voterait Nouveau Front Populaire aux législatives et que, suite auxdites législatives, il a qualifié la constitution d'un gouvernement de "bâton merdeux" tellement la tâche est compliquée. Ce gars est ma nouvelle idole.

Bon, sinon, le reste du journal donne envie de tout cramer et d'étrangler les riches. La routine. 😂

En fin de mois, j'ai lu mon Cheval Magazine habituel, le numéro d'août.

Et vous, des révélations particulières en ce mois de juillet? 😊

jeudi 1 août 2024

L'Énigme de la chambre 622 (2020)

Un Joël Dicker dans l'entrée dans mon immeuble? Emballez, c'est pesé!

Dans ce cinquième roman du célèbre auteur suisse, j'ai retrouvé des caractéristiques des deux que j'avais déjà lus: une écriture efficace, qui n'est pas d'une grande élégance mais a le mérite d'être claire, et une intrigue bien menée, qui donne envie de tourner les pages et de lire "juste encore un chapitre"... En relisant mes chroniques que l'époque, je constate qu'on retrouve aussi les allers-retours dans le temps et les innombrables sous-intrigues ou rebondissements qui donnent l'impression que l'auteur tire un peu à la ligne. En bref, ce n'est pas du très grand art, mais c'est diablement efficace! Une vraie bouée de sauvetage à un moment où je désespérais de lire quoi que ce soit!

L'histoire: cette fois, notre enquête porte sur un meurtre commis dans la chambre 622 d'un palace de luxe en Suisse. Un écrivain venu dans ce palace entend parler de l'affaire et essaye d'en savoir plus, en écrivant en parallèle un livre sur le sujet. La victime? Eh bien, on ne le saura pas avant la bonne moitié du roman, même si on rencontre toutes les forces en présence, une série de personnages liés à une banque privée très renommée. Course à la présidence, manipulations, amours secrètes, décisions idiotes et plans désespérés ("l'opération retournement", mais quelle idée 😂) ont bien rythmé mes soirées et, même si j'ai deviné certains éléments en amont, je n'ai pas su prédire qui était mort et je n'ai identifié le meurtrier qu'au dernier moment.

À noter aussi: dans des passages qui sont probablement autobiographiques, le narrateur-écrivain, qui est suisse et s'appelle Joël (comme l'auteur...), n'arrête pas de parler de Bertrand de Fallois, l'éditeur qui l'a révélé (comme l'auteur...) et est devenu un mentor et ami (comme l'auteur? Je ne sais pas, mais disons que quand Bertrand de Fallois est mort, Joël Dicker a quitté les éditions de Fallois et a monté sa propre maison d'édition, Rosie and Wolfe, ce qui laisse penser qu'il était plus attaché au patron qu'à la maison).

À noter aussi: Rosie and Wolfe n'a pour l'instant publié qu'une traduction, mais le nom de la traductrice (ou du traducteur?), Dominique Goust, est en couverture!!! Youhouhouh!

Livres de l'auteur déjà chroniqués sur le blog!
La Vérité sur l'affaire Harry Québert (2012)
Le Livre des Baltimore (2015)

vendredi 26 juillet 2024

Le Petit Prince (1943) 🌟🦊🐑🐍

Chronique express!

Il me semble inutile de présenter Le Petit Prince d'Antoine de Saint-Exupéry, un des livres les plus connus (et traduits!) au monde. Je l'ai lu il y a longtemps, mais je ne me souvenais pas de grand-chose, à part les passages les plus célèbres ("Dessine-moi un mouton..."). Au contraire, je l'avais un peu pris en détestation comme un truc affreusement mignonnet, naïf et moralisateur sur l'amitié. Bon, en fait, je l'ai trouvé très mignon – dans le sens positif du terme – et j'ai été émue à la fin. Je ne suis pas sûre de bien comprendre pourquoi il a fait un tel triomphe, mais Saint-Exupéry a indéniablement mis le doigt sur quelque chose de très simple et essentiel de l'expérience humaine et de l'amitié... Et puis, ça m'a permis d'utiliser un marque-page de circonstance! 🥰

Pourquoi ce livre?
Parce que ma nouvelle enseignante de russe me le fait lire en russe et préférait que je le lise d'abord en français, de manière à comprendre plus facilement. Moi, j'étais partie pour ne pas le faire, car je trouve, justement, que ça devient trop facile. Mais vu comment j'en chie avec cette enseignante, je ne me suis pas fait prier quand elle m'a dit qu'elle préférait la stratégie facile. 😂

samedi 20 juillet 2024

Chien 51 (2022)

Après Eldorado, que j'ai trouvé brillant, je me suis empressée de chercher du Laurent Gaudé sur mon chemin. J'ai eu la chance de trouver La Mort du roi Tsongor dans jenesaisplus quelle boîte à livres, et j'ai emprunté Chien 51 en bibliothèque. Le prêt en bibliothèque étant limité dans le temps, j'ai commencé par là.

La couverture, superbe, est créditée au nom de Xiaohui Hu.

L'histoire se passe dans une mégalopole futuriste appartenant à une entreprise, GoldTex. La ville est divisée en trois zones, de la plus riche à la plus pauvre, et le personnage principal, Zem Sparak, est un policier de la zone 3, la plus pourrie. Dans une autre vie, il était grec. Mais un jour, la Grèce a été rachetée par GoldTex. La population a été déplacée. Zem a changé de vie, est devenu policier. Un "chien", ainsi surnommé parce qu'il flaire partout. Un beau jour, il est mis en binôme avec une inspectrice de la zone 2 pour résoudre un meurtre sordide, qui pourrait avoir un lien avec un trafic d'implants.

Comme les autres romans de Laurent Gaudé que j'ai lus, ce livre parle essentiellement des inégalités sociales. Magnapole, le genre de ville ultra hiérarchisée que la SF affectionne, est une scène parfaite pour dénoncer le traitement de certains citoyens de seconde zone et aborder la question de la puissance des entreprises jouant à armes égales avec les États, voire, ici, les rachetant. Et franchement, tous les souvenirs du protagoniste font froid dans le dos tellement ils résonnent avec la crise grecque et l'échec cuisant de bien des luttes. Cela m'a rappelé L'ombre de ce que nous avons été, dans lequel Luis Sepulveda met en scène d'anciens militants chiliens; je ne me souviens pas des détails, si ce n'est que ces hommes ont été vaincus par la torture, l'exil et le temps et ne sont plus, dans leur vieillesse, que l'ombre des jeunes d'autrefois. (D'où le titre du bouquin.)

Dans ce décor totalement déprimant (notamment lorsque Zem profite d'un casque de réalité augmentée pour juste voir Athènes telle qu'elle était... C'est à pleurer...), Laurent Gaudé met en scène une enquête assez classique, avec ses deux enquêteurs que tout sépare mais qui vont devoir apprendre à travailler ensemble, ses informateurs, ses pourris, ses réseaux. De ce point de vue, cela m'a rappelé les romans de Rosa Montero sur Bruna Husky, dans lequels le contexte science-fictif est certes intéressant, mais n'est pas le fond du sujet, puisque l'idée est essentiellement de savoir qui a tué Machin et pourquoi.

Chien 51 m'a moins marquée que Eldorado, voire relativement peu marquée de manière générale, mais ce qui est cool, c'est que Laurent Gaudé nous dit quelque chose et nous happe même quand il n'est pas à son meilleur, ce qui est fort admirable. Et je l'ai trouvé très intéressant, humble, lucide et pourtant encourageant dans l'épisode de C'est plus que de la SF consacré à Chien 51. Bref, je l'adore. 🥰 Je vais juste laisser passer plus de temps avant de lire La Mort du roi Tsongor, de peur que ses écrits perdent de leur force si je les lis de manière trop rapprochée.

Autres livres de l'auteur déjà chroniqués sur le blog
Le Soleil des Scorta (2004)
Eldorado (2006)
Ouragan (2010)

dimanche 14 juillet 2024

Le Mage du Kremlin (2022)

Chronique express!

Dans une maison superbe aux alentours de Moscou, Vadim Baranov raconte comment il a contribué, en 1999, à la nomination de Vladimir Poutine au poste de Premier ministre, puis à son élection à la présidence de la Fédération de Russie. Le personnage est fictif, mais il est inspiré – selon Wikipédia – d'une figure réelle, celle de Vladislav Sourkov. Ce qui est intéressant, dans tous les cas, c'est qu'il retrace toute l'évolution de la Russie à compter de la fin du communisme, depuis ses jeunes années et tout au long de ses décennies de travail au Kremlin, et qu'il détaille certain éléments-clés de l'ascension et du règne de Poutine: l'influence des attentats de Moscou de 1999 sur la population russe, la chute de Mikhaïl Khodorkovski (PDG de Ioukos), l'enjeu des JO de Sotchi et la guerre en Ukraine en 2014.

J'ai beaucoup apprécié ce roman de Giuliano da Empoli, qui m'a bien rafraîchi la mémoire sur un certain nombre d'actualités que j'avais suivies de loin durant les années 2000, mais je n'y ai pas non plus trouvé un chef d'œuvre stylistique – je me demande bien pourquoi l'Académie française lui a remis son Grand Prix, même si c'est déjà bien plus justifié que pour La Vérité sur l'affaire Harry Québert en 2012 🤣. J'ai aussi trouvé qu'il y avait quelques clichés ou généralités bizarres sur les Russes ("à l'époque les  fonctionnaires ne souriaient jamais en Union soviétique" – comment le sait-on? Quelqu'un a consulté tous les fonctionnaires de l'URSS et vérifié s'il leur arrivait de sourire? Il y a des pays où les fonctionnaires ont pour habitude de sourire?). En revanche, il y a parfois un point de vue qui fait contrepoint à la vision occidentale et qui est intéressant – ainsi, Vadim se moque de la communauté internationale qui trouve à redire sur les élections ukrainiennes de 2014 alors qu'elle valide les yeux fermés celles menées en Irak avec les soldats américains qui gardent les bureaux de vote. En bref, une lecture fort intéressante sur la Russie (un bon complément à Limonov d'Emmanuel Carrère!) et les mécanismes du pouvoir. Le roman étant sorti en avril 2022, il a dû se vendre comme des petits pains...