En 2023, j'ai lu avec grand plaisir Sistersong, un roman de Lucy Holland se déroulant dans l'ouest de l'Angleterre au Ve siècle. Il y était question de trois sœurs, de conquête saxonne et de changement religieux. Je me suis donc procurée le nouveau roman de l'autrice avec enthousiasme, d'autant plus que j'ai le (très) vague projet de contacter des maisons d'édition françaises pour attirer leur attention sur elle (et pour les convaincre de me confier la traduction de ses romans, bien sûr). Hélas, ça n'a pas pris aussi bien, et de loin.
L'histoire
Song of the Huntress se déroule au VIIIe siècle. La conquête saxone de l'Angleterre, mise en scène dans Sistersong, est finie depuis longtemps. Le royaume saxon du Wessex est dirigé par deux des personnages principaux: le roi Ine et la reine Æthelburg. Æthelburg est le bras armé d'Ine; c'est elle qui parcourt le royaume pour combattre, tandis qu'il s'occupe plutôt de la cour et du corpus juridique. Le roman commence lorsque Æthelburg brûle Taunton. Cet événement historique réel nous permet de situer l'action en 722. On comprend rapidement qu'il y a une certaine mésentente au sein du couple, avec beaucoup de souffrance et de non-dits, mais aussi que le petit frère du roi est antipathique, voire suspect, voire carrément un sale traître. En parallèle, le chemin d'Æthelburg croise celui d'Herla, une guerrière icène qui, des siècles plus tôt, a recherché l'aide du monde magique pour aider Boudica à remporter la victoire face aux Romains, mais a été prise au piège et condamnée à mener la Chasse sauvage. Quant à Ine, il se retrouve bien malgré lui aux prises avec la magie de la Domnonée, le royaume à l'ouest du sien, que les Saxons n'ont pas conquis et qui n'a pas été christianisé (et dans lequel se déroulait Sistersong).
En soi, Song of the Huntress avait pas mal de choses pour me plaire. Déjà, l'histoire de l'Angleterre est toujours passionnante, et les siècles relativement mal documentées de la fin de l'Antiquité et du début du Moyen Âge ouvrent la porte à toutes les interprétations et inventions possibles. Les changements de civilisation, comme l'antagonisme entre les royaumes saxons christianisés et la Domnonée pagane, sont riches de possibilités, et la magie celtico-mystique me plaît beaucoup; j'adore imaginer que Glastonbury est une porte pour le monde des fées, que la terre a son propre pouvoir, que des guerrières d'un autre âge, maudites par le roi du monde magique, tuent tous les humains sur leur passage en fonction du cycle de la lune.
(En vrai, je ne sais pas si ce roman aurait été possible sans Marion Zimmer Bradley, qui a fait la même chose, mais en beaucoup plus fin, il y a quarante ans. Mais bon. Tout le monde ne peut pas inventer un nouveau truc.)
Malgré cela, j'ai, hélas, plutôt agonisé sur ce bouquin. Déjà, il est rédigé au présent, ce que je trouve insupportable; mais ça aurait encore pu passer si le contenu avait été bon. Mais les personnages passent leur temps à se morfondre sur leur sort, à regretter les erreurs passées et à répéter les mêmes erreurs dans la foulée, comme si de rien n'était. La non communication au sein du couple Ine-Æthelburg est vraiment une pépite de non évolution scénaristique. La moitié de leurs problèmes auraient été évités s'ils avaient dit ce qu'ils avaient en tête ou ce qui leur était arrivé. Mais non, ils gardent la bouche fermée, de chapitre en chapitre... 😅 En outre, Æthelburg est très impulsive et donc agaçante. Ine est, au contraire, très mou, ce qui est agaçant aussi, mais il a au moins le sens des responsabilités. Enfin, Herla ne m'a pas passionnée non plus. Certes, c'est une guerrière formidable: elle était déjà très forte du temps des Icènes, et, au moment du roman, cela fait trois siècles qu'elle mène la Chasse sauvage et elle est donc devenue un être surnaturel, plus grand que nature. Mais bon, elle prend pas mal de mauvaises décisions aussi...
Et puis le style, purée, le style. Au moins 20 % du bouquin pourrait être amputé sans aucun problème: ce ne sont que gestes sur gestes, les persos qui mettent la main sur la garde de leur épée, qui tournent la tête, qui relèvent les yeux, qui lissent le tissu de leur habit. Putain. Je comprends que ça permet de rythmer les dialogues, dans une certaine mesure. Mais c'est exaspérant. Et entre deux dialogues, tout le monde se morfond. Je n'en pouvais plus.
Bilan: je ne peux pas nier que le contexte historique est fascinant, et que Lucy Holland a sans doute mené des études poussées pour donner corps à des personnages historiques et aux villes saxones de l'époque. Et je trouve intéressant de mettre en scène des personnages qu'on a longtemps peu vus, comme des bisexuels, des homosexuels et des asexuels. Mais bon. Ça ne suffit pas à faire un bon roman. 🤷♀️