mercredi 12 mars 2025

La Touche étoile (2006)

En 2021, j'ai découvert Benoîte Groult avec un immense plaisir. Après une trouvaille dans une étagère de livres à donner en 2023, j'ai cette fois-ci trouvé un roman d'elle en bouquinerie, et je n'ai pas hésité.

La Touche étoile est paru en 2006, et il m'a pas mal rappelé La Part des choses, qui est paru bien plus tôt, en 1972. On y retrouve des éléments communs: des points de vue multiples, la Bretagne, la mer et la navigation, les relations entre hommes et femmes, l'insatisfaction, l'adultère et le vieillissement. Et le franc-parler formidable de cette autrice, bien sûr.

Le premier chapitre donne la parole à Moïra, le destin en grec. Les autres chapitres alternent entre le point de vue d'Alice, âgée de quatre-vingt ans et plus, et celui de sa fille Marion. J'ai parfois eu un peu de mal à me repérer, chacune ayant un mari et plusieurs enfants, mais leurs trajectoires sont assez différentes.

Alice est une féministe "historique", qui voit les portes se fermer progressivement à cause de son âge, et qui observe avec consternation les jeunes générations. Son arrière-petit-fils est tellement gâté qu'elle l'appelle "l'énergumène" ou quelque chose de ce genre, ce qui m'a bien fait marrer. Je pense qu'elle est l'avatar de l'autrice, car c'est là que j'ai le plus retrouvé la verve que j'avais déjà lue.

L'intrigue de Marion tourne essentiellement autour de sa relation adultère avec un Irlandais, Brian, qu'elle a fréquenté par intermittence durant des années et dont elle a eu un enfant. Moi, cet élément d'adultère me laisse assez perplexe. Je considère la fidélité comme une des bases du couple, donc je vois l'adultère comme quelque chose de malhonnête – et ce même si, dans ce cas précis, le mari de Marion la trompe allègrement, à répétition et y compris avec ses amies à elle! (Enfin, des "amies"... Le terme ne me semble pas terriblement adapté... 🙃) Mais j'ai tout de même apprécié son histoire aussi.

Les deux femmes parlent toutes deux du vieillissement, de la santé qui s'amenuise, des expériences vécues qui s'accumulent, et c'est drôle par moments et poignants par d'autres.

"Une des tristesses de l'âge, c'est de s'apercevoir que les pires traditions, les préjugés les plus révoltants, les comportements les plus condamnables et qui ont été brillamment condamnés depuis trente ans par des sociologues et des psys de toutes obédiences, survivent à tout imperturbablement."
Halàlà, quelle déprime.

Surprise: la fin du roman se termine par un plaidoyer en faveur de l'euthanasie humaine. J'avais totalement oublié que Benoîte Groult militait pour l'Association pour le droit de mourir dans la dignité, et même que, selon sa page Wikipédia, elle a elle-même été euthanasiée. J'ai trouvé ça vibrant, quoi qu'un peu flippant. J'aimerais bien soutenir cette association, mais l'environnement reste ma priorité – accompagné en 2025, si mes moyens me le permettent, de journaux indépendants –, donc je doute d'y venir. Mais j'écris ça ici dans l'espoir de m'aider à me souvenir de franchir le pas un jour.

Autres livres de l'autrice déjà chroniqués sur ce blog
La Part des choses (1972)
Ainsi soit-elle (1975)
Mon évasion (2008)

vendredi 7 mars 2025

Recherche d'une Église (1934)

Taratata, taratata, c'est le retour de Jules Romains!!

Après un sixième tome qui se terminait avec la prise de conscience de Jerphanion qu'il lui fallait quelque chose de plus grand que lui – une Église, en d'autres termes – et sa prise de contact avec Clanricard, le septième tome de la Saga des Hommes de bonne volonté s'articule en grande partie autour de cette recherche. Ce qui n'a rien d'étonnant, au vu du titre.

Pour Jerphanion, et Laulerque qu'il rencontre grâce à Clanricard, la piste à suivre est assez marrante: ce ne sera pas le Parti Socialiste ou une autre entité du même genre, mais... des sociétés secrètes. Jerphanion se tourne vers la Franc-maçonnerie; Laulerque, vers une société tellement secrète que le lecteur n'apprendra rien à son sujet. Par ailleurs, Jerphanion discute beaucoup avec Jallez, son camarade de Normale, et on en apprend plus sur Juliette, l'amante de celui-ci. J'adore Jerphanion et Jallez, alors je me suis régalée. Et le mari trompé entre aussi en scène.

Du côté de la bonne société, on a un dîner autour d'une actrice, Germaine Baader, et quelques rendez-vous rapides. Et Gurau, devenu ministre je ne sais plus quand, plante sa démission!! Mais on le voit très peu, et je n'ai pas du tout saisi les tenants et les aboutissants de son mandat.

Bref, l'intrigue avance tranquillement, et l'apparition des sociétés secrètes est sans doute très importante pour la suite, mais il n'y a pas de changement majeur. J'ai passé un excellent moment, et j'ai retrouvé avec grand plaisir tous les personnages, et je me réjouis de lire la suite.

Du point de vue du support, ce septième tome est le dernier du premier tome de la collection Bouquins!! C'est fou. Je l'aurai lu en moins d'un an, ce sur quoi je n'aurais jamais misé quand je l'ai commencé. Avant de le ranger dans la bibliothèque, j'ai resurvolé l'introduction – qui est beaucoup trop pointue pour moi mais fournit tout de même des informations intéressantes –, la biographie de l'auteur et surtout sa préface, qui éclaire son projet de manière très intéressante. Le premier paragraphe est d'ailleurs très drôle:

"Je publie aujourd’hui les deux premiers volumes de l’œuvre qui sera probablement la principale de ma vie. Par les dimensions d'abord. Ces deux volumes doivent être suivis, à des intervalles que je tacherai de rapprocher autant que possible, d'un certain nombre d'autres. (Je m'abstiens d'indiquer un chiffre précis pour n'effrayer personne.) Par le contenu aussi, je l'espère."
"Je m'abstiens d'indiquer un chiffre précis pour n'effrayer personne." C'est beau. Je crois que, à l'époque, il ne misait que sur dix ou douze romans. Au final, il y en aura eu vingt-sept!!! Vingt-sept!!! Pour sept cent soixante-dix-neuf chapitres!!! 779!!! Le gars était un malade. 😅 Et il ne voyait pas ça comme une saga en plusieurs volumes, mais comme un seul et unique roman très long!! Le fou.

mardi 4 mars 2025

La gamelle de février 2025

Comme toujours, retour sur les activités culturelles du mois écoulé, hors lecture!

Sur petit écran


Pas de film.

Sur grand écran

Babygirl de Halina Reijn (2024)

Ouch! Nicole Kidman joue une PDG très maîtresse d'elle qui initie une liaison avec son stagiaire bien plus jeune. Leur relation est nettement moins sordide et dominatrice que la bande annonce ne le laisse présumer, mais il y quand même pas mal de tension. Malgré cela, je me suis ennuyée ferme. Je n'ai absolument pas compris ce que le personnage de Nicole Kidman peut bien trouver au jeune homme. La moitié des dialogues sont hachés, interrompus, chuchotés et marmonnés, ce qui m'a exaspérée. La caméra bouge beacoup, ce qui m'a exaspérée aussi. Je ne suis pas sure d'avoir compris la fin. Et pour un film qui tourne autour de la jouissance de NICOLE KIDMAN, une actrice avec un potentiel de dingo, c'était bien peu excitant. Mais en bien, je dirai que Nicole Kidman a un charisme fou et joue un rôle difficile, qu'Antonio Banderas est merveilleux même en père de famille ennuyeux, et que le film parle de sexualité féminine, y compris de masturbation, ce qui est toujours bien.

Better Man de Michael Gracey (2024)

Holàlà qu'est-ce que j'ai aimé!!!! J'ai chanté (tout bas 😂😂), j'ai gigoté sur mon siège, j'ai pleuré!!! Les chansons de Robbie Williams – dont j'ai découvert que j'en connaissais vaguement quelques-unes, outre "Rock DJ" que j'adore et "Angels" que j'ai redécouverte grâce à la bande-annonce – ne seront plus jamais les mêmes pour moi. La fin, son message de rédemption et cette autre chanson que je ne divulgalcherai pas m'ont électrisée et m'ont donné de l'espoir. Holàlà!!!!

Moulin Rouge! de Baz Luhrmann (2001)

Holàlàlà mais quelle merveille, ce film!! Je l'aime teeelllleeeeement!! Je l'avais déjà (re)vu au cinéma en 2021 et en 2022 et non seulement je ne m'en lasse pas, mais je l'ai trouvé encore meilleur!!

Creation of the Gods 2 – Demon Force de Wuershan (2025)

Holàlàlà mais quel bonheur!!! Cette fantasy chinoise me dépayse totalement et m'enthousiasme démesurément en dépit de certains côtés ridicules!! Je suis tellement heureuse que mon cinéma l'ait passé!!! Vivement le troisième film!!!! Aaaaaaaah!!!
Mon avis sur le premier film (ohlàlàlà!!!).

Du côté des séries

Toujours rien.

Et le reste

J'ai lu le Manière de voir de décembre 2023-janvier 2024 sur les femmes et le féminisme. Cette revue regroupe des articles passés du Monde Diplomatique. À quelques rares exceptions près, tous les articles réunis ici sont très récents – post Me-Too, dirais-je –, ce qui m'a laissée assez songeuse. Le Monde Diplomatique n'écrivait-il pas sur les luttes des femmes, avant? Enfin, d'un autre côté, l'article de Gisèle Halimi de 1993 m'a plutôt déprimée, vu qu'elle décrit des réactions identiques à celles d'aujourd'hui. Rien ne change et c'est assez désespérant.

Cheval Magazine est arrivé un peu tard et le mois de février est un mois court, alors il a basculé sur le mois de mars. ^^

jeudi 27 février 2025

The Sittaford Mystery (1931)

Chronique express!

Photo souvenir d'une des meilleures matinées de l'année:
j'avais passé un super week-end, j'avais du temps avant mon train, j'avais de quoi payer, je savais que ce serait délicieux... 💖

Un petit Agatha Christie, ça ne se refuse jamais, et encore moins quand on trouve un exemplaire abandonné sur son chemin. Cela faisait bien trop longtemps que je n'avais rien lu de la reine du crime (six ans depuis The Hollow!), et je l'ai retrouvée avec une jubilation totale.

Au menu de ce roman: une séance de spiritisme qui annonce un meurtre, un homme tué chez lui, un suspect tout trouvé, un policier précis et perspicace, une tonne de personnages secondaires qui pourraient bien être suspects à leur tour, une multitude de fausses pistes et surtout Emily Trefusis, la petite amie délicieusement charmante du principal suspect, qui est bien déterminée à prouver son innocence. Comme souvent, l'intrigue se passe dans le genre de coin paumé d'Angleterre qui me fait rêver, où tout le monde connaît tout le monde, où les trains roulent sans difficulté, où le chômage et la criminalité n'existent pas (enfin, sauf qu'il y a un meurtre, HAHAHAHAHA), et où les saisons sont de vraies saisons, ma petite dame. Et les personnages vivent au sein d'une société pas très huppée, mais néanmoins très policée et propre sur elle. J'A-DO-RE. Et puis Christie avait beaucoup d'humour et fait ici pas mal de références à Arthur Conan Doyle, que j'aime d'amour aussi. Et puis comme j'ai bien compris qu'il faut soupçonner TOUT LE MONDE dans ses romans, j'ai soupçonné le meurtrier!!! Bonheur et fierté.

samedi 22 février 2025

The Kaiju Preservation Society (2022)

Chronique express!

Après Redshirts et ses membres d'équipage bien décidés à survivre, place à un nouveau John Scalzi! Dans The Kaiju Preservation Society, on suit les aventures de Jamie Gray, un New-Yorkais qui a perdu son emploi à la veille du confinement de 2020 et est devenu livreur pour une société type UberEats (son ancien employeur, soit dit en passant). Il retrouve ainsi par hasard une vieille connaissance, qui lui propose un emploi bien plus rémunérateur sans lui donner trop de détails.

Le personnage qui débarque dans un environnement qu'il ne connaît pas, c'est évidemment un procédé bien connu pour poser un décor, et cela marche ici très bien pour nous mener jusque sur une Terre parallèle à la nôtre, où la vie a évolué de manière très différente, prenant parfois des proportions... titanesques. Tout est dans le titre. Mais les kaijus ne sont pas seulement super cools parce qu'ils sont des kaijus: ils ont aussi un fonctionnement assez intéressant, qui implique des tas de parasites. Comme le dit un personnage, il faut plutôt les concevoir comme des écosystèmes que comme des animaux...

Si j'ai été incapable de retenir qui faisait quoi dans l'équipe du personnage principal et si j'ai été exaspérée par la structure "ligne de dialogue - description d'un geste - ligne de dialogue - description d'un geste" absolument INCESSANTE de ce roman, j'ai tout de même passé un super moment avec notre brave Société. C'est truffé de références à la pop culture (heureusement que j'écoute Godzilla Final Podcast, sinon je n'aurais pas compris pourquoi le vaisseau s'appelle le Shobijin 😂😂), c'est truffé de vannes et de blagues, ça se lit tout seul, c'est parfait. J'ai aussi beaucoup apprécié la postface dans laquelle Scalzi explique avec honnêteté comment il a galéré à écrire en 2020 et début 2021. Quelque chose me dit qu'il doit de nouveau avoir du mal à écrire depuis novembre dernier...

Allez donc voir ailleurs si ces kaijus y sont!
L'avis du Chien critique
L'avis d'Ombrebones

lundi 17 février 2025

Les Falsificateurs (2007)

Après avoir lu trois romans d'Antoine Bello (Ada, Roman américain et Du Rififi à Wall Street), j'étais ultra motivée pour continuer le voyage aux côtés de cet écrivain billant, qui sait aborder des sujets complexes avec une plume limpide et brouiller les frontières entre réalité et fiction.


Dans Les Falsificateurs, il met en scène Sliv Dartunghuver, un Islandais embauché dans un cabinet d'expertise. Après sa première mission, qui se déroule au Groenland, son patron lui révèle que l'entreprise sert en réalité de façade au CFR. Personne ne sait avec certitude ce que signifie ce sigle, mais tout le monde s'accorde à penser qu'il s'agit du "Consortium de falfication du réel". En tout cas, c'est une organisation tentaculaire, présente dans le monde entier, qui modifie la réalité via la falsification grâce à des moyens humains, techniques et économiques ahurissants.

"Je vous invite à lire ce dossier. Il a été monté il y a trois ans par une jeune recrue dont c'était la première affaire. Il est loin d'être parfait mais il vous donnera un bon aperçu de notre travail au quotidien. [...] Un conseil: si cette lecture ne suscite chez vous aucune forme de jubilation intellectuelle, arêtez les frais immédiatement. Si, dès le deuxième paragraphe, vous vous prenez à vous demander s'il était possible de faire mieux et comment vous auriez procédé à la place de l'auteur, c'est que vous êtes ferré."
Le premier dossier de Sliv consiste à inventer une histoire d'expropriation des peuples premiers au Bostwana. Insertion d'un chapitre inventé de toutes pièces dans le projet de publication de l'autobiographie bien réelle d'un célèbre anthropologue, invention de divers personnages ayant révélé l'affaire, modification de sources réelles: après avoir écrit un scénario, il faut concevoir la falsification dans ses moindres détails afin que l'affaire tienne debout et trompe le monde entier.

Ce concept même – l'histoire d'un falsificateur qui modifie le monde aux yeux de ses contemporains – est belloesque par essence, et je me suis ré-ga-lée. Déjà, le style limpide de l'auteur est bien présent, et avec une bonne dose d'humour.
"Vers la fin de l'année 1994, je commençai à préparer mon voyage en Patagonie. Lena Thorsen avait anéanti mes espoirs de prendre un mois entier de congé en m'accordant royalement quinze jours "pendant la période creuse" (elle était bien la seule à s'être penchée sur la saisonnalité du business de la falsification)."

Les personnages sont tous bien croqués: Sliv, son patron, ses amis falsificateurs. Les histoires dans l'histoire (les divers scénarios que Sliv étudie ou rédige) sont prenantes et passionnantes. Et bien sûr, l'étendue de la falsification et la minutie nécessaire pour qu'elle tienne l'épreuve du réel sont absolument immenses, jubilatoires, passionnnantes, renversantes. Et, bien sûr, on s'interroge sans cesse, en toile de fond, sur l'identité exacte du CFR et ses motivations réelles. Pourquoi monter autant de projets dans tous les domaines? Et comment diable sont-ils financés?

Je n'ai que deux bémols à cette lecture. Premièrement, l'étendue de la falsification à l'œuvre ici m'a fait sérieusement relativiser la falsification d'une page Wikipédia qui m'avait pas mal retourné le cerveau dans Roman américain; pour Antoine Bello, c'était probablement un petit exercice de routine. 🤣🤣🤣 Deuxièmement, le roman se termine sur deux mots terribles, deux mots qui hantent les nuits des lecteurs confrontés à un certain espace-temps: "à suivre". Car l'histoire n'est pas finie!!! Heureusement pour moi, j'arrive mille ans après la guerre et j'ai donc déjà la suite, Les Éclaireurs. Je l'avais même achetée la première, avant de découvrir qu'il valait mieux la lire à la suite des Falsificateurs. Je suis joie, je suis bonheur, je suis jubilation, je lirai ça bientôt. Antoine Bello est un génie!

mercredi 12 février 2025

La Saga de Youza (1979)

En Lituanie, le lendemain d'un mariage, un homme qui n'a pas dormi de la nuit annonce à son frère et à sa sœur qu'il va quitter la ferme familiale et s'installer sur leur parcelle du marais du Kaïrabalé, une terre jusque-là exploitée seulement une partie de l'année. Pour sa famille, c'est la stupéfaction. Mais Youza ne s'embarrasse guère d'explications: c'est un homme taciturne, qui a pris sa décision et ne reviendra pas dessus.

Durant 370 pages, ce roman de Youozas Baltouchis décrit ainsi le quotidien de Youza, tout seul dans son marais. Son frère passe quelques fois. Les habitants viennent faire les foins une fois par an. Mais dans l'ensemble, il est seul avec ses animaux – une vache, un cheval et quelques poules – et son terrain. Tout est à constuire et à installer: une maison, une étable, un puits, des champs, des ruches. Les saisons passent, la nourriture évolue en conséquence.

J'ai moi-même du mal à croire que ce roman comporte si peu d'action, mais c'est vrai. C'est vraiment, essentiellement, l'histoire d'un mec seul dans son marais, avec une simplicité que je ne sais pas vraiment comment qualifier si ce n'est d'"ancestrale".

Plusieurs fois, néanmoins, le monde extérieur fait irruption: les autorités réclament des impôts ou des hommes demandent un abri. Je ne sais pas en quelle année commence l'intrigue exactement, mais on traverse à peu près les années vingt à quarante (voire dix à cinquante) de l'histoire de la Lituanie, et j'ai bien sûr trouvé cela passionnant, étant donné que je ne sais à peu près rien sur la Lituanie en particulier et sur les États Baltes en général. Mais c'est une histoire mouvementée et tragique qui serre le cœur, notamment pour la communauté juive, et laisse songeur quant à la succession des régimes qui apportent tous leurs problèmes (même si certains sont bien plus crades que d'autres, il va sans dire).

Entre les descriptions de la vie à la ferme et les rencontres riches, l'ensemble dégage une humanité précieuse. Et surtout, la version française, traduite du lituanien et du russe par Denise Yuccoz-Neugnot, est sublime de richesse. Pour je ne sais quelle raison, j'ai trouvé le premier paragraphe  ardu lorsque je l'ai lu peu après mon achat, et j'ai donc laissé le roman de côté plusieurs mois; mais quand je l'ai repris, j'ai été charmée tout de suite. C'est élégant et fin, et ça donne parfaitement vie à ce monde empli de plantes acquatiques et d'oiseaux. Je ne peux pas juger le texte en tant que traduction, vu que je ne peux pas comparer avec l'original, mais le produit final publié en France est un vrai régal. Chapeau.

Cherchant des infos sur le processus de traduction pour m'expliquer pourquoi le roman était traduit "du russe et du lituanien" (et non du lituanien uniquement), je suis tombée sur un article passionnant de Marielle Vitureau sur le processus de traduction et l'histoire du livre en France (attention, le lien télécharge directement le fichier PDF). Je suis éblouie de voir que ce roman a trouvé son chemin ici, car l'Europe de l'Ouest est fort peu tournée vers l'Europe de l'Est... Et donc, le roman est traduit du lituanien et du russe car la traductrice a traduit à partir de la traduction russe, mais avec une Lituanienne, dans un processus à quatre mains assez fascinant. Le résultat est tellement merveilleux que ça me peinerait de revenir dessus, mais, bien sûr, l'idéal serait de faire un jour traduire ce roman par quelqu'un qui travaille directement à partir du lituanien...

Pourquoi ce livre?

C'est sans doute la question que tout le monde se pose! Parce que c'est bien la première fois que je touche à la littérature lituanienne ou balte. Eh bien: parce que, en mai dernier, Marielle Vitureau est intervenue sur France Culture pour parler de Vilnius (la capitale lituanienne, préciserai-je) et qu'elle a évoqué ce roman. J'ai noté le nom et je l'ai acheté. J'ai tellement bien fait. Merci, Marielle. Pour info, je vous ai déjà parlé d'elle sur ce blog, car elle a écrit le Dictionnaire insolite des pays baltes que j'ai lu il y a deux ans.

vendredi 7 février 2025

Song of the Huntress (2024)

En 2023, j'ai lu avec grand plaisir Sistersong, un roman de Lucy Holland se déroulant dans l'ouest de l'Angleterre au Ve siècle. Il y était question de trois sœurs, de conquête saxonne et de changement religieux. Je me suis donc procurée le nouveau roman de l'autrice avec enthousiasme, d'autant plus que j'ai le (très) vague projet de contacter des maisons d'édition françaises pour attirer leur attention sur elle (et pour les convaincre de me confier la traduction de ses romans, bien sûr). Hélas, ça n'a pas pris aussi bien, et de loin.

L'histoire
Song of the Huntress se déroule au VIIIe siècle. La conquête saxone de l'Angleterre, mise en scène dans Sistersong, est finie depuis longtemps. Le royaume saxon du Wessex est dirigé par deux des personnages principaux: le roi Ine et la reine Æthelburg. Æthelburg est le bras armé d'Ine; c'est elle qui parcourt le royaume pour combattre, tandis qu'il s'occupe plutôt de la cour et du corpus juridique. Le roman commence lorsque Æthelburg brûle Taunton. Cet événement historique réel nous permet de situer l'action en 722. On comprend rapidement qu'il y a une certaine mésentente au sein du couple, avec beaucoup de souffrance et de non-dits, mais aussi que le petit frère du roi est antipathique, voire suspect, voire carrément un sale traître. En parallèle, le chemin d'Æthelburg croise celui d'Herla, une guerrière icène qui, des siècles plus tôt, a recherché l'aide du monde magique pour aider Boudica à remporter la victoire face aux Romains, mais a été prise au piège et condamnée à mener la Chasse sauvage. Quant à Ine, il se retrouve bien malgré lui aux prises avec la magie de la Domnonée, le royaume à l'ouest du sien, que les Saxons n'ont pas conquis et qui n'a pas été christianisé (et dans lequel se déroulait Sistersong).

En soi, Song of the Huntress avait pas mal de choses pour me plaire. Déjà, l'histoire de l'Angleterre est toujours passionnante, et les siècles relativement mal documentées de la fin de l'Antiquité et du début du Moyen Âge ouvrent la porte à toutes les interprétations et inventions possibles. Les changements de civilisation, comme l'antagonisme entre les royaumes saxons christianisés et la Domnonée pagane, sont riches de possibilités, et la magie celtico-mystique me plaît beaucoup; j'adore imaginer que Glastonbury est une porte pour le monde des fées, que la terre a son propre pouvoir, que des guerrières d'un autre âge, maudites par le roi du monde magique, tuent tous les humains sur leur passage en fonction du cycle de la lune.

(En vrai, je ne sais pas si ce roman aurait été possible sans Marion Zimmer Bradley, qui a fait la même chose, mais en beaucoup plus fin, il y a quarante ans. Mais bon. Tout le monde ne peut pas inventer un nouveau truc.)

Malgré cela, j'ai, hélas, plutôt agonisé sur ce bouquin. Déjà, il est rédigé au présent, ce que je trouve insupportable; mais ça aurait encore pu passer si le contenu avait été bon. Mais les personnages passent leur temps à se morfondre sur leur sort, à regretter les erreurs passées et à répéter les mêmes erreurs dans la foulée, comme si de rien n'était. La non communication au sein du couple Ine-Æthelburg est vraiment une pépite de non évolution scénaristique. La moitié de leurs problèmes auraient été évités s'ils avaient dit ce qu'ils avaient en tête ou ce qui leur était arrivé. Mais non, ils gardent la bouche fermée, de chapitre en chapitre... 😅 En outre, Æthelburg est très impulsive et donc agaçante. Ine est, au contraire, très mou, ce qui est agaçant aussi, mais il a au moins le sens des responsabilités. Enfin, Herla ne m'a pas passionnée non plus. Certes, c'est une guerrière formidable: elle était déjà très forte du temps des Icènes, et, au moment du roman, cela fait trois siècles qu'elle mène la Chasse sauvage et elle est donc devenue un être surnaturel, plus grand que nature. Mais bon, elle prend pas mal de mauvaises décisions aussi...

Et puis le style, purée, le style. Au moins 20 % du bouquin pourrait être amputé sans aucun problème: ce ne sont que gestes sur gestes, les persos qui mettent la main sur la garde de leur épée, qui tournent la tête, qui relèvent les yeux, qui lissent le tissu de leur habit. Putain. Je comprends que ça permet de rythmer les dialogues, dans une certaine mesure. Mais c'est exaspérant. Et entre deux dialogues, tout le monde se morfond. Je n'en pouvais plus.

Bilan: je ne peux pas nier que le contexte historique est fascinant, et que Lucy Holland a sans doute mené des études poussées pour donner corps à des personnages historiques et aux villes saxones de l'époque. Et je trouve intéressant de mettre en scène des personnages qu'on a longtemps peu vus, comme des bisexuels, des homosexuels et des asexuels. Mais bon. Ça ne suffit pas à faire un bon roman. 🤷‍♀️

dimanche 2 février 2025

La gamelle de janvier 2025

Comme d'habitude, retour sur les activités culturelles du mois écoulé!

Sur grand écran

Le Déluge de Gianluca Jodice (2024)

J'ai adoré! Mon cerveau a tellement carburé durant la séance que j'ai envisagé de consacrer à ce film un billet dédié – mais, le temps de rentrer chez moi, j'ai oublié la majorité de mes réflexions, bien entendu. Sur la forme, c'est un film superbe, extrêmement bien mis en scène et cadré. La moindre scène est un tableau. Et Guillaume Canet et Mélanie Laurent jouent extraordinairement bien. Sur le fond, qu'est-ce que j'aime qu'on fasse de Louis XVI et de Marie-Antoinette des GENS, de simples humains sous les perruques, effrayés par l'avenir et dépassés par les évènements, et qu'on nous montre une Marie-Antoinette lucide et gravée dans le granit, bien loin du cliché de la femme écervelée, frivole et dépensière (sérieux, vous le voyez, le cliché mysogyne? Quand je pense que j'ai appris ça à l'école... 😅). J'ai aussi apprécié qu'on nous montre la place du catholicisme dans leurs vies. Mais j'ai aussi badé et angoissé, car il y a plusieurs scènes très dures ([divulgâcheur] il y a notamment une scène à contenu sexuel qui, bien qu'on ne VOIE rien, est extrêmement angoissante [fin du divulgâcheur]) et, bien sûr, on sait comment ça se termine, tout cela. J'ai pensé à une scène du Guépard, dans laquelle le narrateur, en gros, se dit que la nouvelle Italie, étant sure de sa victoire, n'avait pas besoin de truquer les premières élections lui donnant sa légitimité; elle allait gagner de toute façon, alors elle aurait pu gagner en jouant pour de vrai, au lieu de salir sa naissance par la tricherie. Eh bien, là, c'est pareil; on se dit que la République aurait pu se faire sans maltraiter ces gens-là, et que ça n'a sauvé personne de la pauvreté d'antan de leur couper la tête.
Une critique, toutefois: autant les prisonniers sont humanisés et complexes, autant les geôliers républicains sont assez uniforméments désagréables, voire cruels, bornés et... sales. Oui. Visiblement, un républicain, ça ne connaît pas l'hygiène, voire ça vit carrément dans la boue. Ce qui est fort dommage pour un film qui met en avant la nuance.

La Chambre d'à côté de Pedro Almodóvar (2024)

Tilda Swinton et Juliane Moore, ce sont déjà deux arguments forts en faveur d'un film. John Turturro en rôle secondaire, c'est aussi un argument. Mais alors Tilda Swinton qui récite la fin de la nouvelle The Dead de James Joyce, c'est plus qu'un argument: il fallait que je voie ce film juste pour ça. C'est un beau film qui touche très juste sur les thématiques de la maladie et de la déchéance qu'elle entraîne. Pour moi qui regarde du côté de l'euthanasie en Suisse, ça tombait à point nommé. Les deux personnages féminins, en outre, sont tout ce que je rêvais d'être: libres, intellectuelles, cultivées, élégantes sans effort, riches financièrement mais aussi d'une personnalité qui ressort du moindre geste. Et on les voit regarder la fin du film de John Huston qui adapte le texte de Joyce, qui m'a tant marquée. Néanmoins, j'ai trouvé le film un peu figé dans sa mise en scène, à tel point que certaines choses semblent fausses (les fruits, la version jeune de Tilda Swinton) (mais est-ce assumé, peut-être?). Espérons toutefois qu'il fasse réfléchir quelques personnes...

Du côté des séries

Toujours rien! Je parviens à peu près à regarder trois ou quatre vidéos YouTube par semaine en dînant (ça m'aide à manger plus lentement et en ayant conscience que je suis en train de manger) et c'est déjà pas mal.

Et le reste

J'ai lu Translittérature, la fabuleuse revue de l'Association des traducteurs littéraires de France. Pour une rare fois, je me suis ennuyée sur le dossier, qui évoquait la voix: j'ai trouvé les articles très creux. Cumuler les synonymes, ça fait peut-être intello pour certains, mais ça ne fait pas tellement avancer la réflexion, à mon humble avis...

En fin de mois, j'ai lu mon Cheval Magazine, comme d'habitude. Ce mois-ci, il y a eu une seule et unique référence aux animalistes: dans une interview au nouveau président de la Fédération française d'équitation, la journaliste a évoqué le sujet du bien-être animal et a demandé "comment protéger notre pratique et notre sport?". Pas "comment protéger les chevaux?" mais "Comment protéger notre pratique et notre sport?" Putain, la route est longue...

mardi 28 janvier 2025

Bilan 2024 - Perso

Et maintenant que les bilans culturels sont sortis, place au bilan perso, un truc très utile pour me donner du courage au fil de l'année!

L'objectif, bien entendu, n'est pas de me voiler la face en oubliant tout ce qui ne va pas, mais de valoriser mes efforts. Les résultats ne sont jamais à la hauteur, ce qui me déprime considérablement, mais je fais au moins mon possible, ma part, pour que les choses avancent.

Cette année, cet article est plus long que jamais; je le scinde donc en deux afin de ne pas occuper toute la page d'accueil du blog. Trigger warning: je le scinde juste avant de parler d'euthanasie; si le sujet vous trouble, affichez la suite avec prudence.

🖥️ Pro. Mon chiffre d'affaires a augmenté, à tel point que cette année est la meilleure de ma carrière. C'est en partie parce que je touche des droits sur les ventes de mes traductions et que je suis donc rémunérée maintenant pour des travaux effectués il y a plus ou moins longtemps. Mais c'est aussi, et surtout, parce que j'ai travaillé dur. Et sans doute parce que j'ai appris à taper avec les dix doigts il y a deux ans, ce qui me permet de traduire plus de mots par jour, dans l'ensemble. Mais c'est quand même, et surtout, parce que j'ai travaillé dur.

💤 Repos. J'ai eu cent quatorze jours de repos sur l'année, ce qui est stable par rapport à 2023. En début d'année, c'était parti pour être plus, car j'ai eu des tas de week-ends complets. Mais je suis moins partie en vacances que d'autres années, et l'été et la fin d'année ont été bien chargés. Bon. J'aimerais bien avoir plus, mais je crois quand même voir la différence avec les années où je n'ai eu que cent jours, c'est-à-dire l'équivalent de mes week-ends et c'est tout.

🤑🤑🤑 Argent et dépenses. Des tas de gens disent que l'argent ne fait pas le bonheur. Moi, je suis intimement persuadée du contraire. Cette année, après avoir renfloué mon épargne que j'avais considérablement asséchée en 2023 à cause d'une année asphyxiante, j'ai pu m'offrir le luxe de m'acheter pas mal de choses. Des chaussures, des chaussettes, des culottes, des pantalons, des produits pour la peau. Je suis bien consciente que c'est banal pour la plupart des gens, mais, pour moi, ça a été une renaissance. Enfiler des chaussettes neuves, avec du tissu uniforme sur tout le pied, est jubilatoire quand on traîne des chaussettes reprisées, avec une maille transparente par endroits, depuis des années; travailler chez soi vêtue d'un pantalon neuf a quelque chose de grisant quand on travaille depuis des années en jogging informe et troué. Par ailleurs, j'ai ouvert pas moins de deux PER, auprès de Caravel et de Goodvest, dans la quadruple idée de réduire mon impôt sur le revenu, de verdir mon épargne, de diversifier mes placements et de complémenter une éventuelle retraite à l'horizon 2055.

jeudi 23 janvier 2025

Bilan 2024 - Lectures

Après le bilan cinématographique, place au bilan des lectures!

Avant tout, une petite note de catégorisation: tous les ans ou presque, on me demande si les bandes dessinées et les revues comptent dans le total des livres lus. Pour moi, c'est une évidence que non. Quand je compte les livres, je parle de livres non graphiques. Ce que je considère comme le sens par défaut de "livre", quoi. Mais comme ce n'est pas une évidence pour tout le monde, j'ai fait des catégories plus précises cette année.

Bilan des romans et essais (non graphiques, donc 😅)

Avec horreur et désespoir, j'ai constaté en fin d'année que je n'avais lu que cinquante-trois livres en 2024. Quelle déprime. C'est donc avec un certain soulagement que j'ai redécouvert que, en, fait, je n'en avais déjà lu que cinquante-quatre en 2023, ce qui impliquait que la diminution était infime, voire franchement insignifiante.

2020: 62
2021: 58
2022: 60
2023: 54
2024: 53

Peut-être que le fait de tenir, en moyenne, le rythme hautement symbolique du "un livre par semaine" est un palier que je ne parviens plus à dépasser dans un quotidien bien rempli.

Établir un classement a été à peu près impossible. Un livre en particulier se détachait, mais le mettre en tête ne reflétait pas suffisamment mon année en raison d'une série de livres qui lui impose une concurrence plus que rude. J'ai donc résolu le problème en classant non pas les livres, mais les auteurs!!! 💡💡💡

En tête:
Simone de Beauvoir et Jules Romains

Bon, ça n'étonnera personne. Tant Mémoires d'une jeune fille rangée que La Force de l'âge sont des bouquins de dingue, qui m'ont fait découvrir une femme hors de l'ordinaire; mais Jules Romains, avec sa saga des Hommes de bonne volonté, me rend tout simplement hystérique. J'ai lu les six premiers romans cette année et je me réjouis d'en avoir vraisemblablement jusqu'en 2028 avec la suite. J'en ai d'ailleurs probablement pour aussi longtemps avec de Beauvoir, car je compte bien lire ses romans quand j'aurai fini ses mémoires. 💕💕💕

Deuxième place du classement

Laurent Gaudé, bien entendu! J'ai lu trois de ses livres: Eldorado, Chien 51 et La Mort du roi Tsongor. Tous trois ont été à tout le moins bons, et le dernier a même été une sacrée expérience.

Troisième place du classement

René Barjavel avec Ravage, bien sûr! Quelle littérature, ce roman. En soi, il mériterait d'être ex-aequo avec Gaudé, mais j'ai lu trois romans, tous bons, de Gaudé, alors que Barjavel m'a moins emballée avec La Nuit des temps...

Quatrième place du classement

John Steinbeck avec Of Mice and Men, un bouquin légèrement traumatisant, mais excellent.

Cinquième place du classement

Je suis très, très heureuse d'avoir enfin lu John Scalzi, avec le jubilatoire Redshirts. Et d'avoir continué à découvrir Antoine Bello avec Du rififi à Wall Street. Et d'avoir rencontré Hervé Le Tellier avec L'Anomalie.

Et les autres...

Comme tous les ans, j'ai envie de citer bien d'autres auteurs: Becky Chambers, Villiers de l'Isle Adam, Barbey d'Aurevilly, Charlotte Brontë, Philippe Jaenada... Sans même parler de mes relectures de Légende et du Seigneur des Anneaux!! Mais je me limiterai à lister en détail ce bon vieux Guy de Maupassant, présent avec deux recueils de nouvelles – Le Rosier de Madame Husson et Mademoiselle Fifi – et sa biographie écrite par Henri Troyat.

Et la pile à lire, dans tout ça?

Elle est passée de dix à vingt-deux livres, ce qui me va très bien. Ok, en pourcentage, ça représente une augmentation de 120%, mais le chiffre absolu me convient très bien.

Du côté des BD

J'ai lu seize ouvrages, ce qui est très bien. Mon objectif est de lire une bande dessinée par mois, donc on y est. Je n'ai pas fait de classement, mais la grande gagnante est sans conteste la magnifique Wonder Woman Historia.

Du côté des revues

Outre mon fidèle Cheval Magazine (douze mensuels + un hors-série), j'ai lu en diagonale cinq anciens numéros de Livres Hebdo et j'ai lu (en entier, pour de vrai) douze autres revues ou journaux, comme Translittérature et Le Monde Diplomatique. Étant donné que mon objectif est de lire une revue par mois en plus de Cheval Mag, c'est parfait.

Et pour 2025?

Bein, je veux lire plus, bien entendu. Espérons!!

samedi 18 janvier 2025

Bilan 2024 - Cinéma

Comme tous les ans, l'heure est venue de faire le bilan de l'année écoulée. Que retiendrai-je de 2024?

Au cinéma, c'est, toutes proportions gardées, plutôt la catastrophe: je cumule trente-cinq séances. C'est un recul par rapport à 2022 et 2023, et cela me chagrine quand même pas mal. D'un autre côté, c'est toujours moins pire que 2019... 😂😂 (Et que 2020 et 2021, me direz-vous; mais ces deux années-là étaient particulières pour des raisons indépendantes de ma volonté, donc je ne les utilise pas comme référentiel.)

2017: 44 séances
2018: 41 séances
2019: 27 séances
2020: 21 séances
2021: 16 séances
2022: 40 séances
2023: 41 séances
2024: 35 séances

À défaut de quantité, y a-t-il au moins eu de la qualité? Oui, indéniablement. J'ai revu ou découvert de sacrés chefs d'œuvre du cinéma, comme Le Nom de la Rose et Jurassic Park. Toutefois, j'estime que ce bilan doit porter sur les films sortis en 2024 même, ou à tout le moins fin 2023; je trouverais très étrange de dire que le meilleur film de 2024 est sorti en 1986 ou en 1993.

(Pour les personnes pointilleuses: oui, je suis consciente que cette règle que j'impose au classement cinéma ne me traverse même pas l'esprit pour le classement des lectures. Je n'ai aucun problème à dire que le meilleur livre de 2024 est paru en 1958. Mais cette différence de règles me semble une évidence. Et puis bon, l'humain n'est pas à une contradiction près, voilà voilà.)

Bref, mon classement des films sortis en France en 2024 ou fin 2023 commence par...

Flow de Gints Zilbalodis

 Ce dessin animé est tellement magique
que je le mets en tête sans aucune hésitation.
Mon avis.

Pour les quatre suivants, en revanche, il n'y a pas réellement de classement qualitatif: je les indique ici dans l'ordre dans lequel je les ai vus.

Godzilla Minus One de Takashi Yamazaki
Une très belle interprétation de Godzilla. Quelle chance que ce film ait eu droit à une deuxième sortie et que mon cinéma l'ait passé. 🤩🤩 Mon avis.

Creation of the Gods I: Kingdom of Storms de Wu Ershan
Ohlàlàlàlà de la fantasy chinoise à grand spectacle!! Je n'en reviens toujours pas!! Et le deuxième film arrive en 2025!! Putain, heureusement que la Chine est là, en attendant Avatar 3!! 🤩🤩
Mon avis.

La Zone d'intérêt de Jonathan Glazer
Un film glaçant, mais unique dans son idée de départ, portée par un traitement particulier.
Mon avis.

Lee Miller d'Ellen Kuras
Un grand film pour la grande actrice qu'est Kate Winslet.
Mon avis.

Pour soutenir un minimum le cinéma français, j'ajouterai que j'ai passé un très bon moment avec Les Trois Mousquetaires: Milady, même si on n'est pas non plus dans du Grand Cinéma. Mon avis.

Et vous, avez-vous vu certains de ces films? Que retenez-vous de cette année dans les salles obscures?

lundi 13 janvier 2025

Les BD du quatrième trimestre 2024 🐢

Comme d'habitude, retour sur les lectures graphiques des trois derniers mois! Un grand merci à Nadège pour m'avoir fourni de la lecture! 😊😊😊

The Witcher. Tome 1: Un grain de vérité de Jacek Rembis et Travis Currit (scénario, d'après la nouvelle originale de Andrzej Sapkowski), Jonas Scharf (dessin), José Villarrubia (couleurs) et Kai Carpenter (dessin de couverture), traduit de l'anglais par Nadège Gayon-Debonnet (d'après la traduction du polonais de Laurence Dyèvre) (2022)

Le premier tome de l'adaptation en comics du Sorceleur m'a un peu fait retomber dans l'hystérie qui a accompagné pour moi la série – alors même que je n'ai pas vraiment compris la fin, lol. Il faut tellement que je lise ces bouquins un jour. J'aurais tellement aimé écrire ça, moi. Bouhouhouh.
Éditeur: Hi Comics

Teenage Mutant Ninja Turtles Reborn. Tome 1: Renaissance et tome 2: La Vie après la mort de Sophie Campbell (scénario et dessin), Nelson Daniel et Jodi Nishijima (dessin), et Kevin Eastman et Tom Waltz (récit), traduit de l'anglais par Nadège Gayon-Debonnet (2023)

Alors là, je me suis régalée avec cette nouvelle version des Tortues Ninja. J'ai eu un peu de mal à me situer au début du tome 1 car je n'ai jamais lu les comics, mais il y a un effort pour fournir au lecteur le minimum vital du contexte et je me suis vite habituée. Un quartier entier de New York, coupé du reste de la ville, abrite des centaines de mutants qui doivent réorganiser leur vie en parias. Splinter est mort et les quatre frères sont à la dérive. Ce contexte difficile, voire franchement crève-cœur pour les tortues, est allié à un dessin mignon qui m'a fait craquer. Il faut que je retienne le nom de Sophie Campbell pour ce scénario plein de sujets riches et ce dessin à tomber. Le deuxième tome m'a un peu moins plu, car Sophie Campbell n'est plus au dessin, mais Nelson Daniel et Jodi Nishijima lui sont restés assez fidèles, heureusement pour moi. Entraide et tolérance sont au cœur des ces histoires avec plein de nouveaux personnages féminins et des animaux très variés (il y a même un pigeon 🥰), ce que j'ai beaucoup apprécié. Un régal!
Éditeur: Hi Comics

Teenage Mutant Ninja Turtles - The Last Ronin - Lost Years de  Kevin Eastman et Tom Waltz (scénario et dessin), SL Gallant et Ben Bishop (dessin), traduit de l'anglais par Nadège Gayon-Debonnet (2024)

J'ai beaucoup moins apprécié ce comics. D'une part, il prend lui aussi les évènements en cours de route, étant donné qu'il suit directement The Last Ronin, que je n'ai pas lu; et malgré qu'il y ait des rappels pour situer le lecteur, j'ai eu moins de facilités à me placer dans l'univers que dans celui de Reborn. D'autre part, les histoires sont tout simplement moins intéressantes: la partie sur la fille d'April O'Neil et quatre jeunes tortues est sympathique, mais n'avance pas vraiment; la partie sur Michelangelo est assez frustrante car il cumule les revers et l'on a l'impression d'un scénario qui se traîne. Enfin, je n'ai pas aimé les dessins...
Éditeur: Hi Comics

mercredi 8 janvier 2025

La gamelle de décembre 2024

Comme d'habitude, retour sur les activités culturelles du mois écoulé, hors lecture.

Sur petit écran

Quai d'Orsay de Bertrand Tavernier (2013)

Ce film me fait mourir de rire. 😂😂
(Je réalise que je le voyais pour la quatrième fois, vu que je l'ai vu au cinéma lors de sa sortie, puis en 2017, puis en 2021. C'es très rare pour moi.) (Et j'ai déjà envie de le revoir. 😂)

Sur grand écran

Sarah Bernhardt, la Divine de Guillaume Nicloux (2024)

Un biopic intéressant sur une actrice que je ne connaissais que de nom. Bien que l'intrigue soit essentiellement centrée sur une de ses relations amoureuses, cela m'a permis d'en apprendre plus sur elle et son parcours. Le personnage a l'air totalement hors de l'ordinaire et très libre, ce qui m'a pas mal envoyé du rêve! Moi aussi, je veux vivre avec un lynx et un maki-cata! En outre, on croise Émile Zola, même si j'ai trouvé le personnage un peu bizarre.

La Guerre des Rohirrim de Kenji Kamiyama (2024)

Retour en Terre-du-Milieu, mais version dessin animé d'inspiration japonaise cette fois-ci. J'ai trouvé le résultat très inégal: autant la mort de Helm envoie du lourd, autant beaucoup de choses m'ont semblé absurdes ou mal gérées (le nombre très limité de combattants autour d'Edoras, les réactions de plusieurs personnages, la locomotion franchement cheloue des chevaux). Et pour un film centré sur un personnage féminin fort, le tout m'a semblé quand même remarquablement patriarcal. Mais repartir en Terre-du-Milieu est toujours agréable, et mon cœur a palpité. 💞

Du côté des séries

Toujours rien.

Et le reste

En novembre, après avoir visité la superbe exposition L'Art de James Cameron de la Cinémathèque, j'ai ressorti un vieux hors-série de Mad Movies sur mon réalisateur fétiche. Il date de 2009, mais je l'ai lu bien plus tard, genre en 2016 ou 2017, quand j'ai découvert Mad Movies et passé une commande sur leur boutique en ligne. C'était passionnant, comme d'habitude; et Michael Bay en prend pour son grade, comme souvent. 😂 Seule réserve: j'ai trouvé le premier article trop axé sur une prétendue haine du monde entier contre James Cameron, et un autre article trop enclin à croire que le monde entier a, au contraire, été très influencé par James Cameron. Je n'étais pas non plus en désaccord radical, mais pas bien convaincue.

En fin de mois, j'ai lu mon Cheval Magazine, comme d'habitude. Et comme d'habitude, la "menace animaliste" les préoccupe pas mal... Ils me fatiguent... 😅

vendredi 3 janvier 2025

La Mort du roi Tsongor (2002)

Ayant souhaité espacer un minimum mes lectures de Laurent Gaudé, j'ai héroïquement résisté durant six mois avant d'attaquer La Mort du roi Tsongor. Lorsque je suis enfin entrée en action, j'ai lu les deux premiers chapitres dans un trajet en train, en ayant la tête totalement ailleurs, et ça n'a rien donné. Mais heureusement, j'ai dégagé du temps pour ça les jours suivants.

Et...

Bein quelle claque, hein. Il est dingo, ce bouquin.

À Massaba, une ville fictive évoquant les grands empires antiques, le roi Tsongor est sur le point de marier sa fille Samilia, et tous et toutes se réjouissent. Mais la veille de l'arrivée du fiancé, se présente devant le roi un ami d'enfance de Samilia auquel elle a juré fidélité... Deux prétendants pour la même femme, chacun légitime, c'est la perspective de la guerre pour l'empire que Tsongor a construit à la force des armes. Commence alors la longue nuit du roi Tsongor, qui veille et réfléchit en compagnie de Katabolonga, le porteur du tabouret d'or, un homme d'un royaume vaincu des décennies plus tôt qui le sert depuis lors et qui aura le droit, un jour, de le tuer. Et la mort, cette nuit-là, semble à Tsongor la seule solution pour éviter le désastre.

Évacuons tout de suite ma petite réserve: dans ce roman, Laurent Gaudé fait beaucoup de phrases nominales très courtes ou des phrases verbales mais sans pronom au début. Je comprends bien que ça donne un rythme abrupt, haché, qui peut souligner la violence ou le tragique d'une situation, mais ça ne me plaît pas beaucoup, et il y en a ici suffisamment pour que ça fasse un peu tic d'écriture.

Mais sinon, ce roman est juste dingo. Le souffle épique est digne de la Bible. Massaba est une ville immense, cernée de remparts, face à une armée menée par un homme bien décidé à en découdre; tous les chefs de guerre sont plus grands que nature (les mâcheurs de khat, les chiennes de guerre, les amazones à dos de zébu (oui!)); le siège s'étire de manière incroyable dans le temps. En fait, le temps s'étire de manière incroyable pour tout le monde, à commencer par Tsongor et Katabolonga, qui passent une éternité ensemble, d'abord dans la vie, puis dans la mort. "Dans la mort", oui: il y a aussi un élément fantastique assez particulier, qui évoque peut-être de vieilles légendes des rois survivant après la mort et donne une teinte douloureuse à l'ensemble.

Ensemble qui est bien tragique en soi, même sans le regard de Tsongor! Car le siège de Massaba est un bain de sang insensé, dans lequel les frères et les amis s'entretuent et les cadavres s'accumulent dans la plaine désertique, sans cesse piétinés par de nouveaux combattants. Le masssacre des chiennes de guerre envoûtées est terrible, et certains passages sont même assez gores. C'était fou!

Et en parallèle du siège, Souba, le fils cadet de Tsongor, parcourt l'empire à la recherche de sept endroits où faire bâtir des tombeaux en l'honneur de son père. Cet élément aussi m'a paru très "antique" et symbolique, et j'ai adoré le portrait nuancé qu'il donne à voir de ce grand conquérant.

Le seul problème de ce bouquin, en fin de compte, c'est qu'à côté, toute la production de Laurent Gaudé qui a suivi me paraît rétrospectivement un peu plate – y compris Eldorado, qui m'a pourtant fait vibrer en juin dernier. Je suis ébahie qu'il ait eu le prix Goncourt des lycéens en 2002. J'étais au lycée à l'époque et j'étais à mille lieues de lire et d'apprécier ça. Chapeau aux lycéens et chapeau à Laurent Gaudé!

Autres livres de l'auteur déjà chroniqués sur le blog
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